You are currently viewing La fracture numérique, frein social à l’emploi

Le recours au numérique est devenu incontournable, tant dans nos vies personnelles que dans nos vies professionnelles. Au travail, le numérique a atteint tous les types d’emplois, même ceux considérés comme les plus « traditionnels ». Le manque de compétences numériques est classé au premier rang des freins sociaux à l’emploi, sans doute pour deux principales raisons interreliées.

1. De plus en plus d’emplois requièrent des compétences numériques

Les compétences numériques sont désormais considérées comme des compétences de base nécessaires pour accéder à la plupart des emplois. En effet, dans le tertiaire par exemple, les employeurs recherchent des candidats capables d’utiliser des logiciels courants tels que Microsoft Office, utiliser des outils de communication électronique tels que les courriels et les messageries instantanées, et naviguer efficacement sur internet.

Le besoin de compétence numérique n’épargne aucun secteur. Les entreprises cherchent à automatiser leurs processus pour permettre aux salariés de se concentrer sur des tâches à valeur ajoutée et gagner en efficacité, et les technologies numériques regorgent de solutions en ce sens. De ce fait, le numérique est intégré dans l’entreprise, que ce soit en matière de communication interne et externe, de gestion de projet, ou encore de collecte de données, de gestion des budgets, et selon le secteur, de planification de fabrication, MES, d’ERP, …

Pour autant, si les bénéfices de l’autonomie numérique sont effectivement nombreux au travail, ils sont aussi source d’inégalités entre les travailleurs. En effet, une partie des demandeurs d’emploi se retrouvent exclus et en difficulté en raison de leur manque de compétences numériques et une partie des travailleurs se retrouvent en difficulté face aux tâches digitales qu’ils doivent réaliser. Ces inégalités peuvent s’accompagner de risques psycho-sociaux, de stress, de sentiment de déclassement ou encore de découragement

On qualifie ces inégalités de fracture numérique, c’est-à-dire l’inégalité d’accès, de compétences et d’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) entre différentes populations. Selon le ministre chargé de la Transition numérique et des Télécommunications Jean-Noël Barrot, un Français sur trois est éloigné du numérique, c’est-à-dire près de 16 millions de Français. Parmi les personnes identifiées comme particulièrement vulnérables figurent les seniors et les retraités, les personnes précaires et à faibles revenus, les personnes en situation de handicap et les personnes détenues. Trois grands volets résument les grandes difficultés auxquelles ces publics sont confrontés face au numérique :

  • L’absence d’équipement informatique ou d’accès au réseau en sont les deux premiers. Bien qu’ils aient évolué ces dernières années grâce aux programmes de couverture 4G et très haut débit sur le territoire français, et à un meilleur taux d’équipement des foyers, de nombreuses personnes n’ont toujours pas accès au numérique en France.
  • Le manque de compétences numériques constitue le troisième volet. Il s’agit de l’illectronisme, c’est-à-dire du manque d’autonomie numérique.

2. Le numérique incontournable dans la recherche d’emploi

De plus en plus des offres d’emploi passent par Internet, que ce soit directement sur le site web de l’entreprise, ou sur les réseaux sociaux professionnels tels que LinkedIn, ou sur des sites de recrutement en ligne. Les personnes qui ne possèdent pas les compétences numériques nécessaires sont donc exclues de facto de ces opportunités, ce qui représente un frein social à l’emploi, qui exclut davantage encore des publics qui sont souvent déjà éloignés de l’emploi. Pour autant, d’après une étude menée en 2019 par Pôle emploi, les demandeurs d’emploi sont plus connectés que les autres puisque 95% d’entre eux utilisaient internet, contre une moyenne française de 88%.

La recherche d’emploi est un défi supplémentaire pour les personnes éloignées du numérique, de l’élaboration de leur CV, en passant par la recherche et l’identification d’offres d’emplois, jusqu’aux premiers contacts avec les recruteurs. Le numérique se fait donc véritable levier d’insertion vers l’emploi, de la même façon qu’il s’est rendu indispensable à la réussite scolaire et académique. Néanmoins, Internet apparait comme plus efficace dans le recrutement de cadres et personnels qualifiés, « ces derniers se prêtant mieux à une sélection à distance sur la base de repères d’appariement objectivables », comme l’expliquent Marie Benedetto-Meyer et Anca Boboc dans leur ouvrage Sociologie du numérique au travail (2021). Par ailleurs, les auteures expliquent qu’en conséquence de l’utilisation d’internet pour le recrutement, l’acte de candidature se retrouve quelque peu banalisé puisque « la possibilité de se porter candidat en quelques clics a abaissé le niveau d’autocensure des candidats et suscité un accroissement des candidatures dites non qualifiées ».

Enfin, l’inclusion numérique au travail apparait comme un levier clé de la performance et de la durabilité des entreprises. Le monde du travail étant transformé par les usages numériques, les entreprises favorisent le bien-être de leurs employés en leur offrant les moyens de monter en compétences et en performance en encourageant l’inclusion numérique interne.

 

Sources :

  • Benedetto-Meyer, Marie, et Anca Boboc. Sociologie du numérique au travail. Armand Colin, 2021
  • Bessy C., Marchal E. (2006), « La mobilisation d’internet pour recruter : aux limites de la sélection à distance », La revue de l’IRES, n° 52
  • Source image: Photo de John Schnobrich sur Unsplash 

A propos de Karine Munschi

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