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La CNIL précise les règles relatives aux caméras augmentées dans les espaces publics

Au terme d’une consultation publique, la CNIL a communiqué sa position sur l’usage des caméras « augmentées » et a rappelé le cadre juridique actuellement applicable à ces dispositifs en mettant l’accent sur les risques pour les droits et libertés individuels.

Qu’est-ce qu’une caméra augmentée ?

Les caméras augmentées sont des caméras équipées de logiciels d’intelligence artificielle qui peuvent filmer, par exemple, les voies publiques et compter en temps réel différents types d’usagers (piétons, voitures, vélos) pour les répertorier ou les catégoriser selon des critères modulables tel que par exemple leur sexe, leur âge ou autres (par exemple la couleur du véhicule, le type de véhicule etc.).

Ces caméras sont souvent utilisées afin de déterminer la stratégie publicitaires et l’agencement des enseignes ou des produits dans les centres commerciaux.

Les caméras augmentées ne sont pas des caméras biométriques.

Il convient de distinguer entre les caméras augmentées et les caméras dites biométriques.

Doivent être qualifiées de caméras biométriques celles qui remplissent les deux critères cumulatifs suivants :

  • Elles collectent des données sensibles (ex : les données biométriques comme l’écartement des yeux, des arêtes du nez, des commissures des lèvres) et
  • Elles permettent d’identifier ou d’authentifier de manière unique une personne sur la base des données sensibles ainsi collectées.

Cependant les caméras augmentées ne rempliront aucun de ces critères ou seulement l’un des deux.

En effet, les caméras augmentées visent à réaliser des statistiques, des classifications ou bien à identifier un évènement tel qu’une altercation dans la foule sans permettre d’identifier la personne de manière unique.

Cette distinction demeure importante puisque les règles, notamment celles issues du RGPD, encadrants l’usage de ces technologies différentes.

Effectivement, dans le cadre d’usage des caméras biométriques, le traitement des données sensibles est en principe prohibé par les articles 9 du RGPD et 6 de la loi informatique et Libertés, et les exceptions à ce principe sont strictement encadrées par les mêmes textes.

En quoi les caméras augmentées sont-elles problématiques pour les droits et libertés individuelles ?

Dans sa publication, la CNIL a identifié deux risques majeurs liés à l’usage des caméras augmentées :

  • Une technologie d’analyse automatisée d’images par nature intrusive :

Il faut noter qu’en fonction de leur finalité les caméras augmentées n’ont pas toutes le même niveau d’intrusivité. Ainsi, de tels dispositifs peuvent être inoffensifs lorsqu’ils sont utilisés seulement pour la production d’une information anonymisée tels que des statistiques ou pour parvenir à une décision à portée collective.

Toutefois, dans d’autres cas, les caméras augmentées peuvent être véritablement intrusive. Tel est le cas lorsque ces dispositifs s’intègrent dans un ensemble plus vaste sensé interagir en fonction des données traités par ladite caméra.

Ainsi, par exemple, la caméra augmentée placée dans un panneau publicitaire dans le but d’afficher de la publicité ciblée à une personne spécifique, choisi au regard de son genre ou de son âge sera nécessairement plus intrusive pour la personne concernée que la caméra augmentée dont le seul but est d’identifier le nombre de SUV empruntant la rue filmée.

  • Un risque accentué de surveillance généralisée :

Le second risque identifié par le CNIL concerne la possibilité de détourner le système des caméras augmentées afin de mettre en place un système de surveillance généralisée.

Le cas échéant, en raison de la multiplication des caméras augmentées dans les lieux publics il sera possible des filmer les individus façon continue dans leurs actes simples et quotidiens, tel qu’aller au sport ou faire ses courses, et d’analyser leur comportement.

Ainsi, ces caméras accordent la possibilité, à ses usagers, d’apprendre des éléments nouveaux sur les personnes filmées afin de prédire leurs comportements, leurs gouts et leurs habitudes et de prendre des mesures les concernant.

A titre d’illustration, la CNIL a donné l’exemple d’une caméra augmentée qui peut « analyser le visage d’une personne pour en déduire son humeur et afficher une publicité ou des promotions en conséquence. ».

De ce fait, un sentiment de surveillance important peut se développer chez les personnes et cela deviendra de plus en plus vrai quand les dispositifs se généraliseraient dans tous les espaces publics.

L’encadrement juridique des caméras augmentées avec le RGPD

D’abord, la CNIL a retracé les grands principes et les obligations instaurés par le RGPD et applicables à cette technologie tels que ; le principe des finalités déterminées, explicites et légitimes[1], l’obligation d’avoir une base légale appropriée pour le traitement[2], le principe de proportionnalité du dispositif[3], et l’obligation d’information des personnes concernées[4]

Ensuite, elle a surligné qu’il devenait nécessaire d’adopter une législation spécifique autorisant et encadrant la mise en œuvre de certains dispositifs. De plus, la CNIL rappel que la police nationale ou les autorités locales ne sont pas autorisées par la loi à se connecter sur les caméras traditionnelles ou à utiliser des dispositifs d’analyse automatique permettant de détecter de la criminalité.

Enfin, la CNIL souligne que l’exercice du droit d’opposition des personnes concernées par le traitement sera impossible puisque les conditions d’exercice de ce droit ne sont pas praticables une fois que la personne entre dans le cadrage de la caméra.

A l’heure actuelle, il n’y a pas de moyen effectif pour marquer son opposition à la mise en œuvre de ces traitements comme la possibilité d’appuyer sur un bouton, de faire un geste particulier devant une caméra, de stationner dans une zone dédiée pour marquer son opposition.

Par conséquent, la CNIL a considéré que l’usage de ces caméras limitent l’exercice des droits des personnes et déclaré qu’une telle limitation n’est possible que dans deux cas exceptionnels :

  • soit le traitement doit poursuivre une finalité statistique au sens du RGPD et le résultat de ce traitement doit être constitué des données agrégées et anonymes.

 

  • soit l’exception de l’article 23 du RGPD doit être invoqué, de sorte que le droit d’opposition sera écarté par un texte spécifique, de nature au moins réglementaire tout en respectant les principes de la légitimité et de la proportionnalité du traitement au regard de l’objectif poursuivi.

 

 Source: https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/cameras-intelligentes-augmentees_position_cnil.pdf 

[1] L’article 5.1.b du RGPD.

[2] L’article 6 du RGPD.

[3] L’article 5.1.c du RGPD.

[4] Les article 12, 13, 14 du RGPD.

A propos de Bilge Esin Dinceroglu

En stage de fin d'études chez Marvell Avocats sous direction de Maitre Géraldine CAMIN Étudiant en Master 2 Droit de l'économie numérique promotion 2021-2022