Début décembre 2018, le Parlement européen a adopté un rapport proposant de déléguer la censure du Web européen aux GAFA. 


Ce rapport sur les « observations et les recommandations de la commission spéciale sur le terrorisme » a été adopté à une très large majorité, avec seulement 112 voix contre, et 75 absentions sur 661 voix. Il fait suite à la proposition de la Commission européenne de mettre en place un cadre juridique permettant de prévenir l’utilisation abusive des services d’hébergement pour la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne, notamment et surtout afin d’assurer un bon fonctionnement du marché unique numérique. Le gouvernement français actuel a été l’un des premiers soutiens de ce texte.
Intitulé « Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne », le rapport prévoit « une détection automatique et une suppression systématique, rapide, permanente et complète des contenus terroristes en ligne », ainsi qu’un moyen d’empêcher le rechargement de contenus déjà supprimés. Pour ce faire, le texte propose une sous-traitance de cette censure aux grands acteurs de l’Internet, notamment en soumettant les acteurs du web aux outils de surveillance et de censure automatisés fournis par Facebook et Google. 
La Quadrature du Net, ainsi que 58 autres organisations ont dès le départ dénoncé cette volonté de la Commission européenne de soumettre l’ensemble du Web aux outils de censure des GAFA. 
Elle rappelle notamment que trois amendements au rapport ont été rejetés par les députés européens. Ces derniers prévoyaient : 

  • une censure non-automatique des contenus terroristes 
  • une censure qui n’implique pas une activité de détection active des contenus, ni une suppression systématique et rapide 
  • de ne pas imposer aux plateformes une obligation de supprimer complètement les contenus 

 
Ce rapport ne prévoit que de simples recommandations, sans effet juridique, mais il révèle tout de même une volonté européenne liberticide. 
Il est vrai que les terroristes ont appris à utiliser, user et abuser des outils qu’internet leur met à disposition, tant pour recruter des sympathisants que pour préparer des activités terroristes. Toutefois, le vote des députés européens et la volonté de l’Union européenne de mettre en place une telle censure passent mal. Il semblerait que, encore une fois, les arguments sécuritaires prévalent sur la défense de nos libertés, notamment de la liberté d’expression. 
Aujourd’hui, cette volonté affirmée de l’Union européenne sur une censure automatisée et privatisée à des fins sécuritaires inquiète et oblige à se demander jusqu’où cette censure peut aller, surtout lorsqu’elle est laissée entre les mains des GAFA.
Il est d’autant plus inquiétant de se rendre compte des circonstances dans lesquelles ce vote a été pris. En effet, il intervient à la suite d’une fusillade survenue à Strasbourg. La Quadrature du Net résume totalement cette situation :

«  Comme d’habitude, malheureusement, le temps de l’apaisement et de la réflexion, et même du deuil, a été écarté pour avancer à marche forcée sur les voies sécuritaires et destructrices que nos dirigeants poursuivent depuis des années en prétendant défendre la démocratie contre le totalitarisme. Tout en faisant l’inverse. »

Ce rapport du Parlement européen servira de base au prochain règlement européen de censure terroriste. Affaire à suivre … 
 
 

A propos de Cecilia DI PIETRO