L’utilisation de la géolocalisation, technique permettant d’indiquer la position d’un objet et d’une personne sur une carte au moyen de positions géographiques (géolocalisation par Global Positionning System ou encore au moyen du réseau téléphonique) est en expansion croissante depuis les années 2000 notamment au sein des entreprises dont la croissance est étroitement liée à la mobilité des employés. La géolocalisation pourra notamment permettre à l’entreprise d’optimiser les déplacements.

Si cette technologie présente un avantage certain pour bon nombre d’applications et d’utilisateurs, son utilisation pose aussi un certain nombre de problèmes au regard des libertés individuelles.

Déjà le 26 novembre 2002, la chambre sociale de la cour de cassation décidait qu’une filature organisée par l’employeur pour contrôler et surveiller l’activité de son salarié constituait un moyen de preuve illicite, car résultant d’une atteinte injustifiée à la vie privée, qui ne peut donc pas être invoqué en justice, et ce même si le salarié avait été informé de la possibilité de ce contrôle. Cette irrecevabilité découle de l’atteinte injustifiée à la vie privée du salarié, argument qui s’applique d’autant plus aux systèmes de géolocalisation.

En effet, l’utilisation de cette technique est susceptible de porter atteinte à la liberté d’aller et venir et plus largement à la vie privée puisqu’il permet notamment de connaître en temps réel la position géographique et les itinéraires empruntés par son utilisateur. Le système, dès qu’il contient des données à caractère personnel (numéro de téléphone, plaque d’immatriculation, etc.), constitue un traitement de données à caractère personnel nécessitant donc d’être encadré.

 Le législateur et la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL), qui a vu ses pouvoirs renforcés par la loi du 6 Aout 2004 relative à la protection des données à caractère personnel, sont intervenus pour encadrer l’usage de la géolocalisation dans les entreprises.

L’encadrement juridique de la géolocalisation dans les entreprises renforcé par la CNIL :

Le législateur français avait déjà posé les bases de l’encadrement relatif à la géolocalisation dans les entreprises notamment dans l’article L432-2-1 du Code du travail qui impose à l’employeur une obligation d’information et de consultation préalable du Comité d’entreprise (ou à défaut, des délégués du personnel) sur les traitements automatisés qu’il prévoit de mettre en place, et ce afin de pouvoir démontrer que ceux-ci ont bien été informés de la mise en place du système, et de pouvoir, le cas échéant, utiliser les informations recueillies comme moyen de preuve dans le cadre d’un litige. Le défaut d’information des employés est puni de 1500 € (Décret 81-1142 du 23 décembre 1981).

Aussi, l’article 32 de la loi du 7 janvier 1978 modifiée en aout 2004 impose à l’employeur d’informer individuellement chaque salarié de l’installation d’un tel dispositif, de la ou les finalités poursuivies par le traitement de la géolocalisation, des catégories de données de géolocalisation traitées, de la durée de conservation des données de géolocalisation les concernant, des destinataires ou catégories de destinataires des données, de l’existence d’un droit d’accès, de rectification et d’opposition mais aussi de leurs modalités d’exercice.

Le cas échéant, tout transfert de données à caractère personnel envisagé à destination d’un état non membre de la communauté européenne devra être porté à la connaissance du salarié. L’employeur devra alors faire signer à chaque salarié concerné un avenant à son contrat de travail ou insérer ces dispositions dans le règlement intérieur.

Enfin, le chapitre IV de la Loi du 6 Janvier 1978 dispose que l’employeur devra effectuer une déclaration préalable à la CNIL comme pour tout autre traitement d’informations personnelles. Les entreprises ayant désigné un Correspondant Informatique et Liberté (CIL) sont quant à elles dispensées de cette déclaration.

Dans sa délibération n°2006-066 du 16 Mars 2006, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) est venue compléter ces dispositions. Elle a en effet adopté une « norme simplifiée concernant les traitements automatisés de données à caractère personnel mis en œuvre par les organismes publics ou privés destinés à géolocaliser les véhicules de leurs employés » (norme simplifiée n°51). Celle-ci vient notamment encadrer les finalités poursuivies par l’employeur pour lesquelles l’installation d’un dispositif de géolocalisation pourra être admis.

Dès lors, selon l’article 2 de cette norme le traitement automatisé des données de géolocalisation sera permis s’il a pour finalité :

« a) Le respect d’une obligation légale ou règlementaire d’installer un dispositif de géolocalisation en raison du type de transport ou de la nature des biens transportés ;

b) Le suivi et la facturation d’une prestation de transport de personnes ou de marchandises ou d’une prestation de services directement liée à l’utilisation du véhicule ;

c) La sûreté ou la sécurité de l’employé lui-même ou des marchandises ou véhicules dont il a la charge

d) Permettre une meilleure allocation des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés, notamment pour des interventions d’urgence. »

Un détournement de finalité est sanctionné par l’article 226-21 du Code pénal, qui prévoit une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000€ d’amende.

Concernant la nature des données collectées, la CNIL rappelle le principe de proportionnalité qui implique que les données collectées « doivent être adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles le traitement est mis en œuvre »

De plus, la CNIL opère une distinction selon qu’il s’agisse d’un véhicule de société ou de fonction. Ce dernier pouvant être utilisé à des fins privées la commission recommande que la fonction de géolocalisation puisse y être désactivée.

Un courant jurisprudentiel protecteur des libertés individuelles du salarié

En ce sens, dans sa décision du 3 Aout 2005, la Cour d’appel d’Agen retient que : « la géolocalisation d’un véhicule doit être proportionnée au but recherché et que la mise sous surveillance permanente des déplacements des salariés est disproportionnée lorsque des vérifications peuvent être faites par d’autres moyens, comme c’est le cas en l’espèce, puisque l’employeur pouvait mener des enquêtes auprès des clients que le salarié était censé visiter (…) qu’il résulte de ces éléments que la mise en œuvre du GPS était illégale comme disproportionnée au but recherché et ne peut être admise en preuve ».

Dès lors, une surveillance systématique des déplacements des salariés constitue une atteinte à leur vie privée qui ne saurait être justifiée par l’intérêt légitime de l’employeur puisque cette surveillance est disproportionnée. Une telle décision ne peut être que saluée eu égard au rappel du principe de proportionnalité par la CNIL dans sa délibération de 2006.

Dans un sens toujours plus protectionniste des libertés individuelles et du respect de la vie privée, en date du 14 décembre 2010, la Cour d’appel de Dijon avait écarté les pièces versées par l’employeur pour justifier le licenciement du salarié puisque celles ci avaient été obtenues au moyen d’un système de géolocalisation non porté préalablement à la connaissance de ce dernier.

Au niveau européen enfin, le Groupe de l’article 29 s’est lui aussi saisi de la question de la géolocalisation, rappelant dans la lignée de la CNIL et des juridictions françaises que le consentement préalable des personnes faisant l’objet d’un procédé de géolocalisation était fondamental (Groupe de l’article 29, Avis no 13/2011, 16 mai 2011, WP 185).

Christophe PUECH
Etudiant en Master 2 Droit de l’Economie Numérique à l’Université de Strasbourg.
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