Le 14 décembre 2023, la CJUE a rejeté le pourvoi de la Commission européenne. Pour elle, il n’y a pas d’aide d’État dans l’affaire du tax ruling accordé à Amazon par le Luxembourg.
L’accord entre Amazon et les autorités luxembourgeoises :
Amazon a deux filiales Amazon Holding Technologies SCS (LuxSCS) et Amazon EU Sàrl (LuxOpCo) basées au Luxembourg. De 2006 à 2014 la première détenait les actifs incorporels nécessaire aux activités de la société en Europe. Pour ce faire, elle a conclu des accords de licence avec des acteurs américains, mais aussi avec des acteurs européens, dont LuxOpCo.
Le 6 novembre 2003, LuxSCS demande au fisc luxembourgeois de lui octroyer un rescrit fiscal (tax ruling) qui avait pour objectif final de rendre ses revenus non-imposables. LuxOpCo reste soumise à l’impôt.
Quel est l’intérêt de faire ça ? Le coup de maître de la firme réside dans le fait que LuxOpCo doit une redevance à LuxSCS. Le groupe a proposé que le calcul du montant de pleine concurrence de cette redevance soit fait en appliquant la méthode transactionnelle de la marge nette. ‘En français’, Amazon met en avant des critères de droit de la concurrence qui interdisent qu’un bénéfice tarifaire soit accordé aux sociétés liées au détriment des tiers.
Attention, il n’est écrit nulle part que les tiers ne peuvent pas être avantagés au détriment des filiales, le droit de la concurrence demande une seule chose : ne pas avantager les sociétés liées, le contraire l’importe peu. Amazon a donc fait passer les ¾ des revenus de LuxOpCo comme redevance au bénéfice de LuxSCS. Or, LuxSCS est non imposable.
Les premiers soupçons de la Commission :
En 2017, la Commission européenne attaque séparément Amazon et le Luxembourg, car elle considère qu’un tel accord constitue une aide d’État. En droit européen, les aides « favorisant certaines entreprises »[1] sont prohibées. La Commission, demande donc qu’Amazon rembourse les 250 millions d’euros d’aides fiscales perçus. Pour elle, le principe de pleine concurrence est un principe général qui doit s’appliquer dans les deux sens. Le tribunal de l’Union européenne rejette cette demande dans un arrêt du 12 mai 2021 en disant que la Commission n’a pas utilisé les bons critères. Pour caractériser une aide d’État au sens du droit européen, il faut remplir plusieurs critères comme démontrer que la mesure déroge au régime de droit commun de l’État concerné.
La Commission a formé un pourvoi pour annuler la décision du Tribunal.
La confirmation de l’arrêt du tribunal de l’UE :
La CJUE a confirmé, il y a 2 semaines, l’arrêt du Tribunal en avançant les mêmes points : la Commission n’a pas su démontrer que l’accord dérogeait au droit commun luxembourgeois. La Commission a mis en avant le caractère général du principe de pleine concurrence, mais ce caractère n’existe qu’en droit international et ne peut donc pas s’appliquer en droit européen. On aurait pu l’appliquer que s’il existait au sein du droit national luxembourgeois.
Cet arrêt peut paraître insensé quand l’on sait que l’UE s’est lancée dans une chasse aux sorcières contre les GAFAM et veut absolument qu’elles payent leurs impôts. Mais comme la procédure n’est pas respectée dans cette affaire, on ne peut pas leur demander d’en payer. Bien joué Amazon. Tout n’est peut-être pas perdu pour la Commission, la CJUE doit encore rendre une décision sur les avantages fiscaux accordés à Apple par l’Irlande.
Sources :
- [1] Article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)
- Communiqué de presse de la CJUE
- Communiqué de presse du TUE
- Usine digitale.fr