The NFT Bay : contrefaçon, satire ou performance artistique ?

The NFT Bay est un site internet conçu comme un double satirique du site de téléchargement en ligne bien connu des contrefacteurs, The Pirate Bay, et permettant le téléchargement illégal de l’intégralité des NFT déposés sur les blockchains Ethereum et Solana. Bien loin d’un projet occulte, ce dernier a été amplement mis en avant par son créateur, à grand renfort de posts sur différents réseaux sociaux et d’interviews à visage découvert.

Un projet aussi ubuesque qu’ouvertement illégal

Mis en ligne par Geoffrey Huntley, et présenté comme un « commentaire artistique sur l’engouement qu’on suscité les NFT au cours de l’année précédente » The NFT Bay est un site référençant des fichiers torrent contenant une ou plusieurs copies d’oeuvres qui ont été attachées à des NFT. Parmi eux, un fichier déposé par l’artiste lui même attire l’attention : pesant la bagatelle de 17,76 Térabits, la description de ce dernier claironne qu’il contient l’intégralité des copies qui ont permis de forger tous les NFT présents sur les blockchains Ethereum et Solana depuis leur création jusqu’au 18 Novembre 2021, date de son envoi sur le site.

Tous, sans exception.

L’information a de quoi faire tourner la tête, particulièrement lorsqu’on essaie d’estimer la quantité d’images présentes dans ce fichier torrent. La description de celui-ci nous aide, en mentionnant explicitement le format .jpeg.

En supposant qu’une photo enregistrée dans ce format pèse approximativement 3 Mégaoctets, et grâce à un convertisseur en ligne, il est possible d’estimer grossièrement le nombre d’images présentes dans ce fichier à… 74 000. En sachant que le propriétaire du site n’essaie même pas de prétendre que quelques unes de ces images ont été acquises légalement, on se retrouve dès lors face à 74 000 infractions potentielles au droit d’auteur, toutes concentrées sur la personne de Geoffrey Huntley, l’artiste Australien revendiquant ouvertement la paternité de ce projet aussi démesuré qu’ubuesque.

Et ouvertement n’est pas un faible mot : l’artiste, en plus de donner des interviews expliquant la volonté « artistique » derrière l’ouverture de ce site, a même inclus dans la description de son fichier torrent gargantuesque un lien vers un post publié sur son propre profil twitter, faisant la promotion de ce dernier et expliquant sa genèse.

Une critique acerbe de l’engouement autour des NFT

La position de cet artiste contrefacteur (ou de ce contrefacteur devenu artiste ?), n’a pourtant  rien de nouveau. Partagée par de nombreuses personnes et souvent avancée sur les forums de discussions en ligne, elle peut être résumée comme suit : les NFT ne sont rien de plus qu’une vaste arnaque. Tout simplement.

N’étant rien d’autre qu’un certificat authentifiant une copie numérique, ceux-ci ne possèderaient aucune valeur intrinsèque, et les prix exorbitants auxquels se vendent certains d’entre eux ne seraient qu’un autre exemple de la vacuité du monde de l’art et de sa spéculation insensée. Et compte tenu de l’impact écologique des blockchains, l’artiste conclut la description de son fichier torrent par ces mots « WTF ? We destroyed our planet for THIS ?! ». Des propos au vitriol qui ne manquent pas d’une certaine ironie.

Pour aller encore plus loin dans la satire, il faut également signaler que plusieurs comptes ont même été utilisés pour forger sur OpenSea, une des bourses d’échange les plus populaire dans le monde des NFT, quelques NFT reprenant le logo de ce site parodique, bouclant ainsi la boucle d’une histoire de contrefaçons gigognes, à vocation pseudo artistique qui n’a pas fini de mystifier ceux qui l’observent et s’étonnent de ne pas voir arriver la fermeture d’un site si ouvertement illégal.

En Australie, l’exception de parodie irait-elle aussi loin ?

Sources : 

https://completemusicupdate.com/article/artist-behind-the-nft-bay-says-the-project-is-a-warning- to-potential-nft-buyers/

https://twitter.com/GeoffreyHuntley/status/1461322836165885954