Facebook est aujourd’hui le réseau social dominant, utilisé par plus de 26 millions de membres en France[1]. Mais si le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, d’une liberté d’expression[2], que peut-il vraiment dire sur un réseau social ? Entre liberté d’expression et obligation de loyauté envers son employeur, le match est serré…
Dans une affaire récente, un salarié cadre, directeur administrateur et commercial et membre du comité de direction, avait tenu des propos excessifs sur son blog à l’encontre de sa hiérarchie ; parfois à l’encontre de personnes nommément citées.
La Cour d’Appel de Dijon, dans un arrêt du 21 mars 2013, a estimé que le contenu du site avait un caractère insultant à l’égard de sa direction et de personnes nommément citées, d’autant plus que le site était facilement accessible via les moteurs de recherche.
Si un site internet est le plus généralement accessible au plus grand nombre, qu’en est-il des réseaux sociaux ? Espace public ou espace privé ?
En novembre 2011, la Cour d’Appel de Rouen, avait estimé que le réseau social Facebook pouvait constituer, tantôt un espace public, tantôt un espace privé, en fonction des paramétrages effectués par l’utilisateur. La Cour de cassation[3] est venue récemment préciser cette jurisprudence par l’ajout du critère de « communauté d’intérêts. »
Dans cette espèce, le salarié avait tenu des propos injurieux à l’encontre de ses supérieurs, tel que « Sarko devrait voter une loi pour exterminer les directrices chieuses comme la mienne !!! » ou encore « éliminons nos patrons et surtout nos patronnes (mal baisées) qui nous pourrissent la vie !!! » Les personnes ayant accès à ces noms d’oiseaux formaient une communauté restreinte « privée » ; les juges ont donc estimé que les propos ne constituaient pas des injures publiques. Le critère ainsi posé par la Cour de cassation relatif à la « communauté d’intérêts » risque de faire couler beaucoup d’encre. Il s’agirait apparemment que deux conditions soient réunies :
- que l’accès aux messages soit autorisé par le titulaire du compte ;
- que cet accès soit restreint à un nombre d’amis particulier.
La Cour de cassation considère donc par défaut comme public tout message publié sur Facebook, à moins que les conditions précitées soient réunies, ce qui apparaît être un critère restrictif en l’espèce : jusqu’à combien d’ « amis Facebook » peut-on considérer le profil comme « privé » ? 50, 100, 200 ? En outre, il est considéré que l’accès aux « amis des amis » excède déjà le cadre purement privé et constitue en soi « un site social ouvert. » (Jugement Boulogne-Billancourt du 19 novembre 2010)
Le salarié ne peut abuser de la liberté d’expression dont il jouit en tenant des propos injurieux ou « excessifs » sur les réseaux sociaux, à moins que les propos soient tenus dans un espace privé.