Le dernier règlement datait de 1988. Organisée par l’Union internationale des télécommunications sous l’égide de l’ONU à Dubaï, la conférence, qui a abouti à un nouveau traité, n’a pourtant soulevé aucun consensus : seulement 89 pays sur 193 l’ont finalement signé. La majorité des Etats européens, les Etats-Unis ainsi que le Canada ou encore l’Inde ont fait le choix de refuser le nouveau règlement. Un dénominateur commun les réunit : la crainte d’une mainmise des Etats sur l’Internet.

Les Etats-Unis l’avaient annoncé cinq jours avant le vote final. Ce traité pourrait ouvrir la porte à une régulation massive d’Internet par les Etats. Une disposition fait particulièrement polémique : « tous les gouvernements doivent avoir une responsabilité égale en matière de gouvernance internationale d’Internet ». En effet, le risque majeur demeurant dans le fait que des pays non démocratiques puissent être légitimés dans leur régulation excessive de l’accès et des services du web. Cette position est également défendue par la plupart des pays européens qui voient également d’un mauvais œil toute tentative pouvant porter atteinte à la liberté du net, comme ce fut le cas en Egypte ou plus récemment, en Syrie.
Des oppositions franches
Les enjeux de la nouvelle économie 2.0 avaient pourtant besoin d’une réglementation moderne, capable de structurer les échanges et la collaboration numérique mondiale, vingt quatre ans après. Ces enjeux stratégiques n’ont finalement été qu’un prétexte pour affirmer la traditionnelle opposition entre les pays des droits de l’homme et leurs concurrents tels que la Russie et la Chine, qui censurent encore régulièrement les accès à Internet.
Néanmoins, chacun des deux blocs cachent des réalités et des motivations particulièrement différentes. Pour l’Europe, la liberté sur Internet tient bien sûr une place prépondérante dans ses revendications ; mais la question du financement des futurs réseaux, ainsi que les problématiques fiscales tiennent une part majeure dans les négociations. En ce qui concerne les Etats-Unis, la défense de la liberté du web prend avant tout un sens économique : il s’agit de ne pas mettre d’obstacle au commerce par des réglementations trop contraignantes, garantissant aux entreprises américaines leur rôle de leader sur le marché numérique. Il était également question pour les Etats-Unis du contrôle des infrastructures majeures ; en ce sens c’est une victoire : le nouveau traité a su maintenir le siège de l’IRCANN (qui gère les noms de domaine au niveau mondial) sur le territoire des USA. Une véritable aubaine alors que les Etats-Unis avaient finalement tout à perdre dans ces discussions. Quant à la Russie et la Chine, la volonté de remettre le web sous contrôle des Nations Unies coïncide avec la promotion d’un contrôle des Etats sur les données personnelles des utilisateurs.
Les USA conservent le siège de l’IRCANN
Au-delà des tractations entre Etats, des ONG ainsi que les principaux acteurs du numérique (Google notamment) critiquent globalement la manière dont l’ONU a choisi d’organiser cette conférence, cloisonnant les débats aux seuls acteurs étatiques. Ainsi, selon Brett Solomon, directeur de l’ONG Access : « le futur de l’Internet ne devrait pas être décidé dans une conférence fermée au public par des gouvernements, plutôt que des acteurs de la société civile». Au final, beaucoup de questions restent sans réponses. Bien que la résolution soit actée, celle-ci restera néanmoins non-contraignante, maintenant le statu quo au niveau de la gestion mondiale des télécommunications. On retiendra enfin des mesures consensuelles qui portent essentiellement sur le développement des infrastructures et des services des pays en voie de développement. Selon de nombreux analystes, la solution à ces désaccords résiderait en la création d’un front occidental en faveur de la liberté du web, une coalition qui susciterait sans aucun doute une nouvelle désapprobation de la part des autres puissances.
Constant KOHLER

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