Corée du Sud et IA

La Corée du Sud est devenue un acteur de premier plan dans le secteur de l’intelligence artificielle. L’intelligence artificielle est symptomatique de l’état d’esprit qui englobe la Corée du Sud : une maturité technologique étendue. Un pays qui vise à toujours plus d’innovation et, dans le même temps, un dynamisme créatif qui surfe sur le potentiel des industries culturelles et créatives nationales… Le tout avec le soutien accru du gouvernement via d’importants investissements.

Quelques chiffres…

La République de Corée passe à la 6e position sur le classement général en termes de développement et d’innovation. Elle se classe parmi les 3 premiers au monde pour des indicateurs clés, notamment les chercheurs (2e), les dépenses de R&D (2e), la R&D réalisée par les entreprises (1er) et la complexité de la production et des exportations (3e). (Indice Mondial de l’Innovation 2024).

Le pays se classe aussi 3ème mondial en nombre de brevets déposés en matière d’IA entre 2010 et 2021 et l’apprentissage automatique prend la part de 77% des brevets déposés notamment dans le domaine de l’énergie, de l’éducation et de l’armée.

La politique économique de la Corée du Sud sur l’IA

La Corée du Sud a une position claire sur l’IA via son slogan : « Au-delà de la puissance informatique vers la puissance de l’IA ». L’IA est vue comme un moteur de changements pour la civilisation sud-coréenne et représente aussi un accélérateur au service de l’économie du pays.

Le point fort de la Corée du Sud en la matière est son réseau très dense de start- spécialisées dans l’IA. Les coréens ont bien saisi ce qui pourrait leur donner une longueur d’avance sur les États-Unis : repousser les limites de la technologie de l’IA. Pour cela, les « scale-ups » coréennes collaborent dans un écosystème qui dépasse nettement la Silicon Valley en termes de structures et d’innovation. L’objectif pour le pays est de travailler étroitement avec l’industrie, le corps universitaire et d’y faire émerger de nouveaux talents.

Quelques exemples de ce réseau développé : « L’AI Innovation Hub » est un laboratoire qui soutient plus de 630 chercheurs dans l’IA de plus de 200 institutions. Les conglomérats coréens sont donc très importants. Hyundai Motor Group s’est notamment implanté dans le Massachusetts, créant un centre de recherche de l’IA évalué à 240 millions de dollars. Samsung exploite quant à lui près de 6 centres de R&D dans le monde entier. Les exemples sont encore nombreux, ce qu’il faut retenir c’est que la Corée du Sud mise sur les collaborations à l’internationale pour maximiser son expansion.

En avril dernier, la Corée a lancé le programme « AI-semi-semiconductor » qui inclut un investissement de 6,9 milliards de dollars dans l’IA et les puces destinées à l’IA d’ici 2027. D’autant plus qu’un milliard supplémentaire sera consacrer à la croissance des entreprises innovantes de semi-conducteurs d’intelligence artificielle.

L’objectif est de renforcer l’industrie des semi-conducteurs car celle-ci est vitale pour la Corée du Sud. La demande mondiale ne fait que croître et les tensions aussi.

La Corée du Sud se crée un terreau favorable à ses ambitions. Elle veut créer un« gap » en investissant largement dans tout ce qui est lié de près à l’intelligence artificielle.

Malgré un effort remarquable en termes d’investissement, le pays reste en situation de pénurie. Il dépend encore en majeure partie de l’importation de certaines matières premières.

L’atout majeur de la Corée du Sud : une forte présence sur le marché des semi-conducteurs

Le marché des semi-conducteurs est un marché estimé à 440 milliards d’euros et ce marché représente pour la Corée du Sud le premier poste d’exportation, estimé à 11,7 milliards d’euros.

Les principaux acteurs sud-coréens sont : SK Hynix et Samsung qui détiennent le monopole de l’industrie des puces mémoires. S’agissant de Samsung, il se place 2ème mondiale en production de puces mémoire et SK Hynix possède quant à elle le monopole sur l’industrie des cartes mémoires.

En termes de performance technologique, seuls Samsung et TSMC (Taïwan – Chine) sont des incontournables sur le marché des semi-conducteurs d’une taille de 7 nanomètres. L’économie numérique mondiale en matière technologique est en partie dépendante de la Corée du Sud.

La Corée est l’un des rares pays qui produisent des dispositifs semi-conducteurs haut de gamme nécessaires au développement de l’IA.

Grâce à son implantation vaste dans six secteurs technologiques clés : dont les écrans, les batteries et les puces, la Corée du Sud a ainsi développé un arsenal redoutable aux fins d’un développement grandissant dans le domaine de l’IA.

La vidéosurveillance algorithmique en Corée du Sud :

Dernièrement, notre 1er ministre Michel Barnier a annoncé le souhait de généraliser la vidéosurveillance algorithmique en France suite à un certain succès pendant les Jeux olympiques.

La Corée du Sud a déjà déployé des caméras utilisant de l’intelligence artificielle sur la voie publique et va beaucoup plus loin dans son utilisation.

Le système, baptisé « Déjà View » a été mis en place dans la capitale coréenne, Séoul, et leurs caméras sont toutes reliées à l’intelligence artificielle. Si l’IA Act adopté en

L’Europe pourrait encadrer l’utilisation de la surveillance algorithmique (quoi que les exceptions sont nombreuses), en Corée la législation n’est pas interdite par leur utilisation.

La Corée du Sud n’a pas froid aux yeux quand il s’agit de rendre son système de vidéosurveillance plus efficace. Le système croise ainsi les images analysées par les caméras par une base de données contenant un historique des années de crimes, délits et accidents survenus.

La Corée a aussi déjà déployé des drones aux fins de surveillance du trafic routier en transmettant ces images à une intelligence artificielle. L’objectif étant de prévenir l’évolution du trafic et ainsi de pouvoir le fluidifier. Le problème est que cette utilisation pose des questions quant au droit à l’image des personnes notamment lorsque les drones surveillent les foules tel que lors des célébrations en Corée.

Vers une société de surveillance ?

La Quadrature du Net craint notamment que cette banalisation de la surveillance, notamment en Corée du Sud, n’engendre davantage de violation de la vie privée en l’associant à des logiciels puissants de reconnaissance faciale. L’éthique de la technologie n’étant souvent que très peu prise au sérieux : quid des biais algorithmiques qui pourraient être introduits et de leur fiabilité ?

La Corée se compare ainsi à son homologue japonais. Une course effrénée vers l’innovation technologique est en marche. Les règlementations coréennes empruntent ce choix de privilégier l’innovation et d’établir une réglementation la plus souple possible. Les risques d’une société de surveillance sont déjà présents et la Corée fait un choix éthiquement risqué de s’en affranchir.

En réalité, cette volonté de la Corée d’avancer avec des œillères s’explique par son souhait d’intégrer le top 4 des nations culturelles les plus influentes du monde (avec les États-Unis, la Chine et le Japon). La Corée veut devenir le visage de ce nouveau monde innovant et pour cela elle doit nécessairement se mettre en avant garde.

En forte croissance dans l’industrie du divertissement (séries et films coréens en forte croissance), la Corée ne fait échapper aucun secteur mondial de son influence. Le secteur de l’intelligence artificielle n’échappe pas à la règle, la Corée du Sud a pour ambition de dominer ce-dernier et ce par tous les moyens possibles.

Ainsi, cette alliance de certains pays asiatiques notamment le Japon et la Corée du Sud avec les États-Unis, traduisent cette autre volonté de faire aussi barrage à « l’ogre économique » que représente la Chine.