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Partie 1 : Origines et déroulement du programme de l’ICANN

Avec la fin de l’année 2013, les premières « nouvelles extensions » apparaissent progressivement après un parcours du combattant. Du 19 au 24 juin 2011, le « gouvernement International d’Internet » (ICANN) était réuni à Singapour et posait les prémices de la libéralisation des noms de domaine.  Retour sur cette nouvelle donne qui n’est pas sans poser de nombreuses difficultés tant économiques que juridiques !
Le « nom de domaine » est un élément fondamental de l’Internet d’aujourd’hui. Techniquement, il correspond à une « adresse IP » constituée d’une suite de chiffres : celle-ci permet d’identifier chaque ordinateur connecté au réseau Internet. Il a été créé au début des années 1980 afin de rendre plus convivial et facile l’usage d’Internet à l’époque où le « réseau des réseaux » prenait de l’ampleur. Le plus ancien nom de domaine symbolics.com fut enregistré le 15 mars 1985. On enregistra 54 nouveaux noms de domaine en 1986, ce qui semble dérisoire face aux centaines de milliers qui sont déposés tous les mois à travers le monde.
Un nom de domaine est ainsi généralement composé d’un préfixe (http://), d’un nom et d’une extension (.fr) .
Lorsqu’Internet s’est ouvert à d’autres secteurs que celui de la recherche et du militaire, les noms de domaine étaient rares et chers. Progressivement, les extensions – appelées aussi « top-level domain » (TLD) qui font aujourd’hui partie du quotidien de chaque internaute – se sont libéralisées et multipliées. Le «.com » qui visait initialement les sociétés (compagnie) s’est ouvert à tous, idem pour le « .org » (pour les organisations à but non lucratif : ONG, associations, ..) et le « .net » (network) qui visait principalement les structures travaillant dans les réseaux. Il s’ensuivit un accroissement des inscriptions pour des projets aussi bien professionnels que personnels. C’est cette libéralisation accompagnée d’une réduction des coûts qui contribua à l’essor du commerce en ligne notamment.

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Source : Livre blanc de Gandi sur les nouvelles extensions

L’ICANN est une société à but non lucratif mise en place en 1998 dont le but et d’œuvrer « au maintien de la sécurité, de la stabilité et de l’interopérabilité d’Internet. Elle encourage la concurrence et développe des politiques d’identifiants Internet uniques ».[1]

En 2008, l’ICANN décide de lancer un programme de libéralisation des extensions internet. Le but étant de permettre des candidatures -presque- totalement libres pour créer de nouvelles extensions et par conséquent de nouveaux noms de domaine dès la fin 2013. Finalement c’est 1 930 candidatures qui ont été déposées malgré des frais de dossier s’élevant à 185 000 US Dollars. Il en reste actuellement 1 814 sachant que parfois plusieurs candidatures concourent pour la même extension : par exemple le « .app » qui compte 11 candidats. L’AFNIC Association française pour le nommage Internet en coopération estime ainsi qu’entre « 1 000 et 13 000 nouvelles extensions devraient réellement voir le jour d’ici 2015 ».
En donnant son feu vert pour la création de nouvelles extensions, l’ICANN cherche surtout une solution à l’essoufflement dont sont victimes certaines extensions génériques (et historiques) telles que le .com ou le .net. En effet, ces extensions font face à un marché saturé où la disponibilité des termes s’amoindrit.
On évoquera notamment le « .com » qui conserve encore et toujours sa suprématie avec  près de 110 millions de « .com » sur 252 millions de noms de domaine déposés en 2012. Le « .com » fait partie des gTLDs (cf : typologie des TLD) historiques à l’instar du « .net » et du « .org » ; ils ont été développés continuellement depuis 1985 et conservent une large part du marché malgré la création de 7 gTLDs supplémentaires en 2001 (<.info>, <.museum>, …) et de 7 autres en 2003 (<.jobs>, <.travel>, ..).
Les extensions qui correspondent à des marchés de niche n’ont pas tant de succès. De fait, le « .coop » (coopérative) ne réunit que 15 000 sites dans le monde, ce qui est insignifiant face au nombre de coopératives existantes. On supposera que c’est l’ignorance de l’existence de cette extension qui est à l’origine de ce si petit nombre de sites de coopératives enregistrés sous le « .coop ».
On notera cependant que les TLD dits « géographiques » s’imposent peu à peu. Ainsi, l’extension « .fr » qui désigne la France comprend plus de 2,6 millions de nom de domaine au mois d’avril 2013.
Le nouveau programme de l’ICANN permettra -en théorie- de répondre au besoin de mieux sectoriser le contenu disponible sur Internet afin de faciliter son usage par tous. Plusieurs grands types d’extensions ont ainsi vocation à être créés par des acteurs publics, des entreprises et des communautés qui sont à pied d’oeuvre. On distinguera ainsi 3 grandes catégories :

  • Les extensions ouvertes :
    • Les extensions géographiques : Ces candidatures ont pour but de valoriser une région ou une ville sur Internet. La France est naturellement présente dans cette catégorie par le biais de plusieurs candidatures remarquées : « .paris » , «.bzh » et « .alsace ». Cela permettra d’héberger des contenus qui seront tournés vers le territoire en question. On imagine aisément les possibilités que cela ouvre pour promouvoir la culture et l’identité régionale, le tourisme qui s’organise de plus en plus en ligne ou encore l’information des personnes vivant dans la région.
    • Les extensions réservées aux communautés – pour les groupes de personnes partageant un intérêt commun : « .gay », « .maori », …  Les religions ont ainsi demandé l’octroi d’extensions telles que « .bible », « .halal ». Le Vatican a réservé l’extension « .catholic » pour regrouper les sites d’institutions ou d’organismes liés à l’Eglise.
    • Les extensions génériques : Ce sont les candidatures les plus variées qui portent très souvent sur des noms communs, des acronymes ou des expressions usitées. Cela permettrait d’indiquer la spécialisation d’un site internet.
    • Les extensions réservées à des cibles spécifiques : « .bank » ou « .finance ». Ces extensions permettraient de s’assurer que seuls les acteurs légitimes (banques, établissements financiers) ont accès aux noms de domaine afin d’apporter plus de sécurité et d’assurance aux clients des banques.
    • Les extensions fermées : Elles regroupent principalement les titulaires de marques qui souhaitent avoir une extension internet à ce nom. Meilleure visibilité, meilleure communication, stratégie défensive pour les marques qui sont constituées d’un terme générique, les raisons sont multiples.

On notera également la présence de candidatures pour des extensions en caractère non latin ou IDN (chinois, arabe, hébreux, ..). Ces extensions révèlent la multiplicité et la prise en compte de toutes les cultures sur la toile. Pour déterminer l’ordre de traitement de toutes les candidatures, un tirage au sort a été mis en place. Les 116 candidatures pour des extensions en caractères non latins seront traitées en priorité et selon l’ordre de passage déterminé par le tirage au sort.
Chaque candidature / projet a ses propres objectifs. Pour exemple, le « .alsace » a pour objectif de s’inscrire dans le projet de la marque partagée « Alsace » et ainsi de contribuer au rayonnement de la région, de créer un réseau et de la valeur ajoutée tant économique que culturelle et sociale.
Pour beaucoup, l’apparition des nouvelles extensions va apporter un renouveau au marché et favoriser tout un chacun dans sa recherche d’un espace plus sectorisé sur l’immensité de la Toile. On peut néanmoins s’interroger sur les conséquences positives mais aussi négatives de cette libéralisation. Cette dernière va toucher différents domaines tant économiques que juridiques, mais aussi « sociaux » : comment les internautes vont-ils réagir face à cette nouveauté ?  Pour répondre notamment aux problématiques juridiques naissantes, l’ICANN a mis en place différents mécanismes dans le but de contrer, entre autres, le cybersquatting. Ces aspects seront abordés dans des articles ultérieurs.
[1] http://www.icann.org/fr/about/participate/what

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Sophie MULLER, étudiante en M2 Droit de l’Economie Numérique. Passionnée par la High-tech, les NTIC et d’un naturel curieux je suis attentive aux avancées et nouveautés existantes. Pluridisciplinaire je suis adepte du marketing, de la communication et des questions juridiques.
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A propos de Sophie Muller

Cet article a 2 commentaires

  1. Max

    Bien documenté et bien vu :
    Chacun son extension, et moi la mienne ! Of course, et pourquoi pas une extension ” .parce_que_je_le_vaux_bien ?” On comprend: une extension ça valorise une marque, ça situe dans le cyberespace, ça vous rend plus visible, plus désirable.
    Mais est-ce bien vrai?
    Les .com, org etc sont l’expression d’une structure technique, ni plus ni moins. Et comme les humains ordinaires se rappellent mieux les noms que les chiffres,les com org sont des moyens mnémotechniques. Les .fr, .us. etc.. sont nés de la croissance exponentielle du Web. Le net a beau être virtuel pour le geek, le technicien ( encore lui !) aime bien savoir ou il envoie ses paquets IP et dans quel coin de planète le câble est coupé, ou congestionné. Si .us ou .fr ont du sens, quid de .mo ? Monaco, pour le technicien, c’est un confetti, mais pour le prince et ses 8392 sujets c’est le centre du cyberespace.
    Le marketing vient de débarquer dans le routage internet ! Pas certain qu’il soit à sa place. Il sert insidieusement un intérêt plus discret :cristalliser le virtuel sur la croûte terrestre est bien utile pour fouiller les paquets IP, eh oui, il est conseillé de n’avoir rien à déclarer sur certains .xx , le cyberdouanier veille.
    Les extensions ont été rares jusqu’à récemment.
    Tout ce qui est rare est cher, le marketing l’a bien compris: .Mcdo ça peut valoir une fortune ! Mais si l’extension “.ToutleMonde” existe que vaudra-telle ? Si technicien s’en fout, le spécialiste du marketing prend le paradoxe en plein dans sa communication.
    Si tout ce qui est rare est cher, une bonne extension, qui n’est plus rare, est-elle toujours chère et que vaut-elle vraiment ?
    Angoisse …les développements futurs du web en particulier vers les langues qui ne sont pas codables ANSI (alphabet latin) vont rendre les extensions pléthoriques.
    Pas grave: “Google is your only friend”, il y a belle lurette que le curieux ne tape plus les extensions sur son Geekphone, la cyberguerre est déjà finie.

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