Aujourd’hui, Internet est un outil essentiel de communication dans la société. De plus en plus d’informations et de services sont offerts par ce biais. Droit fondamental, droit de l’Homme… ? Les pouvoirs publics, tant européens que nationaux, se sont posés la question de savoir si l’accès de tous les individus à Internet peut être qualifié comme tel.  Les journaux ont repris les gros titres en fanfare, mais il paraît parfois difficile de savoir l’état actuel des choses.
Peut-on élever légitimement le droit d’accès à Internet au rang de droit fondamental, de droit de l’Homme ? Selon Vinton Gray Cerf[1], considéré comme l’un des pères fondateurs d’Internet, l’accès à Internet n’est pas un droit de l’Homme car il n’est pas un droit en soi, il n’est qu’un outil au service de la liberté d’opinion et d’expression (art 19 Déclaration Universelle des Droits de l’Homme). On se souviendra du rôle de la technologie lors du Printemps Arabe : Internet a été l’outil vecteur de l’incitation au soulèvement, par la communication, l’échange et la propagation des messages d’appel.
Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 10 juin 2009 relative à la loi Hadopi , a estimé qu’ «en l’état actuel des moyens de communications et eu égard au développement généralisé des services de communication en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions », la liberté d’opinion de l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui est un principe constitutionnel,  implique la liberté d’accéder à ces services.
L’ONU a voté le 5 juillet 2012 une résolution établissant que “chaque individu a le droit de se connecter et de s’exprimer librement sur Internet. (..)  Les droits dont disposent les citoyens hors ligne doivent être protégés en ligne quelque soit le pays, où le média est utilisé ». Ainsi, pour la première fois, l’ONU reconnaît l’accès à Internet comme un droit fondamental, au même titre que d’autres droits de l’Homme.

Source : http://www.ecrans.fr/En-France-l-acces-a-Internet-ne,6615.html
Source : http://www.ecrans.fr/En-France-l-acces-a-Internet-ne,6615.html

Alors qui a raison ? Internet est-il un droit à protéger ou un moyen de mettre en œuvre des droits fondamentaux préexistants, telle la liberté d’expression ?

Si des pays coupent la connexion à Internet à la population ou une catégorie de personnes, le moyen disparaît et le droit devient inexistant par ce biais. On peut toujours faire valoir sa liberté d’expression et d’opinion d’une autre manière, en manifestant…etc. Et l’on peut tenter d’avoir accès à l’information également par un autre biais.
Par ces images, on peut juger qu’Internet n’est pas une liberté en soi, mais un «facilitateur de libertés », un « facilitateur d’expression ». Le retour aux « anciennes manières de faire» est possible, mais Internet est un progrès en soi et l’interdire ou le supprimer devient un handicap s’il reste opérant pour d’autres personnes, dans d’autres pays…etc. Etant désormais un outil incontournable dans la quête des libertés, il devient attentatoire à celles-ci de le supprimer.
On ne peut revenir sur cet acquis technologique à partir du moment où il existe, car il est désormais entré dans nos vies comme un acquis social.
Il faut ainsi combattre toute forme de censure, mais aussi toute potentielle discrimination des communications par les FAI, lesquels développent des modèles économiques qui restreignent l’accès à Internet de leurs abonnés, « en bridant ou en bloquant l’accès à certains contenus, services ou applications en ligne (protocoles, sites web, etc.), ainsi qu’en limitant leur capacité de publication ». C’est ce qu’on appelle la neutralité du Net.
Le 12 mars, le Conseil National du Numérique (CNN), saisi par Fleur Pellerin, a finalement rendu son avis sur le sujet.  Cet avis invite le gouvernement à faire reconnaître le principe de neutralité du Net « comme un principe fondamental nécessaire à l’exercice de la liberté de communication et de la liberté d’expression ».  Il demande la modification de la loi de 1986, souhaitant notamment qu’on la rebaptise “loi relative à la liberté d’expression et de communication” avec pour ajout : « La neutralité des réseaux de communication, des infrastructures et des services d’accès et de communication ouverts au public par voie électronique garantit l’accès à l’information et aux moyens d’expression à des conditions non-discriminatoires, équitables et transparentes. »
Les restrictions, filtrages et blocages en tout genre, déjà présents sur les forfaits mobiles, menacent de s’étendre aux forfaits maison. Le droit français actuel n’est pas suffisant face au développement des pratiques de censure et de ralentissement.
Le porte-parole de la Quadrature du Net regrette l’absence de définition de sanctions et d’infractions. Peut être également appréhendé un alignement de la France sur l’avis de Neelie Kroes, la Commissaire européenne en charge de l’économie numérique, favorable « à des offres internet limitées, plus différenciées, (…) pour un prix moins élevé », ainsi que c’est déjà le cas au Royaume-Uni. Vers une fin de l’Internet illimité, à moins d’y mettre le prix ?
Source : http://www.jolpress.com/article/acces-internet-devient-un-droit-fondamental-conseil-droits-homme-organisation-nations-unies-809120.html
Source : http://www.jolpress.com/article/acces-internet-devient-un-droit-fondamental-conseil-droits-homme-organisation-nations-unies-809120.html

Le Parlement européen, qui avait reconnu en mai 2009 l’accès au réseau Internet comme un droit fondamental, a adopté de son côté en décembre 2012 deux rapports soulignant sa volonté de protéger et de promouvoir les droits et libertés sur Internet :
– Un rapport sur « une stratégie pour la liberté numérique dans la politique étrangère de l’Union »

  • Avec une nouvelle approche en matière de droit d’auteur, spécialement dans le cadre d’accords commerciaux,
  • Avec un renforcement des contrôles à l’exportation des technologies de censure et de surveillance,
  • Avec la volonté d’une réglementation européenne en matière de neutralité du Net

Des critiques ont également été exprimées à propos de la reprise en main de la gouvernance d’Internet par les gouvernements.
– Un rapport sur « l’achèvement du marché unique numérique » appelant la Commission à mettre fin à  son approche attentiste en adoptant une réglementation européenne pour protéger la neutralité du Net.
Car si l’égalité d’accès à Internet se décline par un égal accès « matériel » à la connexion internet (une « équité d’accès » sur l’ensemble du territoire- c’est le problème de la fracture numérique, ou dans les cas extrêmes, de la censure), elle se traduit également en termes d’égalité d’accès au contenu.
Si les pays occidentaux peuvent considérer par exemple la libre diffusion d’œuvres artistiques sur Internet comme une atteinte à des droits préexistants (droits d’auteur) ; d’autres cultures ou façons de penser pourraient considérer ce partage culturel comme une liberté non attentatoire aux droits de leurs auteurs. Pour favoriser cet « esprit » de libre partage, a d’ailleurs été mise en place par Lawrence Lessig la licence Creative Commons ; permettant ainsi le partage gratuit d’œuvres avec le consentement (et les conditions de partage) de leur auteur.
De plus en plus d’acteurs du web revendiquent une égalité d’accès au contenu, voire une liberté d’accès illimitée, une « transparence » du web… Et militent pour une évolution du droit de la propriété intellectuelle en accord avec les nouvelles pratiques et dérives…

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