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Le Conseil par une décision du 11 février 2011 a autorisé une coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire par brevet.
Cette décision fait suite à une demande presque unanime des états européens, qui y voient une solution nécessaire au développement de l’innovation et de l’économie.

Historique
La volonté de créer un brevet unitaire au sein de l’Union ne date pas d’hier. Dès 2000, la Commission avait adopté une proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire, mais elle n’avait pas recueilli l’unanimité requise. Le principal désaccord en matière de brevet européen concerne le régime linguistique applicable.
Pour cette même raison, un projet de règlement du 2 juillet 2010 de la Commission présenté au Conseil n’a pas receuilli l’unanimité.
Devant ces désaccords, la présidence belge et la majorité des délégations ont conclu qu’il “existait des difficultés insurmontables rendant impossible l’unanimité sur les dispositions relatives à la traduction”. Ainsi, la création d’un brevet unitaire ne pourra être réalisée “dans un délai raisonnable”.
Devant cette impossibilité de recourir au règlement, les états se sont tournés sur le mécanisme de la coopération renforcé.
Ce mécanisme, instauré par le traité d’Amsterdam en 1997,  permet aux états qui le souhaitent, sous certaines conditions, d’instaurer entre eux une coopération approfondie sur un domaine particulier.
Les autres états de l’Union sont ensuite libres d’y adhérer.
La France ainsi que 11 autres Etats membres ont ainsi adressé à la Commission une demande d’instauration d’une coopération renforcée en matière de brevet. Rapidement, 13 autres états ont décidé de se joindre à cette proposition.
Le 7 février, la Commité des représentants permanents a dégagé un accord sur le projet de décision du Conseil, projet qui a reçu l’approbation du Parlement européen le 15 février 2011.
Seules l’Italie et l’Espagne n’ont pas accepté le projet de coopération renforcée pour des raisons linguistiques et de mise en place d’une juridiction unifiée de façon plus approfondie en matière de brevet.
Le 10 mars 2011, le Conseil de Compétitivité à donné un avis favorable au projet de coopération renforcé.
Les enjeux du brevet unitaire européen:
La mise en place d’un brevet unitaire dans l’Union européenne répond à un besoin nécessaire dans le domaine de la protection industrielle. Le brevet joue en effet un rôle majeur pour encourager l’innovation et renforcer la compétitivité dans l’Union européenne.
Pourtant, le système actuel de brevet au sein de l’Europe n’est pas satisfaisant. Certes, l’office européen des brevets permet de déposer un brevet pour l’ensemble des états signataires sous réserve de traductions, mais les coûts restent très élevés. Ainsi, déposer un brevet à l’office européen coûte bien plus cher qu’un brevet aux Etats-Unis ou au Japon ( voir le communiqué de presse du 8 décembre 2010 de Christine LAGARDE, Eric BESSON et Laurent Wauquiez). De plus, ce brevet n’a pas de régime unique, il se décompose en un faisceau de brevets nationaux. Une harmonisation est donc nécessaire pour pallier à cette insécurité juridique.
Pour ces raisons, pour de “petits” projets ou des projets qui n’ont pas de vocations internationales, les industriels se contentent d’un dépôt étatique. Cette solution n’est pas insatisfaisante en matière de protection juridique. Il est difficile pour de petites entreprises de prévoir une possible ouverture sur le marché international.
Le nombre de brevets déposés à l’office européen a tendance à stagner:
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Source: INPI, chiffres clés 2009 page 4


 
Il en est de même pour les dépôts nationaux:
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Source: INPI, chiffres clés 2009 page 3
A l’inverse de la France, aux Etats Unis les PME  déposent plus de brevets que les grandes firmes (d’après une étude réalisée par Small Business Administration SBA en 2009
Les coûts élevés des dépôts ne sont pas étrangers à ce phénomène, les PME françaises n’ont souvent pas les moyens de déposer de brevets.
Ce projet de coopération renforcé en matière de brevet unitaire dans l’Union européenne permettrait ainsi de diminuer ces coûts, et de le rendre plus attractif.
Christine LAGARDE, Eric BESSON et Laurent Wauquiez dans leur communiqué de presse du 10 mars 2011 souhaitent que la coopération renforcée  produise rapidement les textes nécessaires pour mettre en place ce brevet unitaire.
Cependant, certains freins demeurent, notamment dans le projet de création d’une juridiction de brevet européen et communautaire. La Cour de justice dans son avis du 8 mars 2011 (1/09) déclare que ce système unifié en matière de règlement des litiges relatifs aux brevets n’est pas compatible avec les dispositions des traités UE et FUE (traité sur le fonctionnement de l’Union européenne).
Il reste encore du travail à accomplir avant de voir la réalisation d’un brevet unitaire dans l’Union européenne, mais les enjeux sont importants, et la volonté des états est forte.
Sources:
http://www.gouvernement.fr
http://www.inpi.fr
Décision du Conseil autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire:
http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/11/st05/st05538.fr11.pdf
Avis du 8 mars 2011 (1/09) de la Cour de justice:
(http://curia.europa.eu/jurisp/cgi-bin/form.pl?lang=FR&Submit=rechercher&numaff=Avis%201/09)
 

A propos de Matthieu SELLIES

Cet article a 6 commentaires

  1. Matthieu

    Si l’innovation n’est pas protégée par le brevet, elle risque de ne plus être protégée. Dire que l’innovation doit rester libre, c’est décourager les inventeurs et chercheurs de s’investir dans le progrès, car ils se voient ainsi dépossédés de leur œuvre.
    Il ne faut pas confondre le droit d’auteur (propriété intellectuelle), du brevet qui relève de la propriété industrielle. Si une « innovation » ne peut pas être protégée par un brevet, il se peut qu’elle ne puisse pas non plus être protégée par le droit d’auteur qui nécessite une « originalité qui porte l’empreinte de la personnalité de son auteur » (donc rien à voir avec l’innovation sauf cas d’école du logiciel).
    Les critiques des instances de l’Union concernent principalement la mise en place du système juridique, et non le brevet unitaire qui est une nécessité. Une lecture attentive de l’avis de la Cour de justice montre que l’idée d’un brevet unitaire n’est pas remise en cause, mais c’est la compétence du nouveau tribunal qui aurait la charge de trancher les litiges qui serait contraire aux traités.
    En France, les logiciels sont protégés par le droit d’auteur, et non par le brevet. L’April est une association qui représente les logiciels libres et comme de nombreux états acceptent le brevet sur le logiciel, elle craint une acceptation de brevetabilité des logiciels en France. Elle se « fiche » donc du coût prohibitif du brevet pour les petits industriels et les chercheurs dans tous les autres domaines.
    En France, comme dans d’autres états en Europe, des chercheurs n’ont pas les moyens de breveter leurs inventions ou innovations du fait du coût important du dépôt qui en résulte ou ils limitent la protection à seulement quelques états. Inutile de dire que les grandes firmes en profitent pour reprendre à leur compte ces innovations et a déposer de nombreux brevets.
    Le brevet est également un moyen de diffusion de la connaissance. La protection qu’il concède est limitée dans le temps et un dépôt est obligatoire. Ce dépôt permet de faire connaitre au public le fonctionnement de l’invention.
    Le passage au brevet unitaire qui permettra de réduire ces coûts, est attendu par tous les industriels et chercheurs de l’Union. Le faible coût du brevet américain profite principalement aux PME (voir l’article qui précède).

  2. ejacquet

    Oui, j’ai bien saisi. Mais effectivement, je ne me réfère ici qu’au domaine immatériel de d’économie numérique. Et ici je pense que breveter une idée n’est pas forcément une bonne chose. Je constate que l’innovation n’a pas besoin d’être brevetée pour qu’elle puisse profiter à une PME ou à des chercheurs.

  3. matthieu

    Je pense qu’il faut distinguer les communautés de programmeurs qui développent gratuitement des logiciels libres, et celles qui en font leur activité économique.
    Même en matière numérique le développement et l’innovation peuvent représenter un coût important en temps et en argent. Il est difficilement concevable de priver ces “inventeurs” du brevet et de droits d’auteurs.
    Un principe innovant ou une invention en matière numérique à la même valeur que dans les autres domaines, il est donc logique qu’il puisse bénéficier d’une même protection.
    Si un créateur de logiciel ne peut pas le protéger (droit d’auteur en France), rien n’empêcherait qu’une entreprise concurrente ou un particulier ne le lui vole ou en fasse des copies gratuites.
    Son créateur ne serait alors plus rémunéré pour son travail, et de facto, il n’aurait plus les moyens ou la volonté de créer un autre logiciel.
    L’engouement actuel des programmateurs de logiciels libres et gratuits ne peut suffire et ne peut répondre à tous les besoins du numérique. Un manque de protection des logiciels et donc de finalités économiques, découragerait les entreprises d’innover dans ces domaines,
    Je ne suis pas un fervent défenseur des multinationales en matière de logiciel, j’utilise aussi des logiciels libres, et je dénonce les positions dominantes de certaines entreprises qui nuisent à la concurrence….
    Mais il faut bien distinguer les personnes qui font de la création une passion philanthropique, de ceux qui en font leur métier et qui ont besoin d’investissements.

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