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C’est chose faite : le 9 juin 2023, la nouvelle loi n° 2023-451 qui vise à encadrer strictement l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux est passée. L’occasion de revenir sur le phénomène de l’influence, de ses excès consuméristes et de la nouvelle mouvance de la désinfluence, bien décidée à remettre les « pendules à l’heure ». Explications.

 

Le marketing d’influence s’est imposé dans nos vies grâce aux réseaux sociaux avec une évolution quasi-exponentielle. Mais, face aux nouvelles questions qui se posent désormais, tant en matière d’éthique, que d’économie ou d’audience générationnelle, force est de constater que la désinfluence gagne du terrain. Un phénomène qu’il est intéressant d’analyser et d’en comprendre les implications.

Qu’entend-on par marketing d’influence ?

Le marketing d’influence s’est déployé avec une puissance remarquable. Parce qu’il a pu profiter de l’extraordinaire synergie entre les réseaux sociaux et les marques, qui ont vite compris le potentiel de ces nouvelles plateformes, qu’elles ont très rapidement exploité comme de véritables canaux publicitaires. Les premiers influenceurs ont fait leur beurre dans le domaine du gaming et… de la beauté. Deux industries qui fonctionnent au gré de perpétuelles innovations, de rénovations et de campagnes de communications souvent très ciblées. Bien que les canaux aient évolué, le concept de marketing d’influence existe depuis les années 1940. Les sociologues américains P. Lazarsfeld et E. Katz ont notamment démontré en 1955 que les leaders d’opinion étaient plus influents que les médias traditionnels. Au XXIe siècle, les influenceurs numériques ont su exploiter cette double facette : leur avis compte et ils sont capables de rassembler une communauté autour d’eux, créant ainsi un business lucratif et des communautés à faire pâlir les plus grands médias traditionnels : près de 30 millions de followers pour L’influenceuse Chiara Ferragni pour ne citer qu’elle, voilà de quoi donner le vertige !

Les influenceurs ont-ils mangé leur pain blanc ?

Seulement voilà, le pouvoir des influenceurs pourrait bien être remis en question. Le phénomène de la désinfluence s’est notamment matérialisé avec l’apparition du hashtag « deinfluencing » sur TikTok début 2023. Ce mouvement vise à critiquer ouvertement les produits ayant bénéficié d’une publicité excessive de la part des influenceurs, incitant ainsi les internautes à réfléchir avant d’acheter. Bien que cette tendance anticonsumériste ne réinvente pas l’eau chaude pour les générations précédentes – soyons clair –  elle augure malgré » tout d’une petite révolution pour la GenZ, qui a grandi avec l’omniprésence de l’influence.

La désinfluence est-elle une autre forme de l’influence ?

Doit-on se faire à l’idée que la désinfluence peut également être considérée comme une forme d’influence ? Puisque les « désinfluenceurs » utilisent les mêmes codes esthétiques que les influenceurs traditionnels, mais qu’ils critiquent les produits jugés trop chers ou de qualité médiocre, en proposant des alternatives moins chères ou plus efficaces, ils ont su « gagner des points » et élargir leur audience en s’adaptant aux besoins des consommateurs à travers une offre plus réaliste et plus diversifiée parfois. Une influence réactionnelle, des posts sincères qui ont finalement convaincu beaucoup de marques partenaires désormais plus sensibles à du storytelling et un discours plus confidentiel. Par exemple, certaines grandes marques telles que L’Oréal repartagent sur Tiktok des contenus créés par des utilisateurs ordinaires. Sur cette plateforme, le nombre d’abonnés importe moins que la capacité d’un contenu à être partagé.

Un nouveau contexte pour les plateformes en lignes

Les dérives étant presque tout aussi nombreuses, les plateformes en ligne les plus populaires telles que Tiktok ou Youtube sont évidemment soumises à de nouvelles obligations. Conformément au Digital Services Act (DSA), elles devront proposer un bouton pour signaler les contenus illicites, traiter en priorité les notifications des signalements et mettre en place des mesures pour limiter la diffusion de contenus nuisibles. Les plateformes seront également tenues de fournir des informations claires et transparentes sur les algorithmes utilisés pour recommander du contenu, afin de réduire les risques de manipulation et de favoritisme. En outre, la loi prévoit des sanctions en cas de non-respect des obligations. Les plateformes qui ne coopèrent pas avec les autorités ou qui ne suppriment pas les contenus illicites peuvent faire l’objet de sanctions financières importantes. Les influenceurs et les agents d’influenceurs qui enfreignent les règles peuvent également être sanctionnés, allant de l’amende à l’interdiction d’exercer leur activité. In fine, cette régulation vise à instaurer un cadre clair et équitable pour l’activité des influenceurs et à protéger les consommateurs, en particulier les plus jeunes. Elle vise également à restaurer la confiance dans le secteur de l’influence, qui a été ébranlée par les scandales et les pratiques abusives. À ce titre, les collaborations entre les marques et les influenceurs sont également soumises à examen. Avec une prise de conscience croissante des pratiques du marketing d’influence, il existe une demande croissante de transparence en ce qui concerne le contenu sponsorisé. Les influenceurs sont désormais tenus de divulguer clairement leurs partenariats et tout arrangement financier avec les marques pour garantir la transparence et maintenir la confiance des consommateurs.

Vers une prise de conscience globale ?

Parallèlement, les gouvernements et les organisations se concentrent de plus en plus sur la promotion de programmes et d’initiatives de littératie numérique pour aider les individus à naviguer efficacement dans le monde en ligne. En dotant les personnes de compétences en pensée critique et de capacités d’évaluation de l’information, elles peuvent prendre des décisions éclairées et résister aux tactiques de manipulation. D’ailleurs, les collaborations entre les marques et les influenceurs sont également soumises à examen. Avec une prise de conscience croissante des pratiques du marketing d’influence, il existe une demande croissante de transparence en ce qui concerne le contenu sponsorisé. Les influenceurs sont désormais tenus de divulguer clairement leurs partenariats et tout arrangement financier avec les marques pour garantir la transparence et maintenir la confiance des consommateurs. Parallèlement, les consommateurs deviennent également plus avertis et recherchent des voix authentiques et des perspectives diverses. Les micro-influenceurs, qui ont des audiences plus petites mais très engagées, gagnent en importance car ils sont perçus comme offrant un contenu plus authentique et plus réattable. Ce changement remet en question la notion traditionnelle d’influence basée uniquement sur le nombre de followers et souligne l’importance de créer des liens significatifs avec les audiences. Trouver l’équilibre tout en favorisant la créativité, voilà peut-être le vrai défi pour que l’influence numérique puisse continuer d’évoluer à travers un écosystème digne de confiance et plus authentique, finalement, plus proche des consommateurs. Un environnement numérique sain pour les influenceurs et leur audience.

Auteur: Maria CHRAÏBI/ Master II Commerce Electronique Unistra/Edge, Casablanca, Maroc