Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics et les clubs étudient la possibilité de recourir à la reconnaissance faciale dans les stades de football français. L’objectif annoncé est clair : endiguer les phénomènes de violences et éloigner les individus à risques des enceintes sportives françaises.
La reconnaissance faciale : une technologie à encadrer en France
La CNIL définit la reconnaissance faciale comme « une technique permettant à partir des traits de visage d’authentifier ou d’identifier une personne » (1). En France, c’est une technologie naissante et qui nécessite donc un encadrement. C’est dans ce sens que va un rapport du Sénat du 10 mai 2022 (2). Il énonce qu’il faut fixer des lignes rouges à ne pas dépasser afin d’éviter une potentielle dérive vers une société de surveillance.
La reconnaissance faciale est déjà utilisée dans certaines rares situations nécessitant une sécurité renforcée (aéroports, fichiers de police). Toutefois, dans d’autres cas, la CNIL a mis son veto comme lors de l’usage de la reconnaissance faciale pour contrôler l’accès à des lycées de Provence (3).
Un attrait dans les stades de football français
C’est un sujet qui revient sur le devant de la scène après chaque incident (médiatisé) dans un stade. En témoigne le rapport Bauer, commandé par la Ligue de Football Professionnelle à la suite des incidents qui ont émaillé la finale de la Ligue des champions, qui préconise entre autres, le recours à la reconnaissance faciale.
Cependant, cette technologie s’était déjà invitée dans les gradins mosellans en janvier 2020. En effet, le FC Metz l’avait alors utilisée sans en informer les spectateurs, ce qui rend cet usage purement illégal (4). Une révélation qui n’a pas manqué de faire réagir l’ANS (Association Nationale des Supporters) déplorant une « opacité totale » et une « atteinte aux libertés fondamentales des supporters » (5). De son côté, la CNIL avait adressé un avertissement au club messin qualifiant cette pratique d’illicite en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires (6). Depuis, face au tumulte médiatique, ni le FC Metz ni aucun autre club n’ont retenté l’expérience.
Pour aller plus loin : « Football : la tentation de la reconnaissance faciale pour plus de sécurité dans les stades » – Midi Libre
Quel avenir pour les tribunes françaises en cas de mise en place de la reconnaissance faciale ?
Depuis le début des années 2000, les stades français sont devenus le laboratoire d’expérimentations de lois répressives. La plupart du temps, cela n’émeut guère l’opinion publique avant qu’elles ne soient étendues au reste de la société.
Les supporters – et notamment les plus actifs – sont des citoyens qui portent énormément d’importance à leurs libertés et droits les plus fondamentaux. Ils sont constamment en lutte (grèves, manifestations, banderoles, actions juridiques, etc.) afin de faire valoir ceux-ci trop souvent bafoués dans l’indifférence générale.
Nul doute qu’en cas de déploiement de la reconnaissance faciale dans l’antre de leur club respectif, ces supporters prendront les mesures nécessaires, en accord avec leurs valeurs. Celles-ci peuvent aller jusqu’à la désertion des stades. Dans ce cas, la violence sera éventuellement éradiquée (du moins devant les caméras) mais à quel prix ? Des stades vides et sans âme. Est-ce bien cela que veulent les dirigeants du football français ?
(1) Reconnaissance faciale – CNIL
(3) Le Sénat veut une loi sur la reconnaissance faciale dans l’espace public
(4) Reconnaissance faciale au FC Metz : les supporters ne veulent pas être des cobayes – France 3
(5) Communiqué ANS du 24 janvier 2020 – Twitter @A_N_Supporters
(6) Reconnaissance faciale […] : la CNIL adresse un avertissement à un club sportif – CNIL