Des enfants congolais se lavent les mains grâce à un système de fontaine low-tech
Des enfants de la province du Kasaï Oriental, au Congo, se lavent les mains en utilisant un système low-tech d’arrivée d’eau – Pete Vowles, Deputy Head of Office, DFID DRC, CC BY-SA 2.0, via Wikimedia Commons

Fruit d’un questionnement constant de l’être humain quant à sa façon de vivre, la low tech s’intéresse à une manière de concilier technologie et efficience : faut-il consommer moins et mieux également en termes de technologie ? Si on en croit les rapports du GIEC et les partisans de la mouvance low-tech, la réponse est incontestablement oui.

Avant toute définition, un peu de contextualisation

Durant son existence, l’humanité à connu un développement à la fois fulgurant mais également exponentiel sous la forme de quatre révolutions industrielles. La première est propre au Royaume Uni, et concernait la mécanisation via l’arrivée du charbon, favorisant la création de la machine à vapeur et de procédés de filature plus rapides. La seconde révolution industrielle est due à l’utilisation de l’électricité, du gaz et du pétrole, avec le moteur à explosion qui voit le jour à la fin du XIXe siècle. La grande usine devient un modèle d’organisation productive, et le taylorisme devient la norme. Dans les années 1970, la troisième révolution industrielle apparaît sur la côte ouest des États-Unis et au Japon. Le nucléaire, grand producteur d’électricité permet de créer résines et silicones, et les moyens de communication se diversifient, tels qu’internet.  De nos jours, l’industrie 4.0 ou quatrième révolution industrielle favorise de nouvelles connexions, la robotique prenant de plus en plus de place au sein des usines. Machines, produits et collaborateurs interagissent entre eux.  Les produits qui sortent de ces usines sont fortement personnalisables, tout en conservant des coûts équivalents à une production de masse.

Les rapports alarmants du GIEC, une organisation délivrant les rapports issus du travail de centaines de spécialistes issus de milieux variés et travaillant sur les variables climatologiques, montrent que le réchauffement de l’atmosphère, des océans et des terres est dû aux activités humaines.  Celui-ci est de +1,09° par rapport à la période entre 1850 et 1900, et est plus important sur les continents (+1,59°C) qu’au-dessus des océans (+0,88°C). Par ailleurs, le réchauffement représente quasiment la totalité du réchauffement qui a été observé, induisant une élévation du niveau moyen de la mer de 20cm entre 1901 et 2018, avec une accélération de 3,7mm/an entre 2006 et 2018, le plus rapide depuis 3000 ans. Enfin, le rythme de réchauffement de la température à la surface de la terre est le plus fort enregistré depuis au moins 2000 ans. Ce qui rend nos actuelles révolutions industrielles difficilement soutenables. Certains tels que Pablo Servigne poussent le mouvement à l’extrême avec la collapsologie, quand d’autres prônent un entre-deux, une écologie raisonnée, une possibilité de consommer correctement sans sacrifier à outrance un confort auquel peu de personnes seraient prêtes à renoncer. D’un point de vue du progrès technique la low-tech semble être la solution.

La low-tech, une notion à la croisée de l’écologie et de la technologie

La low-tech définit une volonté d’aller vers une sobriété ainsi que vers une résilience écologique. Proche de l’écologie, de la durabilité et synonyme d’économie d’énergie, la low-tech existe depuis plus d’une quarantaine d’années, ses débuts datant du rapport Meadows. Cette mouvance a tendance à regrouper sous son nom l’ensemble des technologies qualifiables de durables, d’utiles et ne nécessitant que peu d’argent et de ressources pour fonctionner. Si le terme commence seulement à poindre dans la langue française, il en va de même pour son concept, la « basse technologie », qui est une notion encore floue ne comptant aucune définition clairement établie. 

La low-tech est une notion entre le concept et la philosophie, car elle est souvent vue sous l’angle d’une technologie souhaitant combler des besoins primaires et essentiels (comme l’accès à l’eau potable ou encore à une nourriture de qualité) en privilégiant les alternatives pérennes et l’efficience, le tout dans le respect maximal de l’environnement. En cela, divers savoir-faire sont employés tels que le recyclage, l’upcycling, ou la réparabilité. La low-tech peut ainsi être rapprochée du concept de DIY, le do-it-yourself ou « fais-le-toi-même », qui privilégie ainsi le sens pratique de l’humain plus que la consommation déraisonnée. Combler l’obsolescence de certains OS par l’utilisation de Linux, gratuit et open source, en est un exemple.  

Au quotidien, certains gestes peuvent également se rapprocher de la low-tech, tels que se rendre au travail à vélo, boire l’eau du robinet, ou encore posséder un chauffe-eau fonctionnant à l’énergie solaire sont autant de gestes qualifiables de low-tech. Pas question donc de sacrifier le confort au profit de l’environnement, il s’agit simplement de trouver des compromis moins énergivores et polluants. Ainsi, pour certaines personnes la low-tech peut davantage se rapprocher d’une philosophie que d’un concept, avec une attention toute particulière portée à la réparabilité des produits, à un usage raisonné des matières premières ainsi que des composants pour aboutir à l’impact le moins fort possible sur l’environnement, tout en préservant un certain niveau de confort.  

Si le DIY constitue l’un des piliers de ce terme, force est de constater que ce dernier n’est pas nouveau : une petite recherche sur Google Trends permet de voir que l’expression était utilisée dès les années 2000. Cependant, elle n’est pas véritablement définie. Il s’agit donc à ce moment simplement d’un concept que l’on oppose à la high-tech et dont on devine plus ou moins le sens. Par la suite, avec les nouvelles revendications écologiques, les rapports du GIEC, la low-tech a pris le sens que nous lui connaissons.  

Des définitions variées

Suite à cela, plusieurs notes ont tenté de définir la low-tech selon des critères plus ou moins variées : pour la Fabrique Ecologique, « Les low-tech, par opposition aux high-tech, sont une démarche visant, dans une optique de durabilité, à questionner nos besoins réels et développer des solutions aussi faiblement « technologisées » que possible, minimisant l’énergie requise à la production et à l’usage, utilisant le moins possible de ressources / matériaux rares, n’infligeant pas de coûts cachés à la collectivité. Elles sont basées sur des techniques les plus simples possible, les moins dépendantes possible des ressources non renouvelables, sur des produits réparables et maintenables dans la durée, facilitant l’économie circulaire, la réutilisation et le recyclage, s’appuyant sur les savoirs et le travail humain digne. Cette démarche n’est pas seulement technologique, mais aussi systémique. Elle vise à remettre en cause les modèles économiques, organisationnels, sociaux, culturels. À ce titre, elle est plus large que l’écoconception. »  

Pour la Pensée Ecologique, « une technologie est low-tech si elle constitue une brique technique élémentaire d’une société pérenne, équitable et conviviale. » Ce qui caractérise la low-tech est donc un impératif en quatre points : un caractère systémique, une volonté de s’inscrire dans le temps, d’être juste, et convivial.  

La low-tech n’est donc pas une démarche technophobe, comme beaucoup le pensent à tort, mais bien technocritique. Il ne s’agit pas de revenir à la bougie mais de faire preuve de « techno-discernement, de faire le tri pour n’utiliser les technologies que là où elles sont indispensables ou là où elles apportent un avantage indiscutable, afin d’économiser les ressources. Baisser rapidement notre empreinte écologique tout en anticipant la lente descente énergétique et matérielle des années et des décennies à venir est l’objectif principal de la low-tech, qui se veut inspirante pour les générations futures.  

Article librement crée à partir de mon dossier technique, intitulé : La lowtech peut-elle répondre à nos enjeux sociaux? Concilier progrès et écologie dans une société tendant vers le tout-numérique.