Les robots humanoïdes sont des robots ressemblant à des humains, que ce soit partiellement ou totalement (un tronc, deux jambes, deux bras, une tête). Les robots humanoïdes les plus proches de l’anatomie humaine sont appelés des androïdes, dont l’étymologie signifie « automate à forme humaine ». Si la ressemblance avec l’homme est la base de l’androïde, la technologie actuelle dont il fait l’objet l’éloigne du simple automate : les principales caractéristiques du robot humanoïde résident dans l’intelligence artificielle ou les algorithmes prédictifs et complexes dont il  est pourvu. Ces derniers permettent de lui donner une autonomie, voire une indépendance relative, qui le distingue du simple automate répétant mécaniquement les mêmes actions programmées, sans évolution.
Au-delà du fantasme scientifique qu’a longtemps été le robot humanoïde fiable et autonome, les modèles développés depuis quelques années poursuivent des objectifs différents les uns des autres. Bien que l’avancée de l’intelligence artificielle ne permette pas encore au robot d’apprendre, de se corriger et d’agir sans programmation, il est impossible de ne pas imaginer l’androïde du futur comme une nouvelle forme d’humanité : l’homme connecté 4.0.

Un robot compagnon

La vocation des robots humanoïdes ne se limite pas qu’à ressembler à des hommes ou à n’avoir qu’une utilité professionnelle. Des modèles sont aussi destinés au public (pour le moment moyennant un coût important) et ils ont l’ambition dans les prochaines années d’être plus accessibles. Pour cela, les domaines de loisirs sont variés.

http://thenextweb.com/gadgets/2014/06/05/pepper-is-an-emotionally-aware-robot-available-in-japan-next-year-for-under-2000/
Pepper http://thenextweb.com/gadgets/2014/06/05/pepper-is-an-emotionally-aware-robot-available-in-japan-next-year-for-under-2000/

Dans cette optique, les sociétés  Aldebaran et Softbank, respectivement à l’origine des robots Nao et Pepper, ambitionnent d’en faire des compagnons humanoïdes. Des robots de salon, d’accompagnement, qui peuvent analyser les mouvements et paroles de leurs interlocuteurs et y répondre (pour le moment selon des phrases pré-composées). L’idée est de créer une interaction directe entre personne humaine et personne robot. Ainsi, Pepper est présenté sur le site de Softbank comme « un robot de forme humanoïde, bienveillant, attachant et surprenant. Nous avons imaginé Pepper pour devenir un véritable compagnon du quotidien, avec pour qualité première la perception des émotions. Pepper est le premier robot humanoïde capable de reconnaître les principales émotions humaines et d’adapter son comportement en fonction de l’humeur de son interlocuteur ». Le robot anthropomorphe a donc ici une dimension sociale. En plus de communiquer, il échange avec l’homme et peut reconnaître son visage et sa voix. Évidemment, ces techniques ne sont pas encore optimum et les limites de la machine se font sentir lors des essais. Les réponses de Pepper et Nao ne résultent pas encore d’une intelligence artificielle aboutie mais d’une programmation et d’une mécanique complexe. Bien que visant le loisir, il a pu être utilisé par Nestlé à des fins d’animation de points d’information et de vente. D’autres robots ont aussi une vocation de « robot de salon » à l’instar de Pino et Nuvo de la société ZMP.
Le milieu artistique connaît aussi ses robots humanoïdes. Toyota a développé depuis 2007 plusieurs robots dans la gamme de Partners Robots. Leurs robots humanoïdes sont capables d’effectuer diverses tâches mais aussi de jouer du violon ou de la trompette. Pour cette dernière, la technologie employée permet au robot de reproduire les mouvements de lèvres et le souffle d’une personne physique. Autre prouesse musicale, le robot humanoïde mobile aux allures d’astronaute Asimo de Honda a mené l’orchestre symphonique de Detroit le 13 mai 2008 lors d’un concert. Il bat mécaniquement la mesure et signe les nuances de l’orchestre. Cependant, ses mouvements ne sont pas encore aussi fluides et aussi complexes que ceux d’un véritable chef d’orchestre. Le bras gauche, chargé de porter les différents groupes d’instruments, ne bouge que peu. Asimo n’est sûrement pas encore capable d’analyser la conduite du concert ou de pouvoir corriger les éventuelles distorsions au sein de l’orchestre.

Le potentiel professionnel

Un avantage professionnel majeur du robot humanoïde réside, en plus de son autonomie, dans sa résistance. A l’inverse de l’homme, un robot ne souffrira pas d’exécuter répétitivement certaines tâches pénibles ou fatigantes sur le long terme. Il suffit de le programmer pour qu’il accomplisse les travaux qui lui sont assignés. Pour des raisons de prudence et de sécurité, l’usage d’un robot est parfois préférable comme dans une zone dangereuse ou à risques.
Le robot humanoïde HRP-3 Promet MK-2 est un bon exemple de cette application dans le domaine du bâtiment et de la construction. Développé par le groupe Kawada et l’Institut National des Sciences et Technologies Industrielles Avancées (New Energy and Industrial Technology Development Organization – NEDO), le projet s’articule autour de travaux sur des sites de construction pouvant se révéler dangereux pour les ouvriers. Ainsi, stabilité, réduction des coûts et fiabilité dans l’exécution des tâches sont les trois grands principes que met en avant le groupe Kawada pour promouvoir son robot d’un mètre soixante et de soixante-huit kilos.
Récemment,  le Wyss Institute et la faculté des Arts et Science de l’Université d’Harvard ont travaillé ensemble sur un moteur électrique permettant de reproduire un muscle artificiel. Pour fonctionner, ce muscle robotique créé à partir d’intestins de porc génère « du mouvement semblable à celui des muscles en utilisant l’énergie d’aspiration pour animer des bandes de caoutchouc ». « Ce muscle artificiel fonctionne grâce au principe de pression inversée (vide). C’est à dire que le matériau, constitué d’élastomère, va générer de l’énergie et un mouvement en se contractant ». De plus, avec ses matériaux organiques, ses capteurs et ses axes, cet actuateur sera plus résistant et absorbera mieux les chocs possibles. Ses créateurs envisagent de l’intégrer dans des robots dans un but de robotique collaborative. On pourrait aboutir à des robots humanoïdes non seulement dans leur aspect externe mais aussi dans leur composition interne. Ils seront encore plus à même de remplacer les hommes dans certaines tâches complexes et à risques.
Si le principe n’est pas de remplacer  l’humain, certains projets peuvent sembler contrevenir à cette idée. Certains robots humanoïdes sont ainsi développés pour imiter  la personne humaine et pour accomplir aussi bien, voire mieux, certaines activités. Il est ainsi possible de fabriquer  un robot androïde, donc ressemblant à l’homme, à des fins  professionnelles. Au-delà des simples tâches répétitives, les interactions sociales entre l’homme et la machine existent désormais.
Ainsi, le modèle HRP-4C, baptisé Ucroa, imite la physionomie d’une jeune femme japonaise. Développé et présenté en 2009 par l’Institut des technologies industrielles avancées japonais (National Institute of Advanced industrial Science and Technology – AIST), Ucroa dispose d’un visage et d’un corps humains et peut interagir de façon limitée avec des personnes physiques (se présenter – répondre à des questions préprogrammées). Les scientifiques l’ont créé de sorte qu’il puisse imiter les mannequins, tops models, et éventuellement participer à des défilés de mode. Cependant, Ucroa conserve un aspect qui permet de la distinguer d’un être humain. De même, le robot anthropomorphe, ou avatar, Geminoid F du Professeur Hiroshi Ishiguro est tellement proche de l’autonomie humaine qu’il remplace les mannequins dans certaines vitrines japonaises. A terme, son but est de créer des robots avatars qui pourraient nous remplacer au travail et exécuter nos tâches à notre place. D’un point de vue pratique, ces derniers nous permettraient aussi d’assurer  une présence physique lorsqu’il ne nous est pas possible de nous déplacer.

ReplieeQ1 à l'Expo d'Aichi en 2005
ReplieeQ1 à l’Expo d’Aichi en 2005

L’androïde pourrait bientôt nous remplacer dans des métiers de communication. C’est notamment l’ambition du projet Actroid-Der développé par l’Université d’Osaka et la Kokoro Company. Présentées à l’exposition d’Aichi en 2005, les « actroïdes » sont d’apparence humaine (y compris leur visage) et portent des vêtements, ce qui peut paraître troublant… Hôtesses à l’exposition, elles disposent d’un panel de phrases préalablement enregistrées. A l’aide de capteurs vocaux, elles assimilent les questions des visiteurs et répondent dans quatre langues, à savoir l’anglais, le japonais, le chinois et le coréen, ce qui les rend peut-être encore plus efficaces qu’un professionnel en chair et en os.
Construction, communication, les robots humanoïdes ont aussi de l’avenir dans d’autres domaines. Ainsi, le groupe Softbank entreprend d’ajouter des fonctions supplémentaires à l’un de ses modèles, Pepper : celui d’intermédiaire entre son propriétaire et les commerçants. Plus précisément, en collaboration avec MasterCard, une application est disponible pour Pepper : le MasterPass. Par ce biais, le robot humanoïde familial peut devenir service client, point d’information et même de vente. Les détenteurs du robot n’auront qu’à se servir de lui pour programmer des achats. Ce dernier ayant accès à leurs données personnelles, aux goûts enregistrés, devrait aussi pouvoir les conseiller ou les induire vers des achats personnalisés. Pour le moment en test avec PizzaHut pour la recommandation personnalisée, la commande et le paiement, cet usage du robot pourrait poser certains problèmes quant à la protection de données à caractère personnel, tels que nous les verrons plus tard (III).
Autre exemple qui illustre la diversité et le potentiel professionnel des robots humanoïdes : les robots humanoïdes policiers à Dubaï aux Emirats Arabes. En effet, la police de la ville a sollicité la collaboration de Google et d’IBM afin de créer des policiers robots qui entreraient en action  peut-être dès 2017. Bien que déjà en activité à l’occasion du Gitex Technology de 2015, l’objectif est de présenter les prototypes de patrouille bénéficiant d’une intelligence artificielle plus aboutie pour la prochaine exposition universelle de 2020. La fiabilité de tels robots n’étant pas encore suffisante, ils ne seront jamais armés mais dotés d’un système audiovisuel leur permettant de transmettre des vidéos et sons, et ils pourront en émettre en cas de danger.

Assistance personnelle/ Domotique

Du fait de leur autonomie de plus en plus longue, un bon nombre d’entreprises développent des robots humanoïdes à des fins sociales, que ce soit pour de la domotique générale ou de l’assistance aux personnes âgées.
L’un des premiers robots humanoïdes développé par les scientifiques avait d’ailleurs pour objectif de pouvoir apporter une assistance dans les tâches quotidiennes de la maison, dans une optique de domotique. Il s’agit du projet HRP, pour Humanoid Robotics Project, commencé en 1998 par le groupe Kawada Industries et soutenu par le Ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie japonais (Ministry of Economy, Trade and Industry – METI). Sur le modèle HRP-2, les chercheurs ont ensuite ajouté des logiciels conçus spécifiquement pour les robots de leur gamme HRP.
Dans une optique similaire, le robot Twendy-One est destiné à aider aux tâches quotidiennes. Débuté en 2009 par la Tokyo’s Elite Wase University et Shigeki Sugano, ce robot humanoïde a trois objectifs : communiquer, assister les hommes en toute sécurité et manipuler des objets avec précision. Malgré ses 1114 kg et son 1m46, ce robot est à la fois résistant et précis grâce aux nombreux capteurs présents dans ses « mains ». Cependant, des difficultés liées à sa batterie, à des surchauffes (du fait de la complexité et de l’énergie requise) et à son coût le rende encore difficilement accessible au grand public.
Avec le vieillissement de la population, beaucoup de projets de robots humanoïdes ont trait à l’assistance des personnes âgées. En effet, toutes ces personnes n’ont pas nécessairement la possibilité d’avoir une assistance, ou même juste une présence, humaine constante. Le robot peut remplacer les bras nécessaires à certaines tâches ou encore soulager un personnel débordé ou fatigué. Les robots n’ont pas d’horaires. Leur seule limite réside dans leur batterie et dans leur programmation.
C’est dans cette optique que la France et l’Europe collaborent depuis 2009 autour du projet Roméo. Développé par Adelbaran Robotics, ce modèle prévoit d’assister les personnes âgées et les personnes en perte d’autonomie. Les prototypes suivants ambitionnent de pouvoir s’intégrer à des structures médicales spécialisées. Les objectifs décrits sur le site sont les suivants :

  • « Construire une plateforme mécatronique et logicielle interactive, ouverte et modulable ;
  • développer un robot assistant personnel, des fonctions de surveillance et des interfaces Homme-Machine appropriées ;
  • développer une plateforme robuste pour la recherche ;
  • poser les bases d’un écosystème industriel de la robotique».

Ressembler à l’homme

Si les robots humanoïdes interviennent dans différents secteurs, professionnels ou ludiques, des modèles sont construits dans l’unique but de se rapprocher de l’homme, que ce soit par le système de réflexion ou par les expressions. Il n’y a pas d’utilité au sens propre mais une inlassable recherche de prouesse scientifique. L’interaction entre l’homme et le robot est un sujet parfois sensible qui se heurte à des questions d’éthique et de sociologie.
L’Université de Waseda de Tokyo a notamment travaillé sur le modèle Kobian. Ce robot humanoïde peut simuler sept émotions différentes, comme la tristesse ou la surprise, à l’aide des capteurs situés sur son visage. Par ailleurs, sa programmation lui permet de prendre des poses humaines et de danser. Dans une vidéo de présentation, il est même possible de le voir « rire ». En effet, sa façon de bouger est similaire à celle des japonais pour rire. En la regardant, on peut vite être troublé et se demander dans quelle mesure ce robot est autonome. Humanoïde, Kobian ne peut cependant  pas être confondu avec un humain. Sa structure en métal n’est pas dissimulée et son aspect général est catégoriquement celui d’un robot.
 
A l’inverse, certains chercheurs jouent volontairement sur la confusion. C’est le cas avec les actroïdes, sujet dont nous avons traité ci-dessus. Ainsi, les modèles Repliee Q1 et Repliee Q2 ont une apparence entièrement humaine. Il est ainsi difficile de se rendre compte qu’il s’agit d’androïdes sans y prêter une attention particulière. Ces robots sont capables de réagir à leur environnement, de reproduire des expressions et des mouvements humains. Là où l’apparence de Kobian ne portait aucune confusion malgré sa capacité à imiter les expressions humaines, les modèles d’actroïdes sont susceptibles de susciter de la méfiance chez le grand public.
L’un des robots dont le visage imite le  mieux les expressions humaines est Sophia d’Hanson Robotics, présent en mars 2016. Son visage est recouvert de Flubbor, un silicone caoutchouteux qui lui donne le même aspect qu’une peau humaine et la même élasticité. Dessous, Sophia dispose de capteurs et d’éléments moteurs lui permettant de prendre une soixantaine d’expressions différentes, variant la position des cils, des lèvres, des joues, etc. Des caméras lui permettent de suivre le regard de son interlocuteur de façon très troublante. Sa présentation avait fait grand bruit puisqu’elle avait déclaré vouloir détruire l’humanité. En réalité, elle a répondu par la positive à une question sur le sujet que lui posait son créateur le docteur David Hanson et a réitéré ses propos. Difficile d’attribuer ces derniers à une intelligence artificielle, une réflexion autonome susceptible de nous menacer pour le moment. La société Hanson est aussi réputée pour avoir reproduit des visages de célébrités sur le même principe que Sophia, tel qu’Einstein.
L’androïde est une première forme d’homme 4.0. Une seconde version de cette nouvelle forme de vie est possible : celle de l’homme amélioré/ augmenté par la technologie et la science, selon les conceptions transhumanistes. Nous verrons ce point dans un deuxième article.
 
2016-04-24 Claire-1
 
 
 
Claire Gimenes
Etudiante en Master 2 Gestion et Droit de l’Economie Numérique à l’Université de Strasbourg, je souhaite participer au développement du droit lié à l’émergence des nouvelles technologies.

A propos de Claire Gimenes