Le début de l’été rime avec soldes (ou pas). Pour les fans de jeux vidéo, et jusqu’au 4 juillet, c’est également les soldes sur Steam, le plus gros distributeur du milieu. La plate-forme s’est développée de façon fulgurante au cours de ces quinze dernières années — au point de rire au nez de la justice sur certains problèmes liés aux données personnelles et à ses utilisateurs. Retour sur ce monstre vidéoludique.

gaben(Images : Steam et son CEO Gabe Newell — Pascal Terjan/Flickr & Wikimedia)

Une petite leçon d’histoire

Dans le monde très concurrentiel du jeu vidéo, une petite entreprise est venue révolutionner les systèmes de distribution. Dès le début des années 2000, Valve, créée par deux ex-employés de Microsoft (Gabe Newell et Mike Harrington), lance Steam, un client web permettant aux joueurs du monde entier d’acheter et de jouer à des jeux vidéo.
Toujours à la pointe de la technologie en matière de distribution, Steam incorpore rapidement diverses fonctionnalités, lui permettant de toujours rester sur le devant de la scène. Diffusion de parties en direct, possibilité pour les studios indépendants de publier leurs jeux, marché d’objets virtuels – tout y passe – et ça marche très bien, en témoignent plus de 6 000 jeux présents sur la plate-forme. En France, cela représente 90% des jeux PC.
 

Les soldes Steam

Il s’agit de l’un des moments les plus attendus par les « gamers » du monde entier : les soldes Steam du début de l’été. Tout comme pour les « vraies » soldes, les prix sont sacrifiés : certains jeux se vendent pour une poignée de centimes. Les offres évoluent durant les deux semaines de soldes et les éditeurs choisissent souvent cette opportunité pour créer des packs de jeux. L’un des jeux phares de Valve, Garry’s Mod, voit son nombre de ventes littéralement exploser lors des soldes Steam.

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Graphique : ventes de Garry’s Mod ; les pointes correspondent aux périodes de soldes (Wikimedia)

De façon plus cynique, c’est également le bon moment pour Valve d’attirer plein de nouveaux clients potentiels et de s’approprier leurs données personnelles. Pour rappel (malgré le nombre important d’articles de ce blog traitant de ce sujet), c’est la loi informatique et liberté (ou LIL) du 6 janvier 1978 qui vient en donner la définition :

« Constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres ».

Plus simplement, il s’agit de toute information permettant d’identifier une personne. Par exemple, il peut s’agir du nom ou du prénom de cette personne, de son adresse physique ou virtuelle, de son numéro de sécurité sociale, etc. Ces informations sont évidemment très nombreuses et sont traitées encore plus souvent que l’on pourrait le croire.
 

La sécurité, un enjeu pour Steam ?

Steam s’est donné pour mission de protéger les données personnelles de ses utilisateurs. Ainsi on retrouve dans son accord sur la protection de la vie privée : « Valve reconnaît l’importance de la protection des informations recueillies auprès des utilisateurs ». La plate-forme s’est dotée de plusieurs fonctionnalités afin de protéger au mieux les données de ses utilisateurs : la plate-forme propose également divers conseils à ses utilisateurs pour que ces derniers ne soient pas victimes de hackers ou de fraudeurs.
Le plus gros système de sécurité de Steam est l’Authentificateur. Cet outil vient ajouter un niveau de sécurité supplémentaire au compte d’un utilisateur, le premier niveau de sécurité étant la combinaison identifiant/mot de passe. Lorsque l’utilisateur se connecte à son compte Steam depuis un appareil différent que celui qu’il utilise d’habitude, le Steam Guard lui enverra un e-mail ou une notification mobile avec un code spécial pour confirmer son identité. Ce système s’apparente à celui utilisé par certaines banques (code envoyé par SMS).
 

La propriété virtuelle, autre problème ?

On entend parfois que « la vie était plus simple avant ». Dans le monde du jeu vidéo, cet adage peut prendre un certain sens. En effet, les précédentes générations de consoles et d’ordinateurs nécessitaient l’achat physique d’un jeu. Mais aujourd’hui, avec le phénomène grandissant de la dématérialisation, qui est réellement propriétaire des jeux virtuels ? Les jeux achetés sont stockés sur un cloud et devront être téléchargés et installés par l’utilisateur avant que ce dernier puisse y jouer. Ce n’est qu’une fois installées que les données des jeux sont présentes sur le PC.
Puisqu’il a acheté et payé le jeu, l’utilisateur devrait en être le propriétaire : cela semble plutôt évident, puisque les règles de la vente « traditionnelle » s’appliquent (sauf exception) à la vente en ligne (on prend par exemple l’article 1583 du Code civil concernant le transfert de propriété). Mais la plate-forme Steam suit-elle la règle ? La réponse est négative : lorsqu’un utilisateur achète un jeu sur Steam, il n’en devient pas propriétaire. Conformément à l’accord de souscription de Steam, les jeux sont concédés sous licence, et non vendus. Steam précise ensuite que la licence ne confère aucun droit ni titre de propriété sur ces contenus à l’utilisateur. Les conséquences sont importantes, puisque cela va empêcher la revente, voire le prêt de jeux (hors cadre familial).
 

Steam face à la justice

L’UFC Que Choisir a assigné Valve en justice en décembre 2015 car les conditions générales d’utilisation de Steam ne respectent pas la loi française (selon l’UFC), notamment concernant les points évoqués précédemment. Une affaire similaire s’est déroulée en Allemagne en septembre 2012 (VZVB c. Steam). La Cour fédérale d’Allemagne avait donné une solution favorable à Steam, jugeant que cette pratique était légale. En revanche, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé que la revente de logiciels d’occasion était légale, même sur Internet, et que par conséquent les utilisateurs de Steam devraient pouvoir revendre leurs jeux et céder leurs comptes.
A en juger par l’état actuel des conditions d’utilisation de Steam, il faut en déduire que la plate-forme n’est pas prête à se plier à ces exigences. En revanche, Valve interdira les recours collectifs (ou class actions en anglais), tout en prétextant que cette clause sert à se protéger d’avocats « scrupuleux » et non pas des utilisateurs. Une défense qui paraît peu convaincante.
 

Plus d’information

L’affaire VZVB c. Steam : http://www.clubic.com/jeu-video/actualite-574224-association-consommateurs-allemande-poursuit-steam-justice.html
Le site de Steam : http://store.steampowered.com/?l=french

AlexandreMoureyAlexandre MOUREY (@AlexandreMourey) est étudiant en Master 2 de Droit de l’économie numérique. Passionné par le monde des nouvelles technologies et de l’audiovisuel, il participe à de nombreux projets sur Internet, notamment avec l’association FFL Production.

A propos de Alexandre Mourey