Depuis le 13 mai 2014, Google doit se conformer à l’arrêt prononcé par la Cour de Justice de l’Union Européenne (C.J.U.E.). Les ressortissants de l’Union Européenne (U.E.) peuvent demander à Google de désindexer leurs nom et prénom apparaissant dans les pages de résultats du moteur de recherche. D’après le G29 (Groupe des C.N.I.L. européennes), Google ne respecte pas entièrement l’application de cet arrêt, ce dont se défend la firme américaine. Qu’en est-il vraiment ?

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Sources : http://www.webconsulting.fr

 
Un droit à l’oubli limité et critiqué dans sa pratique…
Nombreux sont les citoyens de l’U.E. à établir leurs requêtes de désindexation auprès de Google. Mais les demandes traitées positivement par Google ne sont pas appliquées sur toutes les versions du moteur de recherche.
Comme le constate le G29, seules les versions où cette législation européenne s’applique sont concernées. C’est le cas par exemple des versions française (google.fr) ou allemande (google.de). Or, il souhaite que les demandes prises en compte par Google s’appliquent sans distinction géographique, c’est-à-dire dans le monde entier. Après tout, l’e-réputation ou la vie privée sur Internet n’a pas de frontières ?
D’autres critiques émanent du G29 concernant ce déréférencement lié à des articles ou à des photos personnel(le)s. En effet, Google a tendance à « filtrer » les demandes des internautes selon ses propres critères d’interprétation. Par exemple, une personne souhaitant ne pas voir apparaître son nom et prénom, sur un fait divers dans lequel il est impliqué, ne sera qu’à moitié satisfaite. Si on saisit son nom et prénom dans le moteur de recherche de Google, l’article n’apparaîtra pas. Mais si on saisit le titre du fait divers sans son nom ni son prénom, l’article apparaîtra. Autre exemple, une requête émise par un internaute lui-même à l’origine du contenu indexé ne sera pas prise en compte par Google. Cet auteur membre de l’U.E. devra le faire lui-même, alors que l’arrêt de la C.J.U.E. impose à Google de le faire pour chaque ressortissant membre de l’U.E. qui lui en fait la demande.
Par ailleurs, la C.N.I.L. (Commission Nationale Informatiques et Libertés) considère inapproprié le fait que Google avertisse les éditeurs de sites web d’un déréférencement partiel de pages sur sa version européenne suite à une demande d’un internaute européen. A ce sujet, elle estime que ces derniers sont uniquement des tiers au litige opposant l’agrégateur de contenus et le titulaire du droit. De plus, Google semble généraliser cette pratique pour tout patronyme apparaissant dans une page de résultats de son moteur de recherche. Le G29 juge que cela masque ou complique la vérification des désindexations réellement effectuées de celles non réalisées. Si ce message d’alerte est généralisé à chaque page de résultats associée à un patronyme, alors difficile de dire si la désindexation est à première vue véridique ou utopique. En effet, certains internautes ne l’ont peut-être tout simplement pas demandée.
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Source : http://etquefaire.fr

… mais difficilement applicable selon Google
Au contraire, Google se défend d’abuser d’un déréférencement exagéré et globalisé pour chaque cas litigieux. Pour Google, il s’agirait de prévenir d’éventuelles erreurs de retraits via cette procédure d’alerte. A ce sujet, la firme américaine considère qu’il existe des abus de la part de ses concurrents à vouloir déréférencer dans le but de réduire la présence d’un autre site. Cela serait fréquent en matière de droit d’auteur selon elle. Par ailleurs, Google estime qu’il est difficile de déréférencer à cause du trop grand nombre d’homonymes recensés dans son moteur de recherche.
D’une manière générale, selon Google, il manque une ligne directrice claire et précise dans cet arrêt prononcé par la C.J.U.E. Il est difficile de dissocier les requêtes des internautes relevant du droit à l’information du public de celles liées à leur vie privée. Avec cet arrêt, Google a la libre appréciation sur les termes « infos inexactes, excessives, inappropriées, incomplètes… » afin de trouver la solution qui s’impose pour chaque requête d’un internaute. Selon la firme américaine, la C.J.U.E. se débarrasse de la résolution de ces problèmes en lui attribuant à la fois les rôles de juge et de partie. Cela entraîne d’ailleurs des coûts d’opérations non négligeables. Afin d’illustrer ses propos, Google prend deux exemples :
–       D’une part, certaines requêtes d’internautes correspondent à des anciens articles dans lesquels leurs nom et prénom peuvent apparaître pour un fait divers peu glorieux. Mais un internaute peut oublier de mentionner qu’un fait similaire, auquel il fait partie, s’est produit récemment. Cela n’est plus de l’histoire ancienne mais un nouveau fait d’actualité, lié à un ancien fait divers, justifiant son référencement. Ceci est d’autant plus important que plusieurs médias utilisant les versions européennes de son moteur de recherche ont vu certains de leurs articles de presse disparaître.
–       D’autre part, un autre problème avancé par Google est le cas où le requérant est une personnalité publique. Cette dernière peut demander à Google que son moteur de recherche désindexe les articles critiquant son ancienne mauvaise gestion politique. Mais que faire dans ce cas-là s’il s’agit d’une information mise en ligne sur un site gouvernemental ou sur un site d’actualité réputé ?
Ainsi, ce sont autant de points sur la sincérité, l’objectivité des demandes qui ont été soulevés par Google au G29 et qui seront peut-être éclaircis par un comité d’experts réuni le 25 septembre à Paris. Le droit à l’effacement sur les sites hébergeant les contenus litigieux et la désindexation dans toutes les versions mondiales du moteur de recherche de Google y seront abordés. En attendant, Google doit faire face à un afflux important de demandes d’internautes… 53 % des liens concernés sur son moteur européen ont déjà été désindexés, soit plus de 90 000 demandes concernant 328 000 liens. Près d’un tiers ont été refusés. Les autres sont en attente d’informations complémentaires. La France est le pays de l’U.E. le plus soucieux avec 17 500 demandes devant l’Allemagne (16 500) et le Royaume-Uni (12 000).
Thomas PERRIN
Etudiant en Master 2 Droit de l’économie numérique à l’université de Strasbourg (67)

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