D’après l’annonce du 14 mars dernier, l’ICANN quitte partiellement la tutelle des USA pour se diriger vers une gouvernance mondiale. La Société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet va être chargée de s’autosuperviser. Décision  est encouragée par l’Union Européenne et les pays émergents.

icann

Les USA ont annoncé qu’ils allaient renoncer à la gestion des serveurs racine du DNS (Domain Name System) ainsi que celle de l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) à compter de 2015. Cette décision est une réponse aux protestations de nombreux pays concernant la mainmise des USA sur l’ICANN. En la détachant du Ministère du Commerce américain, la National Telecommunications & Information Administration (NTIA) a cédé à l’ICANN les missions d’enregistrement de l’Internet Assigned Numbers Authority (IANA). La société américaine VeriSign sera responsable de la gestion et la publication des zones racines du DNS .
« Une étape historique pour la création d’une gouvernance de l’Internet véritablement mondiale » aux yeux de Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne en charge de la société numérique.
La NTIA a toutefois imposé à l’ICANN des conditions pour son indépendance partielle. La proposition de transition doit être soutenue par une communauté mondiale et doit respecter ces quatre principes :

  • Soutenir et améliorer le modèle multipartite ;
    • Maintenir la sécurité, la stabilité et la résilience du DNS ;
    • Répondre aux besoins et attentes des clients et partenaires de l’IANA;
    • Maintenir l’ouverture d’Internet.

L’association française pour le nommage Internet en coopération (AFNIC) entend défendre ces principes. “Le transfert de la supervision de la racine de l’Internet par le gouvernement des États-Unis représente un changement bienvenu, et un défi majeur pour la communauté technique de l’Internet. Le débat qui s’ouvre est de première importance“, a commenté le directeur général de l’AFNIC , Mathieu Weill.
Cette décision était attendue par certains, considérée comme précoce par d’autres. Est-ce un moyen pour le gouvernement américain de redorer son blason après tous les scandales et accusations liés à la NSA ? La cession partielle de la gouvernance tend à montrer que les USA veulent partager le pouvoir de contrôle, qu’ils ne sont pas les maîtres du web. « Les Etats-Unis sont pour ouvrir le débat mais pas complètement », souligne Pierre Bonis, directeur général adjoint de l’AFNIC.
Ce transfert n’est pas sans risques. Avec les nouveaux gTLD (Generic Top Level Domains), les enjeux du web et des noms de domaines sont de plus en plus importants. Les serveurs DNS doivent protéger toutes les extensions pour éviter la disparition de sites web dont ils sont la racine. Aussi, Pierre Bonis exprime clairement sa crainte et sa préférence : « Les Français ont toujours pensé que la responsabilité d’un seul gouvernement n’était pas très normale », faisant référence à la situation actuelle. « Mais entre ça et la responsabilité exclusive d’une société privée qui n’aurait de compte à rendre qu’à la justice de son pays d’incorporation, on préfère encore le gouvernement américain », conclut-il, en ajoutant qu’il est plus facile d’agir « diplomatiquement que d’aller en justice ». A terme, il faudrait que les gouvernements, tout comme les spécialistes techniques, aient leur mot à dire pour un meilleur fonctionnement de l’organisation.
A l’heure actuelle, l’idée est de permettre à l’ICANN de s’autosuperviser en tant qu’organisation mondiale multipartite. Ce mécanisme de responsabilisation de l’ICANN marque la phase finale de la privatisation des DNS. Fadi Chehadé, Président de l’ICANN, a annoncé : « Nous invitons les gouvernements, le secteur privé, la société civile et les organismes impliqués dans internet à travers le monde à nous rejoindre pour mettre en œuvre cette phase de transition […] Toutes les parties prenantes méritent d’avoir voix au chapitre de façon égale dans la gestion et la gouvernance de cette ressource mondiale. »
La négociation au sujet de la transition débutera le 23 mars à Singapour.
Pour en savoir plus sur l’organisation de la gouvernance d’Internet : Qui dirige Internet ?

Marineo

Marine Ogier
Étudiante en M2 Droit de l’Économie Numérique, passionnée de nouvelles technologies, d’informatique et le droit qui les encadre
logo Twitter couleur LinkedIn couleur doyoubuzz

A propos de Marine Ogier