Le géant mondial du e-commerce fait à nouveau parler de lui dans le monde du livre, et ce peu après le vote par les députés, d’une proposition de loi interdisant de cumuler la réduction de 5% sur les livres et leur livraison gratuite.
En effet, le nouveau service Kindle Matchbook vient d’être lancé outre-Atlantique. Il permet aux clients d’Amazon de profiter de la version numérique de l’ouvrage papier acheté, pour un prix maximum de 3 dollars.
Un eBook pour quelques dollars de plus.
Réservé pour l’instant au marché américain, le service kindle MatchBook s’inscrit dans la stratégie de vente de produits dématérialisés d’Amazon.
S’appuyant sur les partenariats conclus avec des éditeurs, ainsi que sur sa plateforme Kindle direct publishing (possibilité pour un particulier de publier lui-même son ouvrage sans passer par un éditeur), Amazon offre actuellement un catalogue de plus de 70.000 références.
Ce service, attractif pour le lecteur profitant de la version numérique d’un livre dont la date d’acquisition sur Amazon peut remonter jusqu’à 1995 génère aussi des revenus supplémentaires en faveur des éditeurs et ayant droits.
Cette actualité n’est pas sans rappeler le lancement, dans le monde musical d’Amazon AutoRip en janvier 2013 : le cybermarchand offrait en effet une copie numérique de la musique achetée sur support physique pour des achats effectués depuis l’an 2000 via son site.
Une offre similaire en France ?
Les services initiés dans un premier temps aux Etats-Unis sont légions. Pourtant, le cadre légal français sur le prix unique du livre pourrait bien empêcher Amazon de proposer cette offre sur notre territoire.
La loi Lang et celle relative au prix du livre numérique visent à interdire à un cybermarchand d’offrir la vente de l’eBook sous forme de « pack », à savoir en complément de l’ouvrage papier acheté à un prix réduit.
Le site Actualitte.com en évoquant l’ article 6 de la loi Lang, considère le « pack » eBook plus ouvrage papier comme une vente avec prime, rentrant ainsi dans le cadre d’une exception au prix unique. Néanmoins, dans son article 2 le décret d’application sur le prix unique du livre numérique n’envisagerait pas les choses aussi simplement : la modulation du prix ne serait permise qu’en fonction « du contenu de l’offre et de ses modalités d’accès ou d’usage. ». Or, dans les conditions actuelles l’eBook ainsi vendu en « pack »ne différerait pas de l’achat d’un eBook seul.
Amazon : une stratégie axée sur les biens culturels numériques
Le cybermarchand souhaite innover la façon dont les clients consomment les produits qu’il distribue. L’entreprise se concentre notamment sur les biens culturels : en achetant de la musique sur support physique via son site, vous pouvez être éligible au programme AutoRip et bénéficier ainsi gratuitement de la version numérique de l’œuvre, ce qui rappelle considérablement le service du Kindle MatchBook décrit plus haut.
Amazon entend promouvoir sa marque Kindle et l’écosystème qui l’entoure : il possède sa propre liseuse numérique du même nom, ainsi qu’un format de fichiers propriétaires. De plus, il permet à un auteur indépendant de vendre son ouvrage sous la forme d’un eBook directement sur sa plateforme sans passer par un éditeur.
Le service MatchBook n’est pas la dernière pierre de l’édifice, puisque fin octobre 2013 la société annonçait le lancement d’Amazon Source. Il s’agit là d’un programme permettant aux libraires américains indépendants qui vendent des liseuses Kindle, de tirer profit de revenus générés par la vente d’eBook à partir de ces mêmes liseuses, pendant 2ans.
Le service Kindle MatchBook ne devrait pas voir le jour en France prochainement, vu la confusion du cadre législatif et le doute des éditeurs et libraires face à l’innovation du géant. Avec les différentes offres et les multiples programmes qu’Amazon déploie, la société accroit de plus en plus sa suprématie sur le marché des biens culturels, en particulier dans la vente de livres et de musiques.
Le consommateur semble pour l’instant profiter de cette situation d’hégémonie, qui devrait bientôt changer avec l’adoption de la loi « anti Amazon ».
Néanmoins, on peut se demander s’il ne serait pas plus judicieux de concurrencer le géant que de tenter de l’entraver avec une efficacité souvent limitée et en pénalisant le consommateur en temps de crise. C’est notamment le pari de la FNAC, qui a lancé un Digicopy, un service similaire à AutoRip, mais qui pour l’heure reste bien moins développé.
Thomas Brodhag
Etudiant en Master 2 Droit de l’Economie Numérique.
Je suis passionné de nouvelles technologies, du droit qui les
encadre et plus particulièrement par la propriété intellectuelle.