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La troisième chambre du Tribunal de l’Union européenne a rendu un arrêt le 16 décembre 2010 (T-19/07, Systran SA et Systran Luxembourg SA c/ Commission) condamnant la Commission européenne à verser 12 millions d’euros à la société Systran pour violation de droits d’auteur et de savoir-faire sur un logiciel de traduction automatique.

Les faits :
Depuis 1968, la société Systran SA (anciennement appartenant au groupe WTC) commercialise un système de traduction approximative d’un texte.
Du 22 septembre 1975 au 4 août 1987 une série de contrats est signée entre la Commission et l’entreprise détentrice du logiciel afin de l’utiliser dans ses services.
Pour les besoins de la Commission, la société Systran ( plus précisément ses filiales) a développé de nouvelles versions de ce logiciel jusqu’en 2002.
La Commission a lancé le 4 octobre 2003 un appel d’offres en vue d’améliorer le système de traduction mis en place par Systran. Cette amélioration a nécessité une divulgation, sans le consentement de l’entreprise Systran de son savoir-faire.

Régime juridique:
L’auteur d’un logiciel est protégé par les principes généraux communs aux États membres. Cette protection pour les logiciels s’inscrit dans le cadre de la propriété intellectuelle, protégeant les oeuvres littéraires et artistiques (voir directives 91/250/CEE du 14 mai 1991, et 2004/48/CE du 29 avril 2004).
Ces directives reconnaissent à l’auteur d’un logiciel un monopole d’exploitation. Une seule condition est requise, l’originalité. Cette condition d’originalité pose de nombreux problèmes dans la doctrine, car elle n’est pas véritablement définie pour les logiciels (mais ce n’est pas ici l’objet de l’article).
Systran avait en l’espèce un droit de propriété intellectuelle exclusif sur son logiciel opposable à tous de faire et d’autoriser la reproduction, la traduction, l’adaptation, l’arrangement et toute autre transformation. (art 4 de la directive du 14 mai 1991).

Le dénouement :
La Commission européenne ne disposait que d’une licence d’utilisation pour la version de base de logiciel Systran, mais pas sur les versions qui lui ont été développées spécifiquement. De plus, la Commission européenne ne détenait aucun droit de propriété intellectuelle sur ces logiciels et elle n’a pu prouver que ces derniers lui ont été cédés.
L’appel d’offres de la Commission européenne venait en violation des droits d’auteur de la société Systran détentrice des logiciels.
Le Tribunal a donc condamné la Commission européenne à payer à la société Systran un montant forfaitaire de 12 001 000 d’euros dont 7 millions correspondent aux redevances qu’elle aurait dû verser entre 2004 et 2010 pour pouvoir utiliser les droits de propriété intellectuelle.
Il est très rare de voir une institution si lourdement condamnée, certains auteurs qualifient cette sanction d'”historique”.
Sources :
Pour la directive du 14 mai 1991 :
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31991L0250:FR:NOT
Pour la directive du 29 avril 2004 :
http://eur-lex.europa.eu/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexplus!prod!DocNumber&lg=fr&type_doc=Directive&an_doc=2004&nu_doc=48
Pour le jugement dans son intégralité :
http://curia.europa.eu/jurisp/cgi-bin/form.pl?lang=FR&Submit=rechercher&numaff=T-19/07

A propos de Matthieu SELLIES

Cette publication a un commentaire

  1. jgollner

    Passionnant, comme quoi les auteurs continuent la résistance !

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