You are currently viewing Le numérique, ressource non renouvelable : la démarche low-tech

« Écologie du quotidien », « décroissance », « technologies douces », « modes de vies résilients » : quels sont les tenants et aboutissants de cette démarche low-tech, quels en sont les objectifs et revendications, et surtout, est-ce une solution viable et si oui, dans quels domaines ?

Cette description brosse le portrait de la low-tech en tant que critique du numérique, mais son action est plus large, puisque cette démarche est davantage portée sur l’avenir du numérique et la remise en question de nos modes de consommation et milite de ce fait davantage pour un numérique plus respectueux de l’environnement.

Low-tech, définition

Les low-tech préexistent aux objets high-tech actuels. Définis comme « des objets, des systèmes, des techniques, des services, des savoir-faire, des pratiques, des modes de vie, et même des courants de pensée, qui intègrent la technologie selon trois grands principes : utile, accessible, durable » d’après le low-tech Lab, association française fondée en 2013, les low-tech demeurent pertinentes à travers le temps, notamment face aux problèmes écologiques et économiques actuels. Il s’agit donc de technologies simples, utiles, et accessibles techniquement et financièrement à tous, c’est-à-dire de manière à répondre aux besoins essentiels individuels et collectifs.

Source: Bournigal, Émilien. « Low-tech : définition et exemples de LA démarche d’innovation ». Low-tech Nation, 18 mars 2022. 

Une alternative aux outils high-tech

L’articulation entre high et low-tech dans le niveau d’évolution numérique actuel peut paraître compliquée, voire contradictoire. Néanmoins, l’essentiel de la démarche low-tech ne consiste pas à faire disparaître le numérique en son état actuel, mais davantage à questionner et changer notre relation à la technologie, c’est-à-dire « en refaire un moyen plutôt qu’une fin en soi » et de s’opposer à l’obsolescence de nos outils numériques.

La démarche Low-tech propose également une réponse aux problèmes écologiques actuels, particulièrement aux pénuries de matières premières, la hausse des besoins énergétiques et la disparition des énergies fossiles. Par la remise en question de nos besoins réels, il est possible de se projeter dans un futur numérique plus équitable et moins énergivore.

« Internet est mort, vive l’internet low-tech » : Un numérique low-tech existe-t-il ?

La philosophie low-tech actuelle, véritable vision de l’écologie, pourrait être considéré par certains comme une mise en sommeil des hausses de production, voire un frein à l’innovation. Il est important de noter que de telles mesures iraient à l’encontre de ce que l’histoire des Hommes nous a montré depuis l’origine : posséder plus, produire plus, s’étendre en termes de nombre et de surface. La vision low-tech s’oppose donc à une autre, que l’on pourrait qualifier de « plus modérée » et laquelle accepte l’augmentation de la production et la croissance mondiale, mais qui le fait dans le respect de l’environnement et des ressources de la terre. Les tenants de cette philosophie portent la même devise : « faire plus avec moins », ce qui démontre qu’à un moment donné, de multiples visions philosophies peuvent être décrites par le même slogan mais s’opposent tout de même intrinsèquement. Néanmoins, il n’est pas pertinent d’opposer et de comparer le low-tech exclusivement avec le productivisme de masse, puisque de nombreuses autres voies sont imaginées, d’autant plus que pour certains low-tech rime avec utopie.

Alors, la démarche low- tech est-elle applicable partout ? Si les exemples de son application sont sans doute plus éloquents dans les sociétés occidentales riches et dans des domaines tels que l’énergie, l’eau, le commerce et la distribution (zéro déchet, circuits court), l’agriculture et l’alimentation (permaculture, biologique, local) et même l’urbanisme (maisons écologiques, écoquartiers), ça l’est beaucoup moins s’agissant du numérique ou Internet : à quoi est-ce qu’Internet ressemblerait, qu’adviendrait-il des réseaux sociaux, du commerce électronique, ou encore des réseaux sans fil.

L’environnement numérique tel que nous le connaissons aujourd’hui est tout sauf low-tech : hébergement des données, consommation électrique, terminaux énergivores… De ce fait, un tel numérique, principalement durable, accessible et utile est très loin de notre réalité, et s’oppose même, dans un sens, au numérique en tant que tel :

  • L’utilité du numérique : au sens de la démarche low-tech, le numérique « ne fait pas partie des besoins de l’Homme » – il ne s’agit pas d’un domaine répondant aux besoins les plus fondamentaux.
  • Le numérique est indissociable de l’utilisation de composants électroniques et il serait donc difficile de « diminuer grandement les impacts environnementaux du numérique sans en réduire l’usage même » de ces composants.

Si le numérique low-tech est une utopie pour certains – d’importantes leçons peuvent tout de même être tirées de la démarche low-tech : une consommation plus sobre, des solutions d’hébergement plus écologiques, privilégier la réparation au remplacement. C’est pourquoi il semble pour le moment plus adapté de parler de lower-tech pour désigner les efforts à faire dans le sens d’un numérique plus éthique et sobre.

Le Low-tech Lab, initiative française

L’objet du Low-tech Lab étant de « donner l’envie et les moyens de faire mieux avec moins ». Hébergé sur un site basse consommation, le Lab se donne pour mission d’explorer et d’expérimenter les solutions et projets Low-tech partout en France et dans le Monde, dans différents contextes et domaines, mais également de documenter, diffuser, transmettre, et même éduquer, au travers d’un MOOC gratuit.

« Le numérique est le secteur industriel dont la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre croissent le plus rapidement, à hauteur de 9% par an pour l’énergie et 8% par an pour les gaz à effet de serre. En 2020, le numérique émet plus de gaz à effet de serre que l’aviation civile. »

Et si, en France, d’ici 2040? 

À l’occasion de la 41e Rencontre des agences d’urbanisme du réseau Fnau de décembre 2020 sur le thème du futur, les experts présents vont se projeter dans un « futur désirable » et interroger la place des savoirs et des techniques au lendemain de la crise du Covid-19, qui a participé à souligner notre impact sur la planète. Dans ce monde de 2040, le sens du progrès technique est remis en question et le concept d’innovation est réinventé: 

« L’innovation ne doit pas être capturée par la technologie, elle est aussi sociale, organisationnelle, institutionnelle, citoyenne ».

Les projections de 2020 imaginées par ces experts, dont font partie Philippe Bihouix, ingénieur centralien et spécialiste des ressources non-renouvelables, et Quentin Mateus du Low-tech Lab, demeurent intéressantes. En 2022, soit deux ans après leur création, ces projections apparaissent comme optimistes. En effet, la crise énergétique et écologique bat actuellement son plein tandis que les premières mesures imaginées par les experts n’ont pas été prises – loin de là.

 

Sources :

A propos de Karine Munschi