Nous vivons dans un monde où la moindre donnée que nous produisons est captée et analysée par un géant du web. Difficile alors de faire des choix libres et éclairés dans de telles circonstances. Cela n’annonce-t-il pas la fin du libre-arbitre ?


Avec l’expansion de Big Data, un mouvement appelé Dataïsme a été théorisé. Harari le définit comme le fait de percevoir tout l’univers comme un flow de data et d’algorithmes. Une fois qu’assez de données ont été récoltées et injectées dans un système informatique tout-puissant, toutes les décisions humaines deviendront obsolètes, jusqu’aux élections. En effet, le système saura mieux que nous qui est le “meilleur” candidat.

Harari prend l’exemple de la liseuse numérique d’Amazon mais le site de visionnage de films et séries Netflix suit le même procédé. Il collecte constamment des données sur l’utilisateur : ce que vous avez regardé bien sûr, mais aussi à quelle vitesse, à quelle heure, si vous avez sauté des passages ou des épisodes, si vous avez arrêté de regarder au milieu, etc. À partir de ces données, il confectionne une liste de produits qui seront susceptibles de nous intéresser et les met en avant sur la page d’accueil. Cette page d’accueil est donc personnalisée et unique à cet utilisateur.

Harari va plus loin et imagine un monde où Google jouerait le rôle de conseil matrimonial et pourrait arranger des mariages car il est le seul à réellement connaître tout le monde et ce, depuis leur naissance. Il pourrait prendre en compte des données biologiques (« tu auras plus de chances d’avoir des enfants en bonne santé avec ce prétendant-là »), sanitaires, émotionnelles, physiques, etc.

Le libre-arbitre est menacé. Pour l’instant, les sociétés informatiques exploitent des données que nous avons « externalisées » c’est-à-dire que nous avons exprimées en cherchant sur internet, en cliquant, en nous déplaçant, en regardant un film, en likant un post. Pour Harari, l’étape ultime sera quand ces entreprises auront accès à l’« intérieur », c’est-à-dire au cerveau et à nos émotions. Plus les scientifiques déchiffrent notre cerveau et plus particulièrement nos émotions, plus « Big Data » en saura sur nous. Il comprendra nos émotions et donc nos décisions mieux que nous-mêmes. Dans une conférence chez Google, il développe cette idée.

« Nous avons déjà perdu la guerre pour la protection de la vie privée ». Michal Kosinski pense qu’on ne peut plus rien faire, si ce n’est apprendre à vivre avec. Cela demande de comprendre les mécanismes de collecte de données personnelles et de minimiser les manipulations politiques et les publicités trop invasives. Harari avait justement dit que le problème vient quand l’algorithme sait avant un individu pourquoi il/elle fait tel ou tel choix selon l’analyse qu’il fait de nous à partir de notre comportement en ligne. Grâce aux données collectées, organisées et analysées, l’intelligence artificielle est capable de dresser un profil psychologique très précis de ses utilisateurs. Ce mécanisme donne l’impression que le libre-arbitre n’existe plus car l’IA finit par prédire ce dont on va avoir besoin et même envie.

Par Sarah HATAM

Références :
Harari, Y. N. (2016, Août 26). Big Data, Google and the end of free will. Récupéré sur Financial Times:
https://www.ft.com/content/50bb4830-6a4c-11e6-ae5b-a7cc5dd5a28c
Harari, Y. N. (2018, Octobre). 21 Lessons for the 21st Century. (T. a. Google, Intervieweur)
Powszechny, T. (2021, Avril-Mai). “Nous avons déjà perdu la guerre pour la protection de la vie
privée”. Courrier International, Hors-Série.

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