Quels sont les points de vigilance juridique à avoir pour les marketplaces ? Faisons un petit tour d’horizon en se penchant sur les principales règles à respecter.
 
-L’encaissement des paiements en toute légalité
 
C’est un point très contraignant pour les marketplaces, l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution ACPR a en 2014 commencé à se pencher sur le cas des marketplaces en estimant qu’elles relevaient du code monétaire et financier. En effet le fait que les markeplaces agissent en intermédiaire entre acheteurs et vendeurs les font rentrer dans le champ d’application de la directive européenne 2007/64/CE, dite DSP (directive relative aux services de paiement).
Selon cette directive la fourniture de service de paiement est établie en cas de collecte de fond sur un compte appartenant à la société (ici la marketplace) et que ces fonds ne sont pas pour la société mais qu’elle agit comme intermédiaire afin de les reverser au véritable destinataire.
Les marketplaces rentrent donc dans ce registre, sauf exception prévue par cette directive. L’exception vaut pour les marketplaces qui ne mettent en ligne qu’un réseau limité de biens ou services, c’est-à-dire celles qui sont spécialisées.
Les opérateurs marketplaces ne répondant pas à cette exemption doivent demander un agrément auprès de l’ACPR pour pouvoir être prestataires de service de paiement. Ces agréments étant fait pour les banques ou acteurs financiers, le dossier de demande est très technique et la mise en place des procédures est lourde et coûteuse, ce qui n’est pas du tout adapté aux marketplaces sauf à être des géants tels Amazon ou Ebay.
Une dernière solution est  possible, c’est de recourir à une plateforme de paiements sécurisés qui est agréée, cela permet aux opérateurs de pouvoir continuer leurs activités d’intermédiaire en leur ajoutant tout de même le coût de ce nouvel intermédiaire.
-Les rapports contractuels
 
Les rapports contractuels sont d’une importance énorme, c’est pourquoi les marketplaces doivent établir des conditions générales d’utilisation CGU et des conditions générales de vente CGV avec les vendeurs.
Un des points les plus importants à mentionner dans celles-ci sont les modalités de rupture de ces contrats. En effet la qualité des vendeurs étant primordiale, il faut prévoir de pouvoir se séparer des vendeurs ne satisfaisant pas aux objectifs. L’article L442-6 du code de commerce définit la rupture brutale des relations commerciales. C’est pourquoi l’opérateur devra juger d’un délai raisonnable entre l’annonce de la rupture et sa prise d’effet. Le tribunal de commerce de Paris avait en 2011 indemnisé à hauteur de  1 million d’euros un vendeur sur la plateforme Pixmania qui avait était exclu sans préavis.
Parfois la présence de certains distributeurs sur les marketplaces peut poser problème. En effet ils ont parfois interdiction de vendre certains produits ou marques sur les marketplaces. L’autorité de la concurrence a reconnu cette possibilité, en disant aussi que les noms, logos, signes distinctifs pouvaient déprécier l’image d’un produit ou d’une marque. Il en a été de même avec les refus de certains fabricants d’agréer des places de marchés, car ils n’avaient pas la garantie de la qualité et de l’identité des vendeurs et redoutaient les reventes illicites hors réseaux et la contrefaçon qui auraient pu nuire aux réseaux de distributeurs exclusifs. De nos jours les marketplaces s’étant démocratisées ces considérations sont de plus en plus rares même si certaines marques refusent toujours d’y vendre pour leur image.
Dans les rapports acheteur / vendeur, les marketplaces se gardent bien d’intervenir, les contrats lient l’acheteur et le vendeur seulement. Les contrats sont parfois faits par la marketplace pour unifier toutes les transactions. Néanmoins les opérateurs n’oublient pas de rappeler certaines règles concernant les produits soumis à restriction ou à interdiction. L’opérateur se contente d’exécuter le contrat qui le lie aux vendeurs en leur fournissant l’accès à la plateforme et aux services associés.
-Les obligations déclaratives
 
Comme pour de nombreux sites à notre époque, les marketplaces font du traitement de données personnelles. Selon l’article 3 de la loi informatique et liberté de 1978 elles sont responsables de traitements. Elles doivent donc établir une déclaration CNIL et donner les moyens et les finalités de ces traitements. Les marketplaces doivent aussi obtenir le consentement des acheteurs afin de pouvoir communiquer leurs données à des tiers (dans le cas des marketplaces, aux vendeurs pour le déroulement de la transaction).
-La responsabilité des opérateurs de marketplace
 
En cas de système de notations ou de commentaires, l’opérateur marketplace peut mettre sa responsabilité en jeu en cas de commentaires illicites notamment l’injure, la diffamation. Pour ces cas la responsabilité de l’opérateur dépend du mode de modération.
Si la modération se fait a priori, la responsabilité de l’opérateur est engagée car il aura  publié un contenu illégal en le sachant.
Si la modération se fait a posteriori, l’opérateur relèvera du régime de responsabilité allégée des hébergeurs. Selon l’article 6 de la LCEN (loi de confiance en l’économie numérique) l’opérateur ne verra pas sa responsabilité engagée s’il agit promptement pour retirer le contenu dès qu’il en a  été informé.
Le même régime de responsabilité prévaut pour les annonces que mettent en ligne les vendeurs. La CJUE (cour de justice de l’union européenne) est même allée plus loin.
Pour elle la responsabilité de l’opérateur dépend du rôle actif ou passif de celui-ci. La CJUE a ainsi dit que l’opérateur ne relevait plus du statut de responsabilité allégée et qu’il avait un rôle actif s’il proposait une assistance au vendeur pour optimiser les annonces ou s’il menait des actions pour les promouvoir. La cour de cassation a suivi la jurisprudence de la CJUE en reconnaissant un rôle actif en cas d’optimisation des ventes, en cas d’assistance au vendeur, d’aide à la description des objets mais aussi si l’opérateur menait des campagnes pour le promouvoir comme avec un e-mailing. Dans ces deux affaires c’est Ebay qui a été condamné car pour les juridictions il avait la connaissance et le contrôle sur les articles litigieux (dans ces cas des contrefaçons). Il s’agit de jurisprudence et le rôle d’opérateurs actifs est mal défini mais cela veut dire que les opérateurs doivent faire très attention aux articles déposés par les vendeurs en cas d’un rôle actif de leur part. Ces jurisprudences ont été très commentées et discutées, certains ne voyant pas comment contrôler un flux de produits si énorme quand la grande majorité des actions d’assistance est automatisée.
-Du nouveau, la loi Macron du 06/08/15
 
La loi Macron va obliger les opérateurs à plus de transparence sur certains points. En effet ces obligations sont pour toutes les entités qui mettent en relation par voie électronique des parties à des fins de ventes de biens ou services.
Les utilisateurs devront avoir une information «loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation et sur les modalités de référencement, de classement, et de déréférencement des offres mises en ligne ». En clair des CGU pour les clients.
Les marketplaces devront aussi mettre à disposition des vendeurs des espaces pour communiquer leurs informations précontractuelles (obligation de l’article L121-17 du code de la consommation). Ces informations seront sûrement sous la forme de CGV et de mentions légales qui préciseront les délais de rétractation (14 jours minium), de livraison (30 jours maximum), de remboursement (14 jours maximum), les garanties, et les règlements des litiges.
Ces obligations ne doivent pas être prises à la légère, puisque tout manquement peut entraîner des amendes pouvant aller jusqu’à 375 000 euros pour la société éditrice de la plateforme.
Les marketplaces ont aussi l’obligation, depuis un décret du 11 mars 2015, d’essayer de résoudre tous les différents à l’amiable par conciliation ou médiation avant de porter l’affaire devant un juge.
-Obligations fiscales et sociales
 
A partir de juillet 2016 l’opérateur devra fournir une information loyale, claire et transparente sur les obligations fiscales et sociales qui incombent aux personnes réalisant des transactions commerciales par leur intermédiaire, et ce à chaque transaction ; adresser en outre à leurs utilisateurs, en janvier de chaque année un document récapitulant le montant brut des transactions qu’ils ont perçues par leur intermédiaire au cours de l’année précédente ; faire certifier, par un tiers indépendant, avant le 15 Mars de chaque année, le respect de ces deux obligations.
 
photo Mehdi BougaultMehdi Bougault
Étudiant en Master 2 Commerce Électronique au sein de l’Université de Strasbourg après avoir suivi un parcours en science de gestion, passionné de marketing et de stratégie notamment dans le monde du digital et du numérique.

A propos de Mehdi Bougault