You are currently viewing La fracture numérique en prison : un obstacle à la réinsertion des détenus

On parle de fracture numérique lorsque l’on peut constater des différences se creusant entre les personnes ayant accès au numérique et celles n’y ayant pas accès. L’une des catégories de population la plus touchée par ce type de fracture est la population carcérale.

La réinsertion d’un détenu dans la société est essentielle. Une insertion réussite est un garde-fou à la récidive. Toutefois, dans nos sociétés hyper connectées, il est essentiel que les prisonniers conservent un lien avec le monde numérique. Ce lien est également essentiel pour obtenir un emploi à la suite d’une sortie de prison. D’autant que l’obtention d’un emploi est souvent une condition pour obtenir une liberté conditionnelle.

Néanmoins, l’univers carcéral est confronté à une fracture numérique sans précédent. En effet, même si aucune loi n’interdit réellement l’accès à internet dans les prisons françaises, l’interdiction reste pratiquement totale. De plus, l’accès aux ordinateurs au sein des prisons reste difficile.

Outre la possibilité d’obtenir un emploi plus facilement à la sortie de prison, une formation numérique au sein d’un centre pénitencier permet également aux anciens détenus de pouvoir mieux gérer leur quotidien une fois leur liberté retrouvée. En effet, la numérisation toujours plus croissante des démarches administratives telles que les demandes d’aides sociales, les renouvellements de papier d’identité nécessite d’être un minimum à l’aise avec les outils informatiques même basique. Néanmoins, certains détenus qui ont écopé de peines plus ou moins lourdes n’ont certainement pas eu la possibilité de se familiariser avec ces outils et ne connaissent probablement pas les plateformes en ligne qui peuvent se révéler indispensable à leur réinsertion.
De plus, en prison, toutes les démarches administratives passent uniquement par le papier, ce qui créé un fort déséquilibre avec le monde extérieur. Cela concerne notamment l’inscription à Pôle emploi alors que dans le monde hors de l’enceinte de la prison tout se fait par voie électronique.

La fracture numérique entre l’univers carcéral et le monde extérieur ne cesse de se creuser. Des personnes tentent tout de même d’alerter l’opinion publique sur la situation et un programme spécialement dédié au numérique en détention (NED) a été mis en place.

Afin de réduire cette fracture, 600 personnes dont des députés, ont demandé dans une lettre ouverte du 28 septembre 2022 adressée à la Première ministre, la mise en place d’accès internet dans les centres pénitenciers français pour faciliter la réinsertion des détenus.

Les signataires de cette lettre jugent que « l’accès à internet entre les murs est primordial pour reconnaître les personnes détenues comme sujets de droit, limiter l’exclusion sociale causée par l’incarcération et faciliter le retour à la vie libre ».

En 2020, Adeline Hazan, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, avait déjà estimé que l’accès à un internet et aux outils numériques plus généralement doit être considéré comme une priorité. Elle avait estimé qu’une telle privation était une entrave à de nombreux droits fondamentaux tels que la liberté d’expression, le droit à l’éducation, mais aussi « le droit d’une personne détenue à la préparation de son retour au sein de la société ». En effet, dans une société où tout tend à se digitaliser, la privation d’outils numériques est un frein majeur pour les détenus dans la réinsertion puisqu’ils seront en décalage avec le véritable fonctionnement de la société.

Pour résorber le manquement d’outils numériques au sein des centres de détention, le programme NED a notamment permis la mise à disposition de tablettes, non reliées à internet, dans certaines prisons de France comme Dijon ou Strasbourg. Toutefois, cela ne pourrait pas suffire à réduire les disparités numériques puisque la plupart des détenus ne savent pas s’en servir. Les détenus doivent donc être accompagnés dans l’utilisation d’outils numériques.

De plus, l’association Wake Up café, spécialisée dans la réinsertion professionnelle des détenus, s’est associée à l’entreprise Simplon pour proposer des formations spécifiques au numérique à la maison d’arrêt de Nanterre. Le but de cette initiative est de permettre aux détenus volontaires de pouvoir suivre un parcours de remobilisation sur 3 semaines. A l’issue de ce parcours, les détenus obtiendront une formation spécialisée dans les métiers du numérique, ainsi qu’une place dans une Fabrique Simplon à leur sortie de détention. Cette initiative devrait se déployer dans d’autres centres pénitentiaires en France avec des partenaires divers.

 

 

https://oip.org/analyse/numerique-en-detention-vers-de-petites-ameliorations-pour-les-detenus/

https://www.carenews.com/fondation-bouygues-telecom/news/former-les-detenus-aux-metiers-du-numerique-pour-une-reinsertion#:~:text=Les%20personnes%20d%C3%A9tenues%20volontaires%20b%C3%A9n%C3%A9ficient,Fabrique%20Simplon%20d%C3%A8s%20leur%20sortie.

https://www.asso-auxilia.fr/actus/244-le-numerique-en-detention-il-est-temps-d-agir

https://www.nicematin.com/faits-de-societe/bientot-un-acces-a-internet-en-prison-plus-de-600-personnes-signent-un-appel-a-reduire-la-fracture-numerique-796803

https://www.20minutes.fr/societe/4002784-20220928-prison-plus-600-personnes-lancent-appel-droit-prisonniers-acces-internet