L’administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) est un service public mis en place par le gouvernement en mars 2021. Suite à des plaintes, le Conseil d’Etat met en place un principe général que l’usager doit pouvoir accéder au service public français dans des conditions normales pour garantir l’exercice effectif de ses droits.
I. Le principe de l’ANEF
L’administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) a été mise en place par un décret du 24 mars 2021. Ce service rend obligatoire le recours à la plateforme https://administration-étrangers-en-france.interieur.gouv.fr pour les demandes de titre de séjour. Ceci concerne aussi bien les ressortissants de l’Union européenne que ceux hors Union européenne. Ce dispositif a été déployé au fur et à mesure et depuis le 3 novembre 2022, « les ressortissants de l’Union Européenne et les Suisses doivent, à l’exception de leurs membres de famille, déposer leurs demandes lorsqu’ils ont un motif professionnel, sont retraités ou inactifs »[1].
II. Le recours déposé par les associations
Plusieurs associations de défense des droits des étrangers ont contesté ce décret instaurant l’ANEF et ont déposé un recours auprès du Conseil d’Etat. La section du contentieux du Conseil d’Etat a examiné ce recours. Cette formation ne se réunit que pour des questions de droit nouvelles [2]. L’arrêt du 3 juin 2022 n°452798 a confirmé que le décret peut rendre obligatoire le recours à la plateforme en ligne. Toutefois, d’après le point 9 de l’arrêt : « Le pouvoir réglementaire ne saurait édicter une telle obligation qu’à la condition de permettre l’accès normal des usagers au service public et de garantir aux personnes concernées l’exercice effectif de leurs droits ». Le Conseil d’Etat précise ensuite au point 10 deux modalités.
Premièrement, le pouvoir réglementaire doit garantir un accompagnement pour « les personnes qui ne disposent pas d’un accès aux outils numériques ou qui rencontrent des difficultés soit dans leur utilisation, soit dans l’accomplissement des démarches administrative ». Ceci a été organisé par le ministère de l’Intérieur grâce à deux moyens détaillés sur le site du ministère de l’Intérieur [3]:
- « Le centre de contact citoyen (CCC) de l’agence nationale des titres sécurisés (ANTS) qui répond aux demandes des usagers soit par téléphone, soit via un formulaire de contact.
- Des points d’accueil numériques (PAN) en préfecture ou sous-préfecture, pour les personnes qui ne seraient pas familiarisées avec les usages du numérique et/ou qui ne disposent pas du matériel nécessaire, ne seraient pas autonomes dans l’utilisation des outils numériques ou encore connaîtraient une situation bloquante.»
Deuxièmement, si cet accompagnement échoue, les demandeurs doivent pouvoir avoir accès à une solution de substitution. Pour l’instant, aucune modification n’a été apportée au décret pour se conformer avec cette obligation. Les préfectures s’organisent d’elles-mêmes pour mettre en place une solution de substitution comme par exemple un dépôt dans une boite postale ou un accueil physique des demandeurs.
III. La numérisation des services publics
Cette réponse du Conseil d’Etat au recours déposé par les associations permet aussi de fixer un cadre pour la numérisation d’autres services publics. En effet, la condition du point 9 de l’arrêt de condition de « permettre l’accès normal des usagers au service public et de garantir aux personnes concernées l’exercice effectif de leurs droits » pose, semble-t-il, un principe général applicable à d’autres services numériques de l’Etat.
Ce principe s’appliquerait non seulement au dispositif de l’ANEF, mais aussi d’autres services numériques. L’Etat devra veiller à la mise en place d’un accompagnement des usagers ainsi qu’à la mise en place d’une solution de substitution pour ses services publics numériques dont l’utilisation aura été rendue obligatoire.
Sources:
[1] https://www.gard.gouv.fr/Actualites/Elargissement-sur-l-ANEF-des-demarches-numeriques-pour-le-depot-d-une-demande-de-titre-de-sejour
[2] https://www.conseil-etat.fr/actualites/demarches-administratives-en-ligne-le-conseil-d-etat-fixe-un-cadre-general-et-se-prononce-sur-les-demandes-de-titre-de-sejour
[3] https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Actualites/L-actu-immigration/Arret-du-conseil-d-Etat-du-3-juin-la-legalite-confirmee-de-l-ANEF