Une nouvelle solution pour un ancien métier ?

Le 12 novembre 2021, le Monde a publié un article « Quand les travailleuses du sexe se mettent à la blockchain » ; en effet, les cryptomonnaies semblent gagner en popularité comme modalité de paiement parmi les travailleurs du sexe. Que s’est-il passé pour que ces monnaies, fondées sur la blockchain, soient introduites dans cette industrie? 

 

Les travailleurs du sexe, cernés de polémiques et régulations 

 

Le métier des travailleurs du sexe est connu comme (à tort ou à raison) la plus ancienne profession du monde, un terme couvrant une grande variété d’activités sexuelles telles que la prostitution, le strip-tease, les téléphones roses, les sexcam ou encore le BDSM ou les escorts. C’est un métier qui déchaine les passions et suscite les émotions les plus vives : pour les abolitionnistes, l’acte d’offrir avec rémunération des services sexuels est vu comme condamnable et comme une forme d’exploitation intimement liée à la traite humaine. Pour d’autres, vendre du sexe de façon consentie serait une libération sexuelle et un choix pris par le vendeur et l’acheteur. (Image à droite : un écran avec un visage, les lèvres en relief. Image par Flaticon. )

 

Ce n’est donc pas surprenant que la régulation concernant cette industrie varie selon les gouvernements et les régimes (à se référer à la carte Map of Sex Work Law, mise en place par the Institute of Development Studies ) . En France, la liberté de disposer de son corps de façon rémunérée concernant les actes sexuels est protégée, alors que l’achat de prestations sexuelles est interdit depuis 2016. L’existence de maisons closes ainsi que de toute forme de proxénétisme est également interdite. 

 

L’économie de cette industrie, qui se trouve plus ou moins dans la zone grise, est souvent précaire et soumise à diverses pressions. Le paiement par les grands services historiques de cartes de crédit sur les sites hébergeant les contenus sexuels n’est souvent pas possible, explique Gabi, travailleuse du sexe par webcam, pour Rolling Stone. En effet, en décembre 2020, Mastercard, Visa et Discover ont suspendu les usages de leurs cartes de crédit et de débit sur le célèbre site pornographique Pornhub. OnlyFans, un autre site associé principalement au travail du sexe, a annoncé, en août 2021, l’interdiction du contenu « sexuellement explicite » sur sa plateforme, une décision faite sur requête de ses fournisseurs de moyens de paiement.

 

 

Certains sites acceptent PayPal, mais le dispositif est réputé risqué pour les vendeurs, les acheteurs pouvant demander à tort une refacturation du paiement. De plus, Paypal expose souvent la véritable identité de la personne, pouvant mettre en danger le travailleur ou la travailleuse du sexe. Le virement bancaire, un autre moyen de paiement, peut également être suspendu à tout moment par la banque. 

 

Au niveau de la fiscalité en France, selon STRASS, le Syndicat du Travail Sexuel, les personnes offrant des prestations sexuelles sont obligées de payer des impôts ainsi que des cotisations sociales. Si une personne est employée dans une maison close (ce qui est illégal comme mentionné plus tôt), la personne devrait se déclarer en tant que travailleur indépendant. Cela veut dire que, même si certaines activités ne sont pas autorisées par la loi, ces dernières restent tout de même imposables. Néanmoins, la déclaration d’impôts est parfois difficile pour certains travailleurs du sexe. Aux États-Unis, l’avocat Christopher Kirk explique à Reuters, que la tenue des dossiers d’impôt est difficile dans certains cas, soit parce que les travailleurs qui rencontrent leurs clients en face à face sont nombreux, et se font payer en liquide, soit parce que leurs activités sont un mélange de services légaux et illégaux. 

 

Avec des moyens de paiement qui ne semblent pas suffisamment respecter les travailleurs du sexe, comment contourner ces obstacles ? Certains ont trouvé la solution dans la cryptomonnaie.  

 

Payer en cryptomonnaie, c’est (peut-être) moins précaire

 

Mistress Magpie, une domina basée au Royaume-Uni, accepte des paiements en Bitcoin. Elle explique, en janvier 2014, sur une épisode de podcast de LTB network, que les avantages de Bitcoin sont principalement la protection de l’anonymat du vendeur. Les travailleurs du sexe travaillent souvent sous pseudonyme, mais leur véritable identité pourrait être révelée lors d’une transaction traditionnelle. Elle mentionne aussi la sécurité comme avantage ; la fraude à la refacturation est évitable avec le Bitcoin. 

Enfin, elle compare le Bitcoin au liquide, en notant que ce mode de paiement encourage le travail sexuel individuel. En effet, dans le cas d’un paiement en espèces, le proxénète pourrait prendre cet argent par force, alors que dans le cas de la cryptomonnaie, les travailleurs auraient plus de contrôle sur leur argent, le paiement étant fait électroniquement et sans intermédiaire. (Image à gauche : un fouet. Image faite par Flaticon. )

 

Quels pourraient être les autres avantages ? L’ absence de frais de transaction, présents dans les paiements électroniques traditionnels, mais inexistants au sein de ce mode de paiement décentralisé. En outre, payer en cryptomonnaie donnerait plus de liberté et de créativité aux fournisseurs des services. Certains sites tels que ManyVids limitent le contenu des services, interdisant les mots tels que « étouffant » ou « règles », afin de maintenir le choix de payer par carte de crédit. Avec la cryptomonnaie, selon la camgirl Zhaddy Grey sur l’article Rolling Stone, « grosso modo, on peut faire n’importe quoi (ndlr: traduction d’anglais à français par le rédacteur de l’article) » . 

(Image à droite : une session filmée. Image faite par Flaticon. ) 

 

Aujourd’hui, il y a même des cryptomonnaies dédiées à l’industrie du travail sexuel. 

 

(Fin du partie 1)

Par Chiaki Arai

 

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