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Un datacenter sous-marin lancé par Microsoft Research (Source photo : Microsoft)

Et si vos données étaient situées au fond de l’océan ? Microsoft Research planche depuis 2013 sur l’élaboration d’un datacenter sous-marin qui pourrait être refroidi naturellement et indépendant énergétiquement, parmi d’autres avantages. Microsoft vient de révéler en février 2016 les résultats de son premier prototype. Son nom : Leona Philpot. 
Mais qu’est-ce qu’un datacenter ? C’est un centre de données où se situe plusieurs équipements électroniques et informatiques tels que des serveurs, des ordinateurs et des systèmes de stockage par exemple. Son activité principale se trouve dans le stockage d’informations pour les activités d’une entreprise comme Facebook et la conservation des données de ses milliards d’utilisateurs. L’essor du cloud (stockage à distance) nécessite aussi de plus en plus d’implantations de datacenters.
Les solutions écologiques déjà établies
Le problème principal de ces datacenters est qu’ils consomment énormément d’énergie. Les datacenters consommeraient par exemple plus de 9% de notre électricité française et 1.5% de notre électricité mondiale. Plusieurs solutions écologiques ont déjà été retenues ces dernières années pour refroidir naturellement au maximum les datacenters, sans toutefois aller jusqu’à l’extrême de les plonger en mer comme Microsoft. Facebook a par exemple déjà créé un datacenter en Suède où l’environnement permet de réduire le coût d’énergie du centre puisque les températures y sont très basses. Un autre datacenter de Facebook a été installé en Irlande, un pays riche en ressources issues des énergies éoliennes. Google est allé un peu plus loin en construisant à Hamina en Finlande un datacenter utilisant l’eau de mer pour son refroidissement.
Les datacenters de Microsoft
Microsoft détient une centaine de datacenters à travers le monde dont le premier a été créé en 1989. Microsoft a investi plus de 15 milliards de dollars dans ces centres. Par exemple, un projet nommé Pilot Hill a été lancé en 2014 par Microsoft pour la construction d’un parc éolien dans l’Illinois pour approvisionner les datacenters Chicago en énergies renouvelables. Microsoft Research a encore plus surpris en dévoilant en février 2016 son projet de datacenter sous-marin. En effet, son équipe de chercheurs travaille depuis trois ans sur le projet Natick pour déterminer la faisabilité technique d’un datacenter immergé. Ce projet avait été présenté en 2013, par Sean James, un ancien soldat américain de la Navy. C’est en août 2015 que Microsoft a plongé dans le plus grand des secrets, un datacenter prototype nommé Leona Philpot prés de San Luis Obispo en Californie. Cette capsule de 17 tonnes et mesurant trois mètres sur deux avait une puissance informatique égale à 300 ordinateurs de bureau. Le prototype a été surveillé à distance via des caméras et des capteurs ainsi que par une vérification mensuelle d’un plongeur. L’étude qui aura duré 105 jours révèle de nombreux avantages qui pourraient révolutionner l’utilisation d’un datacenter.
Les avantages de l’immersion d’un datacenter :
Refroidissement naturel du datacenter : Un datacenter moyen (15 mégawatt environ) nécessite entre 300 et 500 millions de litres d’eau par an pour être refroidi. Si on immerge ce même datacenter, on économise la totalité de l’eau puisque le refroidissement est naturel. C’est donc un avantage écologique et économique puissant. En effet, le froid est indispensable pour gérer un datacenter puisqu’il est nécessaire de climatiser les centres pour les maintenir à une bonne température. Microsoft utilise donc l’eau de mer pour éviter une surchauffe du centre et par conséquent cela fait diminuer de manière écologique leur température.
Autonomie énergétique du datacenter : Le data center sous-marin fonctionnerait avec l’énergie des vagues et des marées. En effet, ce sont les mouvements de la mer qui alimenteraient le datacenter en électricité en le rendant autonome en énergie (énergie marémotrice et énergie houlomotrice). Le datacenter deviendrait indépendant énergétiquement grâce aux ressources naturelles de l’océan. Microsoft veut utiliser des systèmes de récupération d’énergie de la mer basés sur l’utilisation de turbines. L’océan fournirait au datacenter une énergie renouvelable et gratuite qui éviterait de recourir à l’utilisation d’énergies fossiles pour alimenter le centre. Cette autonomie fait disparaître les énergies polluantes.
Lieu stratégique au niveau des côtes : En plaçant ces datacenters dans les mers et les océans, il y aurait une diminution de la distance séparant le lieu de stockage des données et le lieu d’habitation de l’utilisateur final. Pourquoi ? Selon Microsoft, la moitié de la population mondiale vit à moins de 200 kilomètres d’une côte. Ce serait donc un lieu stratégique pour rapprocher les utilisateurs de leurs données et certains effets bénéfiques pourraient apparaître comme une navigation sur le web plus rapide.
Standardisation des équipements rendant rapide sa mise en oeuvre : Comme les conditions des milieux marins sont quasi similaires, il n’y aura plus de construction de datacenter unique conçu spécialement pour tel environnement avec tel climat spécifique ou tel permis de construire. Il serait donc possible de mettre en oeuvre un datacenter en 90 jours alors qu’actuellement la mise en oeuvre d’un datacenter prend un à deux ans. De plus, le datacenter s’approprierait l’environnement marin en moins de trois mois.
Durée de vie et entretien du data center améliorés : Microsoft prévoit 20 ans comme durée de vie d’un datacenter sous-marin ainsi qu’un entretien tous les 5 ans en raison de la durée de vie anticipée des ordinateurs. Il y aurait donc une présence quasi inexistante de personnel sur le centre. Microsoft va encore plus loin en souhaitant bâtir les futurs datacenters sous-marins à partir de matériaux recyclés qui pourront par la suite être eux-mêmes recyclés.
Quelles limites ? 
L’environnement marin en lui même serait la limite principale. En effet, en cas de panne ou de défaillance, de grosses difficultés techniques seraient à prévoir pour déterminer le problème en cause. Julien Lausson de Numerama souligne que d’autres limites pourraient troubler le bon fonctionnement du datacenter : « courants, corrosion, faune et flore, trafic maritime, pression, humidité » et que « le moindre incident pourrait bien se transformer en véritable mission de sauvetage. ». Ces limites pourraient-elles être contrées par la disparition de personnel avec une indépendance totale du datacenter et un contrôle à distance ? Il paraît difficile d’évincer tout entretien ou maintenance d’une telle infrastructure.
Les ambitions de Microsoft
Via le projet Natick, Microsoft pourrait monter dans le classement Greenpeace sur l’impact environnemental des datacenters des géants du secteur high-tech. En effet, son datacenter sous-marin pourrait s’apparenter à un green datacenter avec toutes les solutions écologiques qu’il propose. Microsoft souhaite renouveler l’expérience avec un test grandeur nature en 2017 en Floride et en Europe du Nord.  L’équipe travaille en effet sur un container quatre fois plus grand que le premier, doté de vingt fois plus de puissance informatique. Ce datacenter resterait au moins un an dans l’eau et utiliserait une source d’énergie renouvelable tirée de l’océan.
Le futur des milieux marins sera donc un espace basique de stockage de nos données. Combien de temps avant de passer à l’étape suivante et d’envoyer nos données dans l’espace ? Le monde numérique est plein de ressources et de surprises.
 
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Charles-Antoine Jaubert – Etudiant en Master 2 Droit de l’économie numérique à l’Université de Strasbourg. Juriste, passionné par le droit des nouvelles technologies et les questions relatives aux données personnelles, propriété intellectuelle, réseaux sociaux, médias et musique en ligne