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Cet article n’a pas pour but d’étudier en profondeur toutes les caractéristiques de l’écrit électronique ainsi que ses conditions d’utilisation, ce qui nécessiterait un livre entier, mais de retracer rapidement son évolution et son admission en tant que preuve juridique.

Afin de développer en France le commerce électronique, le législateur a depuis plus de 10ans du adapter les règles de l’écrit manuscrit à l’écrit immatériel et ainsi inventer un nouveau mode de preuve: l’écrit électronique.

Son admission en tant que nouveau mode de preuve pose encore aujourd’hui de nombreux problèmes d’application, un arrêt récent du 30 septembre 2010 de la Cour de cassation le démontre.

Historique rapide de l’admission de l’écrit juridique en droit français :
La loi du 13 mars 2000 a bouleversé les conceptions traditionnelles de la preuve en reconnaissant l’écrit électronique.
Avant cette loi, l’écrit manuscrit restait le seul mode de preuve parfait pour les actes sous seing privé. Les écrits électroniques, comme la télécopie ou le télex n’avaient qu’une faible force probatoire, ils étaient retenus par la jurisprudence tout au plus comme commencement de preuve par écrit.
Rapidement, les juges ont anticipé l’arrivé de ces nouveaux modes de preuve et la chambre commerciale de la Cour de cassation a dès 1997 (avant la loi de 2000) considéré qu’un acte juridique peut “être établi et conservé sur tout support y compris par télécopies dès lors que son intégrité et l’imputabilité de son contenu à l’auteur désigné, ont été vérifiés ou ne sont pas contestés”.
Dans son arrêt, la Cour de cassation à posé les deux grandes conditions qui seront le socle de la loi du 13 mars 2000:

  • l’imputabilité
  • l’intégrité du contenu.

La loi du 21 juin 2004 pour la confiance en l’économie numérique est venue parachever cette évolution en posant le principe d’équivalence entre l’écrit papier et l’écrit numérique.
Des critiques :
Mais aujourd’hui encore, une méfiance est omniprésente sur ce nouveau mode de preuve.
On peut rapprocher ces craintes à l’introduction de la preuve par écrit en 1566. À une époque où les témoignages oraux gouvernaient le droit de la preuve, devant une partie de la population analphabète, on craignait que l’instruit puisse se jouer du profane grâce à l’écrit. On redoutait également la production de faux, l’imitation de signature. Ces critiques sont transposables à celles faites à la preuve électronique, ou les faux documents et les différences de compétences en informatique entre utilisateurs font craindre une insécurité pour l’utilisateur lambda.
Les conditions primaires de l’écrit électronique :
Ces craintes reposent principalement sur les deux conditions d’imputabilité et d’intégrité de l’écrit électronique (article 1316-1 du Code civil).
L’imputabilité de l’acte sous-entend que son auteur puisse être clairement identifié.
L’acte est réalisé sur la toile, derrière un ordinateur et non plus devant la personne ou un de ces représentants directs, une certaine opacité demeure, opacité qu’il faut à tout pris faire disparaître.
Son intégrité impose que le document ne puisse être altéré au moment de sa création archivage ou reproduction.
Grâce à l’informatique, il est bien plus facile de modifier un écrit électronique qu’un écrit manuscrit, il est donc conseillé d’utiliser des formats ou des stockages sécurisés qui puissent prévenir de toute altération.
Si ces conditions sont remplies, alors l’écrit électronique aura la même valeur que l’écrit littéral au sens de l’article 1316 du Code civil.
Il est important de constater qu’aucune hiérarchie n’est établie entre l’écrit littéral et l’écrit sous forme électronique. (Article 1316-2 du Code civil).
La signature électronique :
Reste encore la question de la signature, car si la question semble réglée dans l’écrit manuscrit, en matière d’écrit informatique elle pose de nouvelles difficultés.
La jurisprudence précise que “constitue une signature valable, toute marque distinctive et personnelle manuscrite permettant d’individualiser son auteur sans doute possible et traduisant la volonté non équivoque de celui-ci de consentir à l’acte”.
Une directive européenne de décembre 1999 donne une définition bien lacunaire, car essentiellement technique et non juridique de la signature électronique, comme étant une donnée sous forme électronique jointe ou liée logiquement à d’autres documents et qui sert de méthode d’authentification. Cette définition ne tient pas compte du rôle consensuel de la signature, il se traduit par une manifestation du consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte.
Pour faciliter les écrits numériques, la loi à travers l’article 1316-4 du Code civil pose une présomption de fiabilité de la signature électronique. En d’autres termes, elle est réputée fiable sauf si on en apporte la preuve inverse. Pour être plus précis, la signature électronique est dans l’article 1316-4 assimilé à “un procédé” (qui permet l’identification et le lien avec l’acte), et c’est ce “procédé” qui est présumé fiable.
Mais pour jouir de cette présomption, lé procédé doit remplir les conditions de l’article 2 du décret de 2001, une signature sécurisée et bénéficiant d’un certificat électronique qualifié. C’est ce qu’a rappelé récemment la Cour de cassation aux juges du fond dans un arrêt récent du 30 septembre 2010.
Remplir ces deux conditions semble difficile, car il faut alors utiliser un chiffrement asymétrique et basé sur l’utilisation d’un certificat qualifié, donc l’intervention d’un tiers de certification. De simples particuliers n’utilisent que rarement ce genre de procédé, la signature électronique semble alors réserver dans les relations comprenant un professionnel.
Conclusion :
Il ne reste aujourd’hui que très peu d’actes qui ne peuvent pas être établies de manière électronique. On pourrait citer les actes sous seing privé relatifs au droit de la famille, mais ils sont peu nombreux.
Le législateur pour promouvoir le commerce électronique a ainsi favorisé la libéralisation de la preuve électronique.
Cette évolution est indispensable afin d’inciter le consommateur à donner sa confiance en ce nouveau commerce. Mais la complexité de la réalisation parfaite de ce mode de preuve semble entacher l’écrit électronique d’un manque d’efficacité et donc d’effectivité. Mais même lorsque toutes ses conditions de preuve ne sont pas remplies, l’écrit électronique imparfait pourra toujours servir de commencement de preuve par écrit ou comme copie. Et dans de nombreux domaines où la preuve est libre, le juge reste libre d’accorder sa confiance à l’écrit électronique selon son “intime conviction”.
SOURCES :
http://www.feral-avocats.com/fr/nos-publications/articles_de_presse/557/645.html
http://securinet.free.fr/signature-electronique.html
http://www.courdecassation.fr/
Procédures n°4, Avril 2010 La preuve à l’aide des nouvelles technologies par Véronique MIKALEF-TOUDIC

A propos de Matthieu SELLIES

Cet article a 2 commentaires

  1. Altema Sterlin

    A mon avis, le fait de faire entrer dans les modes de preuves l’ecrit electronique c’est un bon pas par le droit en general.

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