Depuis l’expansion du « Bring Your Own Device » (“apportez votre équipement personnel de communication”, en français) au sein de l’entreprise, la distinction de frontière entre la sphère personnelle et la sphère professionnelle se complique, et c’est notamment le cas avec Facebook …
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Certes, la liberté d’expression est un droit fondamental prévu notamment à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales mais également d’un point de vue interne, via le code du travail en son article L. 2281-3 qui énonce que « les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement ».
Pour autant, les salariés ne doivent pas oublier qu’ils doivent faire preuve d’une obligation de réserve et de mesure dans l’expression écrite et orale de leurs opinions personnelles. En d’autres termes, ils doivent être loyaux vis à vis de leurs employeurs et ils ne doivent en aucun cas dénigrer leurs entreprises.
De plus, les salariés doivent se comporter comme des personnes responsables et doivent comprendre que cette liberté évoquée à une limite, l’abus. Cet abus est constitué lorsque les propos comportent notamment des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs (Cass. Soc. 27 mars 2013 n°11-19.734).
Des positions divergentes
La question est de savoir si des propos exprimés par un salarié à l’égard de son employeur sur un réseau social, peuvent être considérés comme ayant été nécessairement tenus sur un espace public ou au contraire, de considérer qu’il s’agissait d’un espace privé.
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C’est pourquoi, les juges du fond se sont consacrés à déterminer si le « mur Facebook » est présumé public ou privé. Cette question est importante d’un point de vue juridique puisqu’elle porte sur la charge de la preuve.
En effet, si le « mur Facebook » est présumé privé, il convient à l’employeur de prouver que le paramétrage du compte était tel que les correspondances ne peuvent être qualifiées ainsi.
A l’inverse, si le « mur Facebook » est présumé public, c’est au salarié de démontrer qu’il avait pris les précautions nécessaires pour limiter l’accès à sa page Facebook et donc, à un nombre très restreint d’utilisateurs.
Les juges du fond ont donc rendu des décisions divergentes. Ainsi, pour la cour d’appel de Reims (CA Reims 9 juin 2010 n°09-03.209), le « mur Facebook » est présumé public puisque « nul ne peut ignorer que Facebook, qui est un réseau accessible par connexion internet, ne garantit pas toujours la confidentialité nécessaire ».
C’est également l’avis de la cour d’appel de Besançon (CA Besançon 15 novembre 2011 n°10/02642) qui considère que « le réseau Facebook a pour objectif de créer entre ses différents membres un maillage relationnel destiné à s’accroître de façon exponentielle par application du principe, « les contacts de mes contacts deviennent mes contacts ».
Mais, la cour d’appel de Rouen (CA Rouen 15 novembre 2011 n°11/01827) ainsi que la cour d’appel de Bordeaux (CA Bordeaux 1er avril 2014 n°13/01992) considèrent que le « mur Facebook » est présumé privé.
Alors Privé ou Public ? Qu’en est-il de la cour d’appel de Paris ?
Celle-ci a également statué le 3 décembre 2015 (n°13/01746), sur le bien fondé d’un licenciement pour faute grave d’une salarié qui avait adhéré à un groupe Facebook intitulé « Extermination des directrices chieuses ». La cour juge qu’il « incombe à l’employeur de démontrer le caractère public des correspondances litigeuses ».
Donc, la cour exprime son opinion « privatiste » concernant le « mur Facebook » car elle juge que l’employeur n’a pas pu rapporter cette preuve et énonce que « les termes employés n’étaient accessibles qu’à des personnes agréées par l’administrateur du groupe, à savoir un groupe fermé composé de quatorze personnes ».
L’avis de l’Ordre administratif
Dans un arrêt récent du 21 janvier 2016, la cour administrative d’appel de Nantes estime que le maire de Montargis avait pris une sanction proportionnée en révoquant un agent de catégorie B. Celui-ci avait publié un commentaire injurieux sur la page Facebook de l’entreprise dirigée par le premier adjoint de la commune qui portait atteinte à la réputation d’un élu et de ce fait, avait commis un manquement à son devoir de réserve.
En effet, pour ma part, même si le paramétrage de confidentialité est activé, nos « amis proches » ont quand même accès aux partages que nous effectuons sur le « mur Facebook » et notamment des critiques que nous pouvons émettre mais une problématique pourrait remettre en cause les divergences concernant l’utilisateur et ses propos avec l’option de partage « moi uniquement ».
 
 
Mehmet C.
 
Étudiant en Master 2 Droit de l’Économie Numérique à l’Université de Strasbourg. Je m’intéresse à l’évolution du cadre juridique des Nouvelles Technologies. Par ailleurs, disposant d’un atout multiculturel, j’aimerai me consacrer aux élaborations que pourraient entreprendre l’Union Européenne dans le domaine juridique et technique des NTIC.

A propos de Mehmet Caglar