Le métavers, ou le risque bouleversement social

Plus connecté, plus rapide et plus sensationnel, le métavers se positionne comme le réseau social de demain. Ses nouveaux modes d’interaction amènent à s’interroger sur le devenir de nos pratiques sociales, déjà secouées par la surconsommation des réseaux actuels. A la fois intriguant et terrifiant, les critères immersifs et sensoriel de la technologie risquent de bouleverser nos habitudes sociales et de présenter des dangers inéluctables.

  • L’hypothèse de nouvelles tendances sociales

Le métavers offre de nouveaux modes de communication et d’interaction. S’il est possible de chatter ou d’appeler ses amis à travers un monde factice, comme le propose Horizon Home reliant Messenger directement à sa plateforme, il est également possible d’inviter ses amis dans une bâtisse virtuelle ou de les rejoindre à un endroit donné. Outre la faculté d’échanger avec des utilisateurs devant des paysages à couper le souffle, il est possible de visiter des lieux culturels en compagnie d’utilisateurs ou encore d’assister à un concert organisé par son artiste préféré.

De plus, le métavers est conçu pour permettre aux utilisateurs de partager des activités aux sensations fortes. Les loisirs et le divertissement sont poussés à leur paroxysme en rendant « réelle » toute idée sortie de l’imagination. Les jeux multijoueur seront ainsi le premier lieu de divertissement des utilisateurs. Les relations professionnelles risquent également d’être bousculées par la mise en place de nouveaux systèmes de communication. Mise au point par Meta, la plateforme du métavers Horizon Workrooms propose un espace de travail en réalité virtuelle permettant aux équipes de communiquer, collaborer et créer. Les utilisateurs sont ainsi immergés dans un environnement 3D autour d’une table de synthèse renforçant un dynamisme professionnel. Par ailleurs, certains cabinets d’avocats et de conseils se sont déjà prémunis de bureaux dans le métavers. L’espace virtuel rendant plus facile la communication avec des clients souvent peu habitués, tout en conservant une confidentialité des échanges.

En pénétrant dans le métavers, l’utilisateur se retrouve au milieu d’un champ des possibles. La barrière de la distance est écartée si bien que les utilisateurs peuvent partager des activités extraordinaires avec des individus résidant à l’autre bout du globe. La technologie soulève également une multitude d’obstacles et de gênes présents dans la vie réelle comme les longues files d’attente, les évènements complets ou encore les contraintes de temps rendant l’expérience agréable. En outre, la présence de loisirs, l’accès à la culture et la faculté de travailler donnent lieu à un univers complet. Le temps passé dans le métavers peut vite prendre le dessus sur la vie réelle. Les pratiques sociales se fonderont ainsi sur des échanges et des interactions virtuelles tandis qu’une vie parallèle risque d’émaner.

Dès lors, les caractéristiques pérenne et sensorielle de cette technologie questionnent sur ses dangers et une potentielle addiction des joueurs. Comment rester calme, posé et rationnel lorsque l’on se joue de nos émotions ?

  • Les dangers d’une technologie essentiellement sensorielle

Dans un désir ardent de développer une expérience toujours plus immersive, les utilisateurs se retrouvent au centre d’un univers sensationnel. Le critère immersif de la technologie entraîne à être toujours plus engagé, physiquement et émotionnellement. Or, le métavers constitue un monde virtuel permanent où il est possible d’y mettre les pieds à tout moment et en toutes circonstances, à condition d’être muni d’un casque de réalité virtuelle et d’une connexion internet. Ces raisons amènent à reconsidérer l’accès de cette technologie aux plus jeunes et aux personnes vulnérables. Les jeux vidéo, qui font le plus souvent appel au temps, à la réactivité et à la nervosité, agitent les émotions des joueurs. L’abus peut provoquer des addictions et dérégler les nuits de sommeil des joueurs, leur estime de soi et leur intérêt pour ce qui les entoure.

En outre, les prouesses de la réalité virtuelle confrontent l’utilisateur à des expériences fortes. A ce titre, il est nécessaire de rappeler le documentaire de la société sud-coréenne Middle-East Broadcasting Center qui avait fait ressusciter en réalité virtuelle une jeune fille de 7 ans décédée. L’entreprise a filmé la scène de retrouvailles avec sa mère, équipée d’un casque de réalité virtuelle et de gants haptiques. Une scène émouvante et bouleversante où le sujet décrit l’expérience comme un « moment heureux » et « le rêve [qu’elle avait] toujours voulu vivre ».

https://www.clubic.com/realite-augmentee/actualite-885136-realite-virtuelle-docu-sud-coreen-recreent-virtuellement-fille-decedee.html

 

Il est difficile de croire que des jeunes puissent être lâchés dans un monde aux possibilités infinies. Derrière un simple avatar et sans expérience, ils constituent les premières proies d’arnaques financières et sexuelles.

Une autre difficulté rencontrée est la distance que créé le virtuel entre les utilisateurs. L’arrivée des réseaux sociaux a soulevé plusieurs problématiques liées au cyberharcèlement. L’entreprise de sondages française Ipsos a réalisé une enquête à ce sujet et a estimé que 59% des Français, sans différence de genre, ont déjà été victimes de cyberharcèlement.  Derrière leurs écrans, les utilisateurs tiennent parfois des propos injurieux et des comportements déplacés auprès d’autres internautes. Les premières agressions ont déjà eu lieu dans le métavers. En mars dernier, une jeune femme a été victime d’une agression sexuelle dans le virtuel. Elle rapporte avoir été « tripotée » par d’autres avatars qui l’auraient également isolée : « le harcèlement sexuel est déjà quelque chose de grave en ligne, mais être en réalité virtuelle ajoute de l’intensité à ce type d’événement ». En conséquence, des mesures sont mises en place comme des endroits sécurisés dits « Safe Zone » où les utilisateurs ne peuvent pas interagir entre eux sans autorisation et sont tenus à distance de chacun d’eux.

 

Branscôme Labarre

Master 2 Droit de l’économie numérique

Faculté de droit, de sciences politiques et de gestion de Strasbourg

Sources

https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/metavers-horizon-support-des-ambitions-futuristes-de-meta-20220808

https://www.ipsos.com/fr-fr/le-harcelement-en-ligne-est-un-probleme-tres-grave-selon-68-des-francais