L’annonce par Emmanuel Macron d’un futur projet de loi luttant contre les fausses informations pose quelques interrogations. 

• La lutte nécessaire contre les fake news

Lors de ses vœux à la presse, le 4 janvier 2018, le président Macron a annoncé sa volonté d’édicter une loi luttant contre les fausses informations diffusées sur Internet. Par pragmatisme, il a par ailleurs dessiné les contours pratiques du projet ; il serait alors possible en période électorale, en cas de publication d’informations jugées erronées, de saisir le juge des référés afin de faire supprimer le contenu en question ;

« En cas de propagation d’une fausse nouvelle, il sera possible de saisir le juge à travers une nouvelle action en référé permettant le cas échéant de supprimer le contenu mis en cause, de déréférencer le site, de fermer le compte utilisateur concerné, voire de bloquer l’accès au site Internet. »

Il est vrai que les divulgations de fausses informations sur les réseaux sociaux peuvent être considérées pour certains comme un fléau numérique, responsables d’influence sur l’électorat. Ainsi par exemple, selon un article du Wall Street Journal1, lors de l’élection présidentielle américaine de 2016, près de 126 millions d’Américains ont visionné des contenus mis en ligne par des comptes pro-russes, c’est-à-dire proches du Kremlin et ce, uniquement sur Facebook. L’influence est notable, sans qu’il ne soit possible cependant de quantifier un éventuel empire électoral. De même, le Président Macron en a, lui aussi, été victime lors de sa campagne présidentielle. La menace est réelle, mais le prisme pris par le gouvernement dans cette lutte ne semble, pour autant, pas pertinent. 

• Le dictat du manichéisme

Cette annonce amène ainsi d’ores et déjà à pointer quelques faiblesses.

Dans un premier temps, beaucoup de critiques sont survenues concernant la caractérisation même d’une fausse information, ou « fake news ». La limite entre simple communication partisane et diffusion de fausses informations n’est pas définie clairement. Il est alors aisé d’imaginer une éventuelle dérive de la censure, s’étendant principalement vers les articles, non plus faux, mais simplement subjectifs, a fortiori en temps de campagne électorale.

D’autre part, le recours aux référés, s’il semble de prime abord répondre à une exigence d’immédiateté, peut amener à une multiplication exponentielle du nombre de saisie du juge des référés, encombrant une procédure dont la rapidité de jugement constitue un impératif.

Ensuite, lorsque l’on évoque les fake news, il ne s’agit finalement, in fine, que de la diffusion classique d’une information erronée, l’aspect numérique en plus. Dès lors, des mécanismes de droit sont déjà en place, principalement via loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Son article 27 permet à ce titre de sanctionner de 45 000 euros d’amende « la publication, la diffusion ou la reproduction par quelque moyen que ce soit, de fausses nouvelles (…) » lorsque, faite de mauvaise foi, elle aurait troublé l’ordre public. Certes, la détermination du trouble à l’ordre public semble difficile à prouver, mais il appartient alors aux juges d’en définir les contours et d’accentuer la possibilité du recours à ce texte.

Le futur projet de loi fait dès lors figure de pléonasme législatif, qui a pour but que d’inciter la morale populaire à s’engager en faveur d’un totalitarisme de la vérité, sorte de chasse aux sorcières numériques. L’heure est désormais à un manichéisme informationnel – le vrai et le faux. Le règne de la subjectivité est mort, vive les chiffres et autres statistiques.
Le postulat d’une lutte efficace contre les fausses informations émerge dans l’éducation populaire dans la reconnaissance de mauvaises sources. Enfin, des plateformes, à l’instar de Facebook, se sont déjà associé à certains médias, notamment Le Monde, pour lister et supprimer les différentes sources de fausses informations. L’action des réseaux sociaux est alors capitale. Le but de l’annonce se trouve peut-être dans cette optique là. 

 

(1) https://www.wsj.com/articles/facebook-estimates-126-million-people-saw-russian-backed-content-1509401546

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