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Dans un contrat conclu à distance, par voie électronique ou non, principalement entre un professionnel  et un consommateur, celui-ci « n’a pas la possibilité in concreto de voir le produit ou de prendre connaissance des caractéristiques du service avant la conclusion du contrat » (14ème considérant de la directive communautaire 97/7). Aussi continue – t’il « il convient de prévoir un droit de rétractation » et « pour que ce droit ne reste pas de pure forme, les éventuels frais supportes par le consommateur lorsqu’il exerce son droit de rétractation doivent être limites aux frais directs de renvoi des marchandises » .  Cette solution est reprise à l’article 6 de la Directive. La CJUE dans son arrêt du 15 avril 2010 a pu préciser ce qui doit être entendu par «frais directs de renvoi des marchandises».
Le contentieux concerne une société de droit allemand spécialisée dans la vente à distance et une association de consommateurs également de droit allemand. Les conditions générales de vente prévoyaient que le consommateur devait supporter, à titre de frais d’expédition, un forfait de 4,95 euros, la somme restant acquise en cas de rétractation. L’association de consommateur a engagé une action en cessation visant à obtenir que cette dernière renonce à imputer au consommateur, en cas de rétractation, les frais d’expédition des marchandises. La juridiction de première instance a fait droit à la demande. L’appel de la société est rejeté. Un recours en révision est porté devant la Cour fédéral de Justice ( Bundesgerichtshof) qui constate que, de manière explicite, le droit allemand ne confère a l’acheteur aucun droit au remboursement des frais d’expédition de la marchandise commandée mais va considérer que « si la directive 97/7 devait être analysée comme s’opposant à l’imputation des frais d’expédition des marchandises au consommateur en cas de rétractation de ce dernier, les dispositions pertinentes du BGB (code civil allemand) devraient être interprétées d’une manière conforme à cette directive, en ce sens que le fournisseur serait alors tenu de rembourser au consommateur de tels frais. » La juridiction de renvoi, incertaine quand à l’interprétation des dispositions du droit communautaire pose à la CJUE une question préjudicielle sur la compatibilité de la loi allemande à l’article 6 de la Directive 97/7, c’est-à-dire de la possibilité d’imputer les frais de livraison du vendeur sur les sommes à restituer au consommateur.
Pour la Cour, en ce qui concerne les restitutions  par le vendeur, la Directive « vise l’ensemble des sommes versées par le consommateur au fournisseur ». L’imputation de frais sur ces sommes ne peut concerner « que les frais directs de renvoi des marchandises ». L’imputation des frais de livraisons aurait un effet dissuasif sur le consommateur en ce qui concerne son droit de rétractation. Ainsi, ce droit resterait « de pure forme ».
La Cour ajoute qu’ « une telle imputation serait de nature à remettre en cause une répartition équilibrée des risques entre les parties dans les contrats conclus a distance, en faisant supporter au consommateur l’ensemble des charges liées au transport des marchandises. » . Peu importe, continue la cour que le consommateur ait été préalablement informé de ces frais.
La Cour conclue donc que le droit communautaire « s’oppose a une réglementation nationale qui permet au fournisseur, dans un contrat conclu a distance, d’imputer les frais d’expédition des marchandises au consommateur dans le cas ou ce dernier exerce son droit de rétractation »
Cet arrêt confirme la vigilance communautaire en matière de protection des consommateurs. Elle confirme ainsi la vision restrictive concernant les frais que le vendeur peut mettre à la charge de l’acheteur qui se rétracte. Elle avait déjà jugé en 2009 que « Le vendeur ne peut réclamer au consommateur une indemnité compensatrice pour l’utilisation d’un bien acquis par un contrat à distance en cas d’exercice du  droit de rétraction» sauf utilisation anormale du bien.
Par ailleurs, la CJUE fait une application au droit de la consommation du caractère prééminent du droit communautaire même en ce qui concerne la marge de manœuvre accordée aux Etats membres en ce qui concerne l’introduction dans la législation nationale. Cette marge de manœuvre doit se faire dans le respect du droit communautaire. Il n’est pas possible de limiter un droit accordé par le droit communautaire comme c’était le cas de la législation en matière de droit de rétractation.
Le droit français semble conforme à cette analyse, l’article L121-20 du code de la consommation disposant « Le consommateur dispose d’un délai de sept jours francs pour exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités, à l’exception, le cas échéant, des frais de retour. » L’article L121-20-1 tel qu’issu de la  Loi.  no 2008-3 du 3 janv. 2008 complète l’article précédant : « Lorsque le droit de rétractation est exercé, le professionnel est tenu de rembourser le consommateur de la totalité des sommes versées, dans les meilleurs délais et au plus tard dans les trente jours suivant la date à laquelle ce droit a été exercé.»

Que les professionnels de la vente à distance le sachent, aucun autre frais que ceux de retour ne peut être mis à la charge de leur acheteur, quelque soit le montant ou les justifications de quelque sorte que ce soit.

A propos de Sébastien LEROY