Il n’y a encore que quelques années, l’évocation d’un drone aérien ne renvoyait qu’à l’idée d’un engin militaire doté d’une technologie de pointe très coûteuse. Fin 2014, le drone est devenu un objet très accessible et convoité tant par le grand public pour ses loisirs, que par des entreprises qui espèrent en faire un outil innovant.
Le succès indéniable de ces petits aéronefs télécommandés implique cependant quelques changements dans l’occupation de l’espace aérien, déjà très réglementé.

mini drone
Source : http://blog.parrot.com/2014/01/07/parrot-minidrone-voler-et-rouler-du-sol-au-plafond/


Le succès grandissant des drones grand public
Les fêtes de fin d’année ont montré qu’il n’est plus possible de nier le succès des drones grand public : une très grande quantité de ces petits engins a en effet été écoulée à l’occasion de noël, ce qui dénote un engouement certain à leur égard.
Ceci peut s’expliquer par la simplicité d’utilisation de l’appareil, souvent contrôlable via une application installée sur un simple Smartphone, mais aussi par la présence sur de nombreux modèles d’une caméra numérique ou d’un support permettant d’en fixer ou de prendre des images du vol, ou même de piloter l’engin en vue subjective.
On remarque en effet sur Youtube la présence de très nombreux vidéos amateurs filmés depuis les airs, ce qui permet de prendre des images sous un angle inédit.
Bien évidemment, le succès de ce type de produit n’est pas non plus étranger à leur accessibilité. L’offre pléthorique de fabricants propose des drones de toutes tailles, dans une fourchette de prix allant de quelques dizaines d’euros à plusieurs centaines pour les modèles les plus avancés.
Le public visé est tout aussi large, puisque ces produits sont vendus pour tous les âges, comme jouets ou bien comme gadgets de pointe.
L’intérêt de grandes entreprises vis à vis des drones
Parallèlement aux drones de loisir grand public, certaines entreprises telles que DHL, Amazon, et même La Poste ont annoncé leur projet de développer des solutions d’acheminement de courriers et colis par l’intermédiaire de drones.
Si ces projets n’en sont qu’au stade expérimental et sont restreint dans leur application qu’à des zones isolées, il est intéressant d’observer que le drone présente un potentiel économique certain aux yeux de ces entreprises.
Bien entendu, les engins utilisés pour remplir ces tâches se conforment à un cahier des charges rigoureux, et n’ont donc pas grand chose en commun avec les drones grand public.
Lourds de plusieurs kilos, les aéronefs doivent en effet pouvoir transporter des charges conséquentes sur la plus longue distance possible.
Ces drones sont de plus pilotés par un système automatisé, bien qu’il soit possible pour un opérateur humain de reprendre le contrôle à distance en cas de problème.
A titre d’exemple, le « Paketkopter » de DHL pourra livrer des colis de 1,2 kg à 12km de distance. Le « Geodrone » de La Poste peut quant à lui parcourir 20 km et transporter une charge de 4kg. Le géant Amazon prévoit quant à lui une flotte de « Amazon Prime Air », capables de couvrir 16 km avec une charge utile de 2,3 kg. Et que dire de Google, qui compte s’insérer dans ce marché avec ses « Google Wings », un drone lourd de 8,5 kg ayant une envergure de 1m50…
drone dhl
Source : http://rt.com/news/190432-dhl-drones-parcel-delivery-germany/

Le problème de l’occupation de l’espace aérien par les drones
Si pour l’heure le ciel n’est occupé à basse altitude que par une poignée d’ amateurs d’aéromodélisme traditionnel, et peut-être par quelques drones de loisir, il faut s’imaginer ce que donneraient plusieurs dizaines ou même centaines de drones circulant au dessus de zones plus ou moins densément peuplées.
Le scénario semble aujourd’hui farfelu, mais en se projetant dans un avenir proche où les drones de livraison de plusieurs entreprises côtoieraient des drones de loisir ainsi que ceux des pouvoirs publics, le risque d’accident aérien serait nécessairement plus conséquent.
Ceci d’autant plus que le pilotage des appareils serait automatisé et ne laisserait que peu de place à l’intervention humaine.
La question qui se pose est donc de savoir si les autorités anticipent dès à présent ces éventualités.
En ce qui concerne les drones civils, la DGAC (Direction Générale de l’Aviation Civile) a élaboré un cadre réglementaire supposé laisser la place aux évolutions futures.
Ce cadre émane de deux arrêtés du 11 décembre 2012, l’un relatif aux conditions d’insertion dans l’espace aérien, l’autre relatif à la conception, aux conditions d’utilisation et aux capacités requises pour les télé-pilotes.
De ces deux textes, il faut retenir que deux régimes distincts s’appliquent selon l’utilisation qui est faite du drone. On trouve en effet un régime spécifique aux drones de loisir, et un autre bien plus contraignant pour l’usage professionnel des aéronefs télé-pilotés.
Dans ce dernier cas, il est prévu notamment l’assujettissement de l’activité à des autorisations administratives ainsi qu’une déclaration par le télé-pilote des mesures prises pour garantir au mieux la sécurité des biens et personnes au sol et en l’air.
Dans les deux cas, certaines règles de base doivent toutefois être respectées: Le drone ne doit pas voler à une altitude supérieure à 150 mètres, ni survoler des zones peuplées, les aérodromes et les espace aériens spécifiquement réglementés (tels que des centrales électriques, des terrains militaires, etc.).
En cas de non respect de ces règles, des poursuites pénales peuvent être engagées. La sanction est prévue au Code des transports et peut monter jusqu’à 75 000 euros d’amende et un an d’emprisonnement.
Les deux arrêtés de 2012 n’ont en réalité fait que compléter le cadre réglementaire déjà en vigueur à propos de l’aéromodélisme. Les innovations tiennent surtout en la reconnaissance d’un usage professionnel ou expérimental du drone, jusque-là cantonné au simple loisir.
Une consultation publique est cependant toujours en cours pour mettre à jour ces deux arrêtés, deux ans à peine après leur entrée en vigueur. Parmi les améliorations prévues, on trouve notamment la prise en compte des dispositifs de vol automatisés, la précision de la notion de télé-pilote, et la clarification des différentes activités pouvant être effectuées avec un drone.
drone
Source : http://carte.f-aero.fr/carte-aero-v2/

Une réglementation contrainte par le progrès
Il est intéressant d’observer que la réglementation, initialement prévue pour encadrer l’activité d’une poignée d’amateurs d’aéromodélisme, est en train de se métamorphoser de plus en plus rapidement afin de s’adapter aux nouveaux usages des drones, encore incertains.
A l’instar des règles de circulation à l’époque de la démocratisation de l’automobile, les règles en matière d’aéronefs légers télé-pilotés sont en train d’évoluer de manière empirique. Elles anticipent difficilement ce que réserve la diffusion de cette technologie au grand public, et doivent être réadaptées régulièrement.
On observe ainsi une course entre le progrès et la réglementation, récurrente à chaque innovation technique. L’innovation pose en effet sans cesse de nouvelles questions, qu’elles soient éthiques, sociales, ou juridiques.
A titre d’exemple, l’arrivée de caméras numériques haute définition sur les drones de loisir oblige la DGAC à prendre des mesures pour garantir le respect de la vie privée.
Qui aurait pensé, il y a encore une dizaine d’années, qu’un vulgaire avion télécommandé pourrait un jour faire le bonheur des paparazzis du dimanche, et devenir le cauchemar des après-midi farniente au soleil ?
 

Nicolas Babelon
Étudiant du Master 2 Droit et Gestion de l’économie numérique de l’Université de Strasbourg, je tâche de prendre la mesure d’un monde transformé par la grande révolution technologique que sont les TIC. Nouvelles techniques, nouveaux modèles économiques, nouveaux enjeux politiques et stratégiques, le numérique est en passe de devenir la locomotive à laquelle s’accrocheront les wagons de notre société contemporaine…

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