La Commission européenne vient à peine de publier un rapport visant à instaurer une taxe sur les GAFA que ses membres vont encore plus loin dans leur offensive contre ces géants du numérique.  En effet, la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Verstager, envisage une solution à la fois controversée et inédite à l’échelle de l’Union  européenne pour faire face au pouvoir toujours plus grand des GAFA : leurs démantèlements. Une déclaration qui apparaît comme un tournant de la relation entre l’UE et les mastodontes du web.
Depuis son entrée en fonction en novembre 2014, la Commissaire européenne à la concurrence n’a eu de cesse de faire respecter les grands principes du marché unique européen. Après avoir obtenu la condamnation pour abus de position dominante de Google en raison du favoritisme de son comparateur de prix sur son moteur de recherche, l’ancienne ministre de l’économie du Danemark déclare que le démantèlement de la firme de Mountain View serait un scénario envisageable. Une menace qui s’ajoute à une longue liste de mesures prises par l’Union européenne à l’encontre des GAFA. L’une d’elle sur le point d’entrer en vigueur prochainement est  le règlement général de protection des données (RGPD). Devenu un débat majeur ces dernières semaines avec le scandale lié à Facebook et Cambridge Analytica, la protection des données personnelles est consacrée par le RGPD qui se veut comme le texte de référence en la matière. Si ce règlement s’applique à l’ensemble des sociétés qui traitent des données liées à des résidents européens, il constitue un véritable pied de nez à certains GAFA qui ont pu avoir une gestion parfois laborieuses de millions de données qu’elles disposent au regard des multiples scandales les touchant. En attaquant de front les GAFA sur le plan de la fiscalité, de la libre concurrence,  et de la protection des consommateurs, l’Union européenne est à un tournant de sa relation tumultueuse avec les géants du numérique mondial. Car en se constituant un écosystème basé sur des standards élevés auxquels ces mastodontes n’ont pas eu à se soumettre auparavant, l’Union européenne se dote d’un cadre éthique adapté aux aspirations et aux craintes de plus en plus grandissantes des individus à l’égard des puissances numériques.  Une voie européenne « préparant le terrain pour un accueil favorable de la technologie (…) dans le monde » a d’ailleurs expliqué le président français dans une interview accordée au magazine Wired. Néanmoins, cette volonté de voir une technologie éthique aux couleurs de l’Europe ne se fera pas sans un « New Deal » européen d’envergure pour concurrencer la puissance financière des GAFA et BATX chinois (Baidu, Alibab, Tencent, Xiaomi). Un constat qui relance l’éternel débat sur une plus grande intégration européenne des questions économiques et politiques. Sans un réel marché unifié réglementairement avec des moyens financiers conséquents, l’Union européenne risque de manquer cette opportunité d’être un géant du numérique transparent et garant des libertés les plus fondamentales.

A propos de Pierre VEYRET