Files d’attente interminables, queues à n’en plus finir. On a trouvé la solution ! Nombreuses sont les entreprises à avoir remarqué que l’attente démesurée pouvait faire fuir les clients. Face aux perspectives de profits, elles se sont donc engouffrées dans un marché de la priorité, et cela en utilisant un outil de taille : les applications.

  • Les pars d’attractions : précurseurs dans la gestion de l’attente

Dès 1999, Disney avait inventé le FastPass, consistant à proposer à ses clients de réserver une tranche horaire pour accéder plus rapidement à une attraction ou un manège. Le FastPass VIP va encore plus loin et dispense les visiteurs de faire la queue à toutes les attractions (prix : 60 euros).

  • Le business des marchands du temps

Plus d’une personne sur deux utilise son smartphone dans les queues. Il nous permet de patienter et surtout de gérer notre attente.
Il est possible d’être servi avant les autres aux restaurants grâce à Clikeat ou Lunchr, chez le boulanger, avec Rapidle où le consommateur passe une commande depuis son appli puis vient retirer ses produits en boutique. Plus récemment, les hypermarchés ont rejoint le mouvement. Carrefour, Casino et Auchan réservent certaines caisses aux utilisateurs de l’application JeFile.
L’application « Minut’Pass », créée par la start-up Weexup et expérimentée par Carrefour, permet de prendre rendez-vous, s’insérer dans une file d’attente à distance, avec un suivi en temps réel, et ainsi profiter de leur temps libre. Le groupe souhaite l’étendre aux salons de coiffure, administrations et bureaux de poste ; où notre patience est mise à rude épreuve.
Certains surfent sur cette mine d’or : comme EasyJet qui propose son Speedy Boarding pour embarquer en priorité (via un abonnement 229 €) ou Ikea qui propose de réserver un vendeur personnel (prix : 49 euros). Aux Etats-Unis, Robert Samuel et son entreprise, Same Ole Line Dudes, propose depuis 2013 de prendre votre place dans les files d’attente de New York. Que ce soit pour un iPhone ou les dernières chaussures Manolo Blahnik, il fera la queue à votre place ; à condition d’y mettre le prix. Pour d’autres, pas besoin de payer, Samsung privilégie les clients qui lui font le plus de publicité.
Strasbourg a récemment testé « Affluence », l’appli qui permet de connaître le taux d’occupation et le temps d’attente des restaurants universitaires, bien souvent trop remplies. Avec le soutien du Crous de Strasbourg, la start-up vise à élargir ce dispositif à tous les restaurants universitaires de France.

  • C’est immoral de dépasser ?

Selon Richard Larson, qui étudie la psychologie des files d’attente au Massachussetts Institute of Technology (MIT), ces « passe-droit numériques » seraient bien acceptés par ceux qui se font dépasser ; à condition, que cela se fasse dans la discrétion. A défaut, bonjour les regards noirs.
Sommes-nous en train de créer de nouvelles ségrégations et inégalités ? Le fonctionnement des hôpitaux de Pékin en est un exemple alarmant : face aux interminables queues, des tickets de consultation donnant un accès à un médecin font l’objet d’un marché noir qui revient à exclure les plus pauvres.
Ce business du temps illustre les traits de notre société ultra-productive et ultra-consommatrice pour qui faire la queue est un gaspillage impardonnable de notre temps.

A propos de Camille MINEUR