La prise en compte de tous les éléments entourant une affaire, y compris les cas d’espèce, modifie la manière de pratiquer le droit (Voir : Partie 1). La technologie permettrait de supprimer les imperfections du droit en trouvant dans l’efficacité une nouvelle légitimité qui lui permettrait de se passer de la souveraineté du juge.
Remise en cause du système traditionnel
L’essor de ces technologies modifie les fondements du droit où la connaissance du juriste ne sera plus une qualité première mais où il se transformera en stratège devant s’appuyer sur les nouvelles technologies afin de négocier en amont et éviter le passage devant le juge. La justice prédictive est déjà présente et les legaltech tendent à devenir le nouveau modèle de justice.
Une modification essentielle de la profession juridique
Alors que le droit a pour fonction de dicter à la fois des règles précises et des règles plus générales laissant une marge d’interprétation en faveur des justiciables, les legaltech vont fournir un savoir de plus en plus important. En raison de la présence de ces informations, les avocats se verront conférer une nouvelle obligation professionnelle d’information utilisant ces technologies.
De plus, la justice prédictive permettrait d’attribuer à la transaction une place de choix, notamment en cas de pronostic défavorable. Ainsi, le rôle de l’avocat se transformerait pour en faire un stratège recherchant un accord amiable en raison de la prédiction des jugements.
Par le même effet, en se fiant à une décision qui n’aura jamais lieu, le conflit sera traité directement entre les parties et les institutions ne seront plus consultées.
Un risque de pression sur les jugements
Le juge, pourrait, par peur de la critique, se laisser guider par l’algorithme et ainsi se dédouaner de sa responsabilité en se retranchant derrière la prédiction. Distrait par cette solution servie sur un plateau, il pourrait laisser de côté son expérience et son intuition pour suivre ce que prédisent les legaltech. Le danger va au-delà de l’enjeu de l’impartialité du juge, car cela pourrait pousser au conformisme et à l’uniformisation des pratiques.
De plus, si l’algorithme ne prévoit pas un type de solution, un avocat voulant plaider en ce sens aura du mal à se faire entendre et créer une jurisprudence alternative.
Le juge conserve cependant sa capacité à aller dans le sens « conseillé » par l’algorithme ou à prendre le contre-pied de la proposition.
Une norme stigmatisée
Les algorithmes peuvent renforcer les préjugés sociaux qui existent déjà en raison de critères discriminatoires tels que la nationalité, la situation familiale, la richesse, l’emploi, où des différences de jugement existent déjà. L’algorithme ne fera pas la différence : un fait est un fait. Si les récidivistes sont punis plus sévèrement, cela entrera dans sa base de données et deviendra la norme de la justice prédictive, il en ira de même pour d’autres critères discriminatoires.
Les bases de données des legaltech seront constituées des décisions humaines et de toutes les différences qu’elles contiennent, elles vont les renforcer et les conserver sans qu’elles n’aient de légitimité.
Vers une transparence des systèmes utilisés
Afin d’augmenter la confiance dans la justice prédictive, les algorithmes devront être rendus publics afin de pouvoir comprendre d’où viennent les prédictions et vérifier par quels moyens la machine déduit la solution d’un litige. Il faudrait pouvoir comparer les résultats obtenus par plusieurs méthodes de calcul et conserver les grands principes de la justice, notamment le contradictoire.

A propos de Aline DOUARD