Suite à un rapport  présenté par la parlementaire luxembourgeoise Mady Delvaux, le Parlement européen a adopté une résolution le 16 février 2017, appelant la Commission européenne  à proposer une directive sur les règles de droit civil applicables  à la robotique et à l’intelligence artificielle. 
Au-delà de la prouesse scientifique et technologique, le texte du Parlement soulève les questions éthiques et juridiques afin d’anticiper les bouleversements que les robots, toujours  plus présents dans notre quotidien, vont provoquer sur la société.

La concrétisation des lois d’Asimov 

Dès 1942, l’écrivain de science-fiction Isaac Asimov  a édifié un code de conduite  intitulé  « les trois lois de la robotique »  que les robots devaient respecter dans ses œuvres :

  1. Un robot ne doit pas porter atteinte à un être humain,
  2. Un robot doit obéir aux ordres sauf si cela contrevient à la première règle
  3. Un robot doit se protéger soi-même, sauf si cela contrevient aux deux premières règles

Soixante-quinze ans plus tard, les auteurs du rapport estiment que ces lois doivent s’imposer aux créateurs et utilisateurs de robots, dotés d’intelligence artificielle de plus en plus puissante et complexe.
Le rapport soulève de nombreuses questions :  à qui incombe la responsabilité en cas d’accident provoqué par un robot ? Quelles seront les répercussions sur l’emploi ? Une taxation s’impose-t-elle ? L’apposition d’un « un bouton d’arrêt d’urgence » s’avère-t-elle nécessaire ?

Une personnalité électronique ?

La responsabilité juridique des robots est évoquée au travers du cas des voitures autonomes. Pour le moment, les robots sont souvent considérés comme un simple outil mais  les progrès de l’intelligence artificielle changent la donne.
Si une voiture autonome provoque un accident,  qui est responsable ?  Le passager ? Le constructeur automobile ? Le développeur de l’algorithme ? En cas de dommage, quelles parties doivent être mises à contribution ?
Le texte propose l’instauration d’une assurance obligatoire pour les robots les plus élaborés.  Les auteurs estiment envisageable « de conférer aux robots une « personnalité électronique » limitée, au moins pour les cas où une compensation est nécessaire. […] serait considérée comme une personne électronique tout robot qui prend des décisions autonomes ou qui interagit de manière indépendante avec des tiers. ». La personne électronique pour les robots équivaudrait donc à la notion de personne morale pour les entreprises.

La taxation des robots pour financer le revenu universel

Ce point était au cœur d’un débat très houleux.  D’après de nombreux experts, les robots vont certainement détruire plus d’emplois qu’ils n’en créeront et vont donc modifier en profondeur le marché du travail. L’idée serait donc de créer un impôt sur le travail réalisé par des robots  afin de financer l’introduction d’un revenu universel de base  et un changement des systèmes de sécurité sociale.  « Si de nombreuses personnes perdent leur emploi à cause des robots, il faudra leur assurer  une vie décente. Nous invitons les États membres à y réfléchir », précise Mady Delvaux.
Malheureusement, le texte finalement adopté ne retient que la potentielle modification du marché du travail, sans tenir compte des conséquences négatives sur ce dernier et élude l’instauration d’un revenu universel.

Un encadrement éthique

Afin de surveiller et d’encadrer  le développement de ces technologies, le rapport demande à la Commission européenne de créer une « agence européenne pour la robotique et l’intelligence artificielle ». Cette dernière serait chargée d’immatriculer les robots intelligents, de mettre en place des boîtes noires (notamment pour les voitures autonomes), etc.
Le rapport propose également la mise en place d’un « code de conduite éthique  » pour les chercheurs et concepteurs d’intelligence artificielle. Le but est d’apporter des garanties sur différents principes tels que le respect de la dignité et de l’autonomie humaine, la transparence et l’accès à l’information, ainsi que la protection de la vie privée vis-à-vis des informations collectées par les robots.  Il est également important de garder le contrôle sur les robots en s’assurant de la réversibilité des actions programmées grâce à un bouton d’arrêt d’urgence par exemple.

Il est bon de rappeler que ces recommandations émanant du Parlement européen ne seront pas obligatoirement transposées sous forme d’une directive par la Commission. En cas de refus, cette dernière devra motiver sa décision. Néanmoins, les parlementaires sont confiants car la Commission est toujours très attentive aux travaux du Parlement.  D’autant plus qu’au vu de la rapidité du développement des technologies, il faudra être très réactif si l’on souhaite qu’une directive voit le jour avant la commercialisation des premières voitures autonomes.
 

A propos de Chloé MAIRE