Le Conseil d’Etat a statué en référé le 12 août 2016 pour se prononcer sur le sort des données contenues dans un téléphone portable saisi lors d’une perquisition administrative. Il a ainsi autorisé l’exploitation de ces données personnelles sur le fondement de la loi du 21 juillet 2016 prolongeant pour la quatrième fois l’état d’urgence.
L’état d’urgence est un socle propice à la mise en place de mesures exceptionnelles. Ce régime datant du 3 avril 1955 ne s’occupait pas du sort des données informatiques.
La protection des données personnelles
La loi du 3 avril 1955 autorise la saisie de données personnelles recueillies au cours des perquisitions ordonnées dans le cadre de l’état d’urgence mais le Conseil constitutionnel avait partiellement censuré cette disposition. Il s’agit du droit à la vie privée.
Lors d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée le 19 février 2016, il a été convenu que l’exploitation de ces données, assimilée à une saisie, doit être préalablement autorisée par un juge dans un souci de conciliation entre la sauvegarde de l’ordre public et le droit au respect de la vie privée. Il est important de trouver un équilibre entre les entraves aux libertés et la sécurité publique.
Conséquences de la QPC 
Les données déjà recueillies doivent être détruites par les services de police. Par conséquent, il sera impossible d’exploiter les données informatiques recueillies, ce qui vide de sens la perquisition.
Les perquisitions assorties de saisies informatiques ont alors été abandonnées lors de la deuxième prorogation de l’état d’urgence mais la quatrième prorogation intègre la possibilité de saisie du matériel ou des données informatiques sur les lieux perquisitionnés. Les garanties préconisées par le Conseil constitutionnel ont cependant été intégrées afin d’éviter une éventuelle censure.
Ainsi, il est prévu que les données saisies soient conservées par le chef de service ayant procédé à la perquisition et que nul n’y a accès avant l’autorisation du juge. Les garanties sont renforcées par le contrôle du juge administratif.
Un régime d’exception
L’état d’urgence reste un régime d’exception, peu importe le nombre de renouvellements, il permet de mettre en place plus facilement des mesures pouvant restreindre les libertés pour faire prévaloir l’urgence à rétablir la sécurité.
Selon le professeur Denis Baranger, l’état d’urgence ne porte pas atteinte aux libertés fondamentales mais les mesures d’applications prises peuvent le faire. Il est vrai que lorsqu’on regarde les mesures entreprises, beaucoup d’entraves peuvent être relevées : liberté d’aller et venir, inviolabilité du domicile, liberté de réunion et d’expression, droit au respect de la vie privée…
Les libertés plient mais ne rompent pas
L’état d’urgence donne un rôle prépondérant aux juges puisque la restriction du droit à la vie privée est toujours tempérée par le contrôle des juges administratifs et constitutionnels concernant l’exploitation des données informatiques recueillies.
Les difficultés du contrôle du juge
L’exploitation de ces données est souvent autorisée même sans aucune constatation d’infraction lors de la perquisition.
Il persiste en effet une difficulté d’un ordre différent : le pouvoir juridictionnel rechigne à aller à l’encontre de l’opinion publique et du pouvoir politique. Il subit une pression en raison du contexte actuel. Le juge aura alors tendance à se tourner vers la solution la plus répressive afin d’éviter de prendre une mauvaise décision.
Il faudrait s’interroger sur l’utilité même de l’état d’urgence qui reste une réponse émotionnelle face à une situation de crise propice au vote de textes d’exception. Pour rappel, l’état d’urgence a été déclaré le 14 novembre 2015.

A propos de Aline DOUARD