La Chine souffre depuis son industrialisation à marche forcée d’une réputation sulfureuse en matière de contrefaçon. Les Ateliers chinois ont permis aux vendeurs malhonnêtes de déverser sur le monde entier des produits estampillés frauduleusement aux noms de grandes marques.
Encore aujourd’hui la contrefaçon représenterait entre 15 et 30% de l’ensemble de l’activité industrielle de la Chine, et près de 67% des produits contrefaits à l’échelle mondiale proviendraient à l’origine du territoire chinois, selon une estimation réalisée par l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) datant d’avril 2013.
Le gouvernement chinois a pourtant dû prendre des mesures dans le sens d’une protection des droits de propriété intellectuelle, notamment dans le cadre de son adhésion à l’OMC en novembre 2001. Le droit chinois de la propriété industrielle (englobant le droit des marques et des brevets) a dû être entièrement refondu sur la base de critères beaucoup plus exigeants pour répondre aux critères des accords ADPIC (accords sur les aspects des Droits de Propriété Intellectuelle touchant au Commerce) que l’OMC a imposés à ces membres depuis 1996.
En effet, l’existence d’une protection des marques est une des conditions essentielle du maintien d’un système de concurrence non-faussée voulu par l’OMC.
Ce durcissement des règles chinoises en matière de propriété intellectuelle ne doit cependant pas être vu comme une garantie de la protection des marques étrangères en Chine. De nombreux problèmes demeurent, qui sont liés autant à l’attitude des autorités chinoises qu’au fonctionnement de la propriété intellectuelle elle-même.
 
KHZ - KFZ
 

Comment protéger efficacement sa marque en Chine?

L’anticipation et la connaissance des particularités du droit des marques chinois seront les outils privilégiés des titulaires de marques étrangères pour se protéger efficacement de la contrefaçon. Trois points doivent particulièrement attirer l’attention des entreprises souhaitant protéger leur marque sur le territoire chinois :
1) Déposer sa marque à l’office chinois des marques.
L’une des erreurs communément commises par les titulaires de marques est, pour une question de praticité, de se contenter d’un dépôt international de leur marque auprès de l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle). En théorie, ce dépôt couteux équivaut à la protection offerte par un dépôt national dans tous les Etats partis à cette organisation, dont la Chine. Mais en réalité, les choses se passent différemment, comme le souligne Romain Golzio-Casa, Conseil en Propriété Intellectuelle[1] :
« Dans la pratique, les autorités administratives et douanières chinoises solliciteront, de la part d’un titulaire de droit, un certificat d’enregistrement émis par l’Office des Marques en Chine en bonne et due forme, avant d’agir à l’encontre d’un contrefacteur, qu’il s’agisse d’une personne, d’une société ou encore d’un site web.
Un tel certificat n’est pas émis à l’issue de l’examen aboutissant sur l’enregistrement d’une marque internationale désignant la Chine, l’OMPI n’émettant qu’une simple déclaration d’octroi de protection. Le plus souvent, un tel document ne suffira pas à obtenir de réaction de la part des autorités chinoises.
Ainsi, sur des sites Internet comme la plateforme TaoBao, le dépôt d’une plainte pour contrefaçon est conditionné à l’existence d’un certificat d’enregistrement de marque en Chine. Dès lors, le titulaire d’une marque ne disposant pas d’un tel document afin de faire reconnaître ses droits en Chine, ne pourra pas obtenir la clôture de magasins virtuels tenus par des citoyens chinois se livrant quotidiennement à des actes de contrefaçon.
Certes, l’OMPI prévoit une procédure permettant l’obtention d’un certificat démontrant l’effectivité de la protection en Chine, mais ce document n’est généralement transmis au titulaire qu’entre trois et cinq mois après sa demande. Ce délai, relativement long lorsque l’on est confronté à la commercialisation de contrefaçons, représente un manque à gagner difficilement calculable au profit du titulaire ».
Il sera donc essentiel pour les entreprises étrangères souhaitant distribuer leurs marchandises sur le territoire chinois de s’adresser directement à l’office chinois des marques pour déposer leur marque et s’assurer une protection effective.
 
2) Effectuer le dépôt le plus rapidement possible
Le droit des marques, comme tous les droits de propriété intellectuelle, est un droit d’occupation, appliquant la politique du « premier arrivé, premier servi ». Autrement dit, la première personne qui se présente à l’office pour déposer une marque en sera le titulaire, légitime ou pas.  On comprend alors l’urgence qu’il y a déposé une marque préalablement à sa mise sur le marché.
Evidemment, ce type de dépôt factice est illégal et il est possible de déposer un recours contre cette usurpation. Mais au regard du potentiel manque de coopération des autorités chinoises, il est préférable de prendre les devants, ne serait-ce que pour s’épargner un parcours du combattant administratif nécessaire pour prouver l’illégitimité du dépôt.
D’autant plus que ce « squattage » de marques empêchera l’entreprise voulant s’implanter de commercialiser ses produits qui seront considérés comme des… contrefaçons ! Situation cocasse il faut l’avouer.
Ainsi, si certaines grandes entreprises peuvent prendre la peine de poursuivre les « squatteurs », les vendeurs plus modestes, quand ils ne renoncent pas à pénétrer le marché chinois, se résignent à payer la rançon demandée par les squatteurs pour libérer la marque…
 
3) Prendre en compte les particularités du dépôt de marque en Chine
Une différence importante existe entre le dépôt d’une marque en Chine ou dans la plupart des autre pays : la désignation des produits protégés doit être beaucoup plus précise. Pour faire simple, une marque ne sera protégée que pour les produits ou services désignés au moment de son dépôt. Par exemple pour un dépôt international à l’OMPI (comme pour la plupart des dépôts nationaux), le dépôt d’une marque se fait, par défaut, sur trois classes de la classification issue de l’Arrangement de Nice (qui en compte plus de 40). Ainsi, une marque déposée pour les produits de la classe 25 (vêtement, chaussures et chapellerie) sera protégée pour tous les produits commercialisés correspondant à cette classe, sans limitation, et sans que plus de précisions ne soient exigées.
En Chine, ces catégories de la classification de Nice sont reprises, mais font l’objet d’une subdivision en sous-catégories (il y en a 13 pour la classe 25). De plus, il faudra pour l’entreprise choisir seulement dix sous-catégories par classe (sauf à payer 20€ supplémentaire par sous catégories) pour lesquelles sa marque sera protéger.
C’est notamment pour cela qu’un dépôt de marque international ne sera pas pris en compte par les autorités chinoises qui le jugeront trop vague dans la désignation des produits protégés.
Le passage obligé que représente ce dépôt à l’office chinois des marques apparaît donc particulièrement contraignant pour les entreprises, et notamment pour les PME : il va en effet obliger les entreprises à engager des dépenses supplémentaires en Conseil en Propriété industrielle afin de repenser leur façon de protéger la marque (concernant le choix des sous-catégories), mais également des frais annexes de traduction juridique par le biais d’un juriste chinois.
 
Encore une fois, l’attractivité du marché chinois est mise à l’épreuve par des obstacles culturels et juridiques qui ne manqueront pas de décourager les acteurs étrangers de s’y attaquer. On comprend ainsi l’importance que revêtira l’accompagnement de ces entreprises par des sociétés spécialisées pour les encourager dans cette voie.
 
A noter pour finir que les entreprises chinoises veulent aussi jouer un rôle dans cette guerre contre la contrefaçon : certaines plateformes chinoises souhaitant mettre en avant leur bonne foi sans faire elles-mêmes la chasse aux contrefaçons ont choisi de laisser cette tâche à leurs clients. Ces sites prévoient en effet un espace de « dénonciation en ligne » où les clients peuvent signaler toutes pratiques de contrefaçon constatée sur le site. Cette solution aurait déjà prouvé son efficacité en Chine Xiao Lin Fu – Bourgne, avocate au cabinet Bignon Lebray Avocats[2].
Faut-il encore parier sur la bonne foi des clients. Nombreux sont en effet ceux qui profitent allégrement de ces produits contrefait : en témoigne des conseils retrouver sur des blogs mode conseillant aux lectrices de ne pas faire de commandes dépassant les 45€ pour ne pas payer de frais de douanes et ainsi ne pas attirer leur attention quant au contenu du colis[3].
 
[1] http://www.village-justice.com/articles/Les-avantages-depot-national,17712.html#sFqBwIWDizSE5COX.99
[2] Propos recueillis par Camille Yihua Chen, E-Commerce avec la Chine, p.140
[3] http://www.mybeautyscope.com/2015/03/e-shop-jai-commande-sur-aliexpress-avis.html
 
AntIMGP9119oine CONAN
Etudiant en M2 Droit de l’Economie Numérique à l’Université de Strasbourg.
Passionné par les nouvelles technologies et les problématiques qu’elles engendrent, notamment celles touchant à la propriété intellectuelle et aux données personnelles. Je porte également un vif intérêt à l’actualité web et vidéoludique.
Curieux de tout, je m’intéresse à l’art sous toutes ses formes et pratique la photographie en amateur.
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