La façon dont est pratiqué le commerce en ligne en Chine présente quelques particularités par rapport à l’Occident. La première d’entre elle est la typologie des sites utilisés. Notons que dans cet article, nous aborderons en priorité l’aspect technique et fonctionnel des sites de e-commerce chinois, le reste étant traité dans mon article consacré au marché chinois à proprement parler.
 
Au fil des années, une tendance s’est imprimée en faveur d’un plébiscite des Marketplaces (ou « place de marché » en français) au détriment des sites de vente directe proposant les articles d’un seul vendeur.
C’est donc un système de vente à trois parties qui est privilégié. Le fonctionnement de base est le même que celui de ses homologues occidentaux comme Amazon ou Cdiscount : les vendeurs ouvrent un compte auprès de la plateforme pour y ouvrir une boutique et y proposer leurs produits. Ces produits sont présentés aux cyberacheteurs au travers de fiches produits qui sont particulièrement détaillées en Chine, du fait de la méfiance des consommateurs chinois. L’accès à un produit se fait de plusieurs manières :

  • directement depuis la boutique du vendeur ;
  • en recherchant le produit par rubriques ;
  • en tapant des mots clés dans la barre de recherche présente sur toutes les marketplaces.

Les deux dernières possibilités sont particulièrement appréciées des consommateurs chinois qui passent beaucoup de temps à comparer les offres des différents vendeurs, d’où l’importance de fiches produits les plus détaillées possibles. Ce travail de comparaison est presque devenu une nécessité pour les cyberacheteurs chinois du fait du grand nombre de vendeurs pratiquant « l’achat-revente » ( ces derniers achètent sur la plateforme des produits au prix le plus bas pour les revendre plus cher, en payant la plateforme pour apparaître dans les premiers résultat). Autant dire que dans ce cadre, faire des bonnes affaires se mérite et la concurrence est rude.
 
Concernant le Front Office (partie visible par les clients) des marketplaces, la page d’accueil est toujours riche de contenus (souvent promotionnels), foisonnants et très colorés. Cela peut même apparaître fouilli d’un point de vue occidental. On constate très vite que l’on trouve une impressionnante variété de produits sur les Marketplace, des biens culturels au high-tech, des produits cosmétiques aux biscuits chocolatés, en passant par les meubles et les vêtements pour chien.
Cette présentation et ce fonctionnement sont communs aux deux marketplaces dominantes que sont Tmall (groupe Alibaba) et JD.com.
 
Front page du site JD.com

Image : Exemple de page d’accueil de la marketplace JD.com

 
Une fois les produits choisis, les cyberacheteurs chinois les ajoutent à leur panier virtuel et passent à la phase de paiement. Le Paiement en ligne est très développé en Chine, et de nombreux systèmes se sont développés, souvent propres à chaque plateforme : TenPay pour les sites de Tencent, et AliPay pour les sites d’Alibaba sont les plus courants. On retrouve aussi WeChat Pay, qui permet de payer directement depuis le réseau social.
Le fonctionnement de ces moyens de payement s’apparente à PayPal, puisque le client crédite un compte avec son argent qu’il peut ensuite utiliser pour payer en ligne en un clic. Le fait que ces systèmes soient entrés très rapidement dans les habitudes des internautes chinois a joué un rôle important dans le développement fulgurant du e-commerce puisqu’il facilite grandement le processus d’achat et rassure les clients qui n’ont pas à communiquer directement leurs identifiants bancaires.
Cette facilitation des paiements a aussi été un des moteurs de la tendance prédominante du e-commerce chinois : le développement du m-commerce.
 

M-Commerce

Comme le constate Zhang Xinhong, en Chine « de plus en plus de personnes ne peuvent plus vivre ni travailler sans leur téléphone mobile[1] ». Les usages mobiles ont en effet explosé en Chine ces dernières années. Aujourd’hui, 620 millions de Chinois sont abonnés à l’Internet mobile, avec une augmentation du nombre de mobinautes de 19,5% par an. A ce rythme, il y aura plus de mobinautes que d’internautes en Chine dès 2017 ; d’autant plus que le plan de déploiement du réseau 4G prévoit que 80% de l’immense territoire chinois sera couvert d’ici 2018. Chaque mobinaute représentant un m-acheteur potentiel, les opportunités sont énormes pour les e-commerçants qui ont tout intérêt à développer des applications dédiées, ou au minimum des sites en responsive design.
M-commerce
Pour rappel, le nombre de m-acheteurs chinois atteignait déjà les 236 millions en 2014, contre seulement 23 millions en 2011[2] et 2/3 des ventes e-commerce en Chine au dernier quadrimestre de 2015 ont été réalisées à partir d’un appareil mobile[3]. Ces chiffres permettent d’entrevoir la vitesse de pénétration des technologies en Chine, ainsi que la confiance quasi-immédiate que les chinois placent en elles.
 
Cette tendance ne s’explique pas toujours par l’aspect pratique de pouvoir acheter ce que l’on veut où que l’on se trouve. Pour de nombreux chinois, surtout ceux des régions reculées, le mobile est leur seul moyen d’accès à Internet : ainsi, c’est dans les régions du Tibet et de la Mongolie intérieure que la part des achats internet effectués par mobile est la plus importante !
Le défi majeur que tentent déjà de relever les acteurs du e-commerce en Chine est de faire en sorte que le m-commerce ne soit pas une simple transposition du e-commerce classique sur mobile. Ils cherchent à tirer au maximum profit des fonctionnalités propres du mobile pour créer de nouvelles habitudes d’achats : publicité et promotion en scannant des images ou des sons, utilisation de la géolocalisation pour faire des propositions d’achats, etc. Pour eux, le mobile est un moyen de créer une passerelle entre le commerce purement virtuel et le monde physique en faisant du téléphone un accessoire de shopping à part entière.
Déjà, nombreux sont les témoignages de touristes occidentaux surpris de voir des marchands de rue leur proposer de payer sans contact avec leur téléphone via l’application AliPay. Et il ne s’agit là que d’un exemple de l’impressionnante pénétration des usages mobiles en Chine.
Cette dernière remarque permet d’évoquer une tendance du e-commerce chinois faisant l’objet de la plus grande attention des e-commerçants chinois : le commerce O2O, qui sera évoqué dans mon prochain article.
 
[1] Zhang Xinhong, « Situation actuelle et perspectives d’évolution de l’e-commerce en Chine », Centre National de l’Information et des statistiques, 20 mai 2014
[2] Source CNNIC, centre national de l’information sur l’internet.
[3] Analysis International Enfodesk
 
AntIMGP9119oine CONAN
Etudiant en M2 Droit de l’Economie Numérique à l’Université de Strasbourg.
Passionné par les nouvelles technologies et les problématiques qu’elles engendrent, notamment celles touchant à la propriété intellectuelle et aux données personnelles. Je porte également un vif intérêt à l’actualité web et vidéoludique.
Curieux de tout, je m’intéresse à l’art sous toutes ses formes et pratique la photographie en amateur.
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