Transhumanisme, humain amélioré, humain augmenté sont des notions  proches mais différentes qui expliquent comment  le corps de l’homme peut  « muter » avec des organismes d’origine robotique, s’adapter et même évoluer avec eux. Max More, philosophe britannique, définit les transhumanistes comme des penseurs proches des humanismes qui «privilégient la raison, le progrès et les valeurs centrées sur notre bien-être plutôt que sur une autorité religieuse externe. Les transhumanistes étendent l’humanisme en mettant en question les limites humaines par les moyens de la science et de la technologie, combinés avec la pensée critique et créative ». Si le terme de transhumanisme renvoie à une notion philosophique, cette dernière est scientifiquement reliée aux termes d’humain amélioré et d’humain augmenté.
C’est un sujet complexe qui ne se limite pas à un simple développement de la robotique. « L’homme augmenté constitue un vaste champ de recherche sur lequel se cristallisent de nombreux travaux et avancées scientifiques, liés au développement des nouvelles technologies et de la convergence croissante entre les nanotechnologies, les biotechnologies, l’informatique et les sciences cognitives (NBIC) » (Agnès Colin).

https://artzerotrois.wordpress.com/2014/12/23/le-transhumanisme-entre-art-et-technologie/
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L’amélioration de l’être humain par le transhumanisme concerne aussi bien l’état  cognitif que l’aspect physique. Certaines conditions vécues par  l’homme peuvent être jugées indésirables, telles que le handicap, la  maladie,  la mort, etc. La philosophie du transhumanisme consiste à essayer de les changer ou de les remplacer par la science et la technologie. De cette façon, l’être humain se perfectionne.
Comme toute réflexion, le transhumanisme connaît différents courants. Ainsi,  Sophie Félix, doctorat en astrophysique numérique, en définit quelques-uns : l’extropianiste dont l’approche de l’évolution humaine est proactive, l’hédoniste qui cherche à supprimer les maux, le post-genre dont l’objectif est d’établir un être humain sans genre, le singulier, etc[3]. « Du transhumanisme extropianiste (via une approche proactive de l’évolution humaine) au transhumanisme hédoniste (via l’utilisation de la technologie pour supprimer les souffrances chez tous les êtres pensants) en passant par les transhumanismes post-genre (qui cherche l’élimination du genre par les biotechnologies et les technologies de reproduction assistée) ou singulier (qui croit en la possibilité d’une singularité technologique, la création d’une super-intelligence, et en la nécessité d’en assurer l’émergence et la sécurité de façon proactive), la liste est longue. »
Raymond Kurzweil, partisan du transhumanisme et directeur de l’ingénierie chez Google depuis 2012, défend le courant de la singularité technologique. En effet, pour améliorer l’être humain, il faut résoudre des problèmes scientifiques, dont les solutions ne sont pas accessibles par la seule pensée humaine. La singularité technologique passe par la création d’un superordinateur disposant d’une intelligence artificielle aboutie : une machine learning qui est capable de s’améliorer d’elle-même. Ainsi, elle finirait nécessairement par « penser » plus vite que l’homme et ce faisant, elle trouverait des formules permettant de résoudre l’ensemble des interrogations scientifiques qui nous bloquent.
Pour le moment, la question du transhumanisme et de l’humain améliorée passe par deux applications, d’une part dans le cadre de la robotique collaborative et de la chirurgie réparatrice et d’autre part, dans une augmentation des capacités humaines volontaires et indépendantes de problèmes médicaux.

Médecine réparatrice et chirurgie de réhabilitation

Bien que le grand public ne l’assimile pas en tant que tel, une forme de transhumanisme est déjà présente dans la chirurgie réparatrice.  Avec la combinaison de l’impression 3D et de la robotique, les scientifiques sont maintenant en mesure d’adapter individuellement les traitements et la chirurgie réparatrice au patient. Il ne s’agit plus seulement de prélever  du corps les organes malades et de fournir un traitement permettant d’assurer la fonction de ceux manquants ou défaillants mais il est possible désormais d’améliorer leur fonctionnement.
Si ces idées semblent révolutionnaires, leur principe est pourtant déjà appliqué. Finalement, qu’est-ce qu’un pacemaker ? C’est une pile, donc un organisme extérieur, directement implantée dans le corps humain et qui envoie des impulsions électriques au cœur pour le réguler. Cet exemple prouve que nous vivons déjà dans un monde où la technologie et le corps humain peuvent fonctionner ensemble. Le pacemaker est un prémisse de la robotique dans le corps puisqu’il émet des signaux qui interagissent sur l’organisme.  Comme l’écrivait le magazine Sciences et Avenir avec son titre « De l’homme réparé à l’homme augmenté », la médecine réparatrice innove pour fournir aux malades de meilleures conditions de vie. C’est ainsi que  les scientifiques cherchent constamment à repousser les limites de ce qui a été fait. Par leur découverte, ils provoqueront peut-être une révolution des conditions humaines.
Cette technologie évolue constamment.  Les projets développés sont de plus en plus ambitieux et proches de ce que les anciennes générations voyaient comme de la science-fiction. Ainsi, les applications les plus incroyables de cette robotique concernent les cas d’amputation. Depuis plusieurs années, les scientifiques et les ingénieurs se penchent sur le sujet : créer des prothèses robotiques qui remplaceraient des membres valides. Ces prothèses peuvent redonner l’aspect  du vrai corps humain. Cependant, ce ne sont en général  que des objets non articulé. , Dans le cas de membres robotiques articulés, une technologie lourde est nécessaire.  Hugh Herr (ci-contre alchetron.com) , ingénieur et professeur à l’Université de Hugh Herr Alchetron.comBoston, a travaillé sur la question et a apporté des éléments de réponse. Lui-même amputé dans sa jeunesse, il possède deux jambes bioniques reliées à ses genoux et disposant d’une batterie externe attachée.  Elles peuvent se plier et imiter les mouvements basiques des membres. De plus, la batterie soulage le poids des prothèses et permet au corps humain de mieux l’accepter. . Ainsi, Hugh Herr a pu retrouver une part d’autonomie. La technologie qu’il a mise en place lui permet même de refaire de l’escalade.
En allant encore plus loin, certaines prothèses sont capables de bouger grâce à la pensée du patient. Ce sont des prothèses dites myoélèctriques, notamment pour les bras. Il s’agit de prothèses «dont la commande est assurée par des électrodes recueillant les contractions musculaires au niveau supérieur de l’avant-bras ». Les ordres formulés par le cortex moteur sont transmis par voie de signaux électriques au membre bionique qui les exécute.  Le modèle BeBionic de Steeper est un des projets les plus aboutis. Cette main bionique en métal au design épuré possède notamment des moteurs individuels dans chaque doigt, des microprocesseurs puissants, des doigts escamotables et un logiciel spécifique. Il est capable de saisir avec précision des objets, comme un lacet, de changer la position des pouces ou encore l’orientation de la main.
Or, si ces membres bioniques tendent à remplacer des parties du corps humain, certains concepteurs et utilisateurs s’amusent de  leur aspect transhumain. Nice Ackland, possédant un bras BeBionic (« Terminator » selon ses propres propos), montre lors de démonstrations vidéo la capacité rotative de sa main : comme si la main était dans le mauvais sens. Ceci n’est bien sûr pas possible sur un corps humain sain. Autre exemple, la championne paralympique et modèle Aimee Mullins est dotée de jambes bioniques en titane. Elle titrait avec humour une de ses conférences TED « It’s not fair having 12 pairs of legs » (« ce n’est pas juste d’avoir 12 paires de jambes). Lors de cette conférence, elle montrait toute une panoplie de modèles et vantait le fait de pouvoir changer le design de ses jambes à sa convenance sans avoir à se soucier de l’opinion générale. Au-delà de l’acceptation de soi, ces remarques  montrent aussi que les membres robotiques apportent des possibilités que ne peuvent pas fournir des membres organiques.

Transhumanisme : vers l’augmentation des capacités humaines

L’homme augmenté souhaite améliorer ses capacités naturelles en intégrant la technologie à son corps. Cette technologie rassemble quatre notions connues sous l’acronyme NBIC :

  • la nanotechnologie : l’étude et la fabrication de structures à l’échelle des atomes ou des molécules, l’infiniment petit ;
  • la biotechnologie : l’OCDE la définit comme « l’application des principes scientifiques et de l’ingénierie à la transformation de matériaux par des agents biologiques pour produire des biens et services » ;
  • l’informatique ;
  • la science cognitive : elle est vouée à décrire, expliquer, recréer les mécanismes de pensée propres aux êtres vivants ou à tout système complexe de traitement de l’information capable d’acquérir, de conserver, d’utiliser ou de transmettre des connaissances. Le psychologue et ancien professeur à l’université de Princeton George Armitage Miller situe  la science cognitive autour de six disciplines, à savoir la philosophie, la psychologie, la linguistique, l’anthropologie, la neuroscience et l’intelligence artificielle.

Les NBIC sont le véritable enjeu vers l’homme augmenté et vers l’homme amélioré. Le transhumanisme ne vise pas seulement à réparer le corps humain en remplaçant un membre accidenté par exemple. Le transhumanisme a aussi pour ambition de résoudre certains aspects négatifs de la condition humaine en bouleversant les cellules à l’origine de l’être humain. . Avec les NBIC, les scientifiques pourraient modifier les gènes des individus avant même leur développement. De même, l’intelligence artificielle qui appartient à ces NBIC pourrait permettre de trouver des formules pour endiguer les maux que l’homme n’a pas réussi à vaincre. Dans l’imaginaire de certains penseurs, ou utopistes, ces disciplines pourraient même permettre d’échapper à la  mort ou de la retarder. L’évolution de l’homme relèverait d’un darwinisme technologique contrôlé et voulu : vers une hybridation de la personne humaine.
Pour le moment, les scientifiques se penchent déjà sur la modification de l’homme tel qu’il existe. En particulier  dans le domaine de la nanotechnologie, des études sont menées sur la possibilité de mettre des implants dans  le cerveau afin d’améliorer certaines de ses capacités, comme la mémoire. Dans le cadre d’un projet de la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency  « Agence pour les projets de recherche avancée de défense ») en 2014, des personnes sans problèmes  de mémoire ont accepté d’être opérées pour recevoir un implant dans le cerveau. Par la suite, la DARPA souhaite mettre en place le projet « programme de rediffusion RAM » qui permettrait à des individus d’acquérir des connaissances grâce à  une seule puce implantée. Cette neuro-amélioration, selon la terminologie du Comité Consultatif National d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé, pourrait aussi porter sur la production par le corps d’énergie supplémentaire aux moyens de micro-générateurs internes.
« L’homme n’est pas encore prêt à se sectionner volontairement un membre sain pour le remplacer par son équivalent bionique afin d’améliorer ses performances, les scientifiques font donc des recherches sur des technologies d’amélioration bioniques amovibles » (Chloé Vermeulier). En effet, pour le moment seules quelques personnes semblent séduites par le fait de remplacer des membres sains de leur corps par une version robotique améliorée.
Certains penseurs envisagent l’apogée du transhumanisme comme la fin de la mort. Parmi eux, Dmitry Itskov travaille sur la désincarnation. Avec son ONG, Initative 2045, il travaille sur la possibilité de transférer sa conscience dans un cerveau artificiel avec un corps holographique. C’est une immortalité psychique à laquelle il compte aboutir en  2045.  L’immortalité physique n’est pas non plus écartée des recherches transhumanistes. Ainsi, Peter Thiel, cofondateur de PayPal, a créé la fondation SENS Research Fondation (Strategies for Engineered Negligible Senescence) dont le but est de trouver une médecine permettant la régénération des cellules vieillissantes, en évitant tous les dommages possibles au corps humain. Ces visionnaires, ou utopistes selon le point de vue, ont comme point commun qu’ils n’envisagent pas la mort comme une fatalité mais comme une maladie dont le cerveau humain n’aura pas encore trouvé le remède.

2016-04-24 Claire-1
Claire Gimenes
Etudiante en Master 2 Gestion et Droit de l’Economie Numérique à l’Université de Strasbourg, je souhaite participer au développement du droit lié à l’émergence des nouvelles technologies.

A propos de Claire Gimenes