Années après années, le e-commerce a su s’ancrer dans les habitudes de consommation des internautes du monde entier. Prestations de services et produits en tous genre, tout ce que l’on désire se commande sur Internet. Et rien ne semble pouvoir contrarier cette ascension : en France en 2015, le chiffre d’affaires du commerce en ligne a atteint 64,9 milliards d’euros, signant une progression de 14,3%, après une hausse de 11% en 2014, selon les chiffres publiés début 2016 par la Fevad (fédération du e-commerce et de la vente à distance). On compte aujourd’hui en France 100.000 sites marchands de plus qu’en 2010, avec 25.000 créations sur la seule année 2015…
Mais alors, comment faire pour trouver sa place et attirer des clients quand on entre dans cette jungle de cybercommerçants ? Comment se démarquer ? Une belle présentation, un bon référencement ? Hélas cela ne suffit plus, tous ces sites vendu clé en main disposent de ces mécanismes, qui ne sont plus que des prérequis.
Les Pures Players doivent se rendre à l’évidence : pour exister sur la toile et rencontrer leur clientèle, ils ont besoin de se réinventer, aller plus loin que ce qu’ils proposent sur leurs sites web.
 
C’est face à ce constat que plusieurs firmes désormais emblématiques du commerce en ligne comme Amazon ou Free se sont lancées dans une re-matérialisation de leurs activités. Ces exemples semblent être à contre-courant de la tendance actuelle à la dématérialisation.
En effet, se lancer dans une implantation physique à un coût et les avantages ne sont pas toujours évident à premières vue. Pourtant ils sont bien là, et le premier d’entre eux est qu’il permet de répondre au problème évoqué plus haut : disposer d’une boutique physique permet de présenter une offre et une image de marque différenciante des concurrents Online.
Cette re-matérialisation des cyber-commerçant apparait aujourd’hui comme une étape incontournable  pour la plupart des spécialistes du e-marketing.
 

Le défi d’allier commerce Online et Physique

 

Une mise en place compliquée

On peut en effet parler de défi, car au premier abord, la création de succursales physiques ne semble apporter que des complications. Le management, le marketing, les ressources humaines, la communication… presque tout, à l’exception de la chaine d’approvisionnement doit être repensé. Ce qui implique des coûts importants afin de mettre en place une équipe projet apte à préparer l’entreprise à l’ensemble de ces changements. Ces coûts s’ajoutent à ceux que sous-tendent l’achat ou la location d’un local commercial adapté.
En outre, les pures players ont tout intérêt à adapter une partie de leur site pour y intégrer des fonctionnalités liées à leurs nouvelles succursales physiques. C’est d’ailleurs là que se situe le vrai défi de ce type de développement : il faudra parvenir à créer une véritable complémentarité entre la boutique en ligne et la boutique physique, pour qu’elles profitent mutuellement de leurs spécificités et de leurs points forts respectifs.
 

Pour quels avantages ?

Tout d’abord, la re-matérialisation constitue pour les Pures Players un nouvel axe de développement de leur activité Web : une fois qu’ils ont optimisé leur référencement, leur ergonomie, la mise en valeur de leurs tarifs, leur communication directe et sociale, les possibilités offertes à ces Pure-Player pour se démarquer et développer leur image de marque, deviennent limitées.
Il semble même que cette re-matérialisation soit une étape incontournable pour ancrer durablement et efficacement la marque dans l’esprit des consommateurs. Elle permet de créer un véritable univers, un ADN, une personnalité, reflétant les valeurs de la marque. La boutique physique, au-delà des nouveaux services qu’elle propose, doit être vue comme un outil de communication, voire même d’évangélisation à part entière.
De plus, le fait de prolonger leur activité en point physique ouvre de nouvelles opportunités marketing aux pures players :
 

  • Ouvrir de nouveaux débouchés

L’arrivée et la montée en puissance de certains Pures Players a parfois pu impacter des acteurs de l’économie traditionnelle : On peut une nouvelle fois prendre l’exemple d’Amazon dont l’arrivée dans le marché du livre a créée de véritables bouleversements, à la fois dans le monde du e-commerce mais aussi chez les libraires physiques, obligeant les plus fragiles d’entre eux à mettre la clé sous la porte.
Cependant, une part significative des marchés physiques demeure inaccessible aux Pure Players. Pour reprendre l’exemple d’Amazon, si celui-ci est en concurrence directe avec le site Fnac.fr qui propose des services équivalents, il ne se trouve qu’en situation de concurrence indirecte avec leurs boutiques physiques Fnac. On comprend ainsi que la création de boutiques physiques en France permettrait rapidement à Amazon de conquérir de nouvelles parts de marché dans le secteur des produits culturels.
De plus, cela permet de toucher de nouveaux prospects : on peut penser à des personnes conscientes de la renommée du Pure Player et de ses atouts, mais qui ne sont toutefois pas à l’aise avec l’achat en ligne. C’est le cas par exemple d’une part non-négligeable de la génération des baby-boomers (qui ont plus de 55 ans).
Un point de vente ou de retrait physique reste encore perçu par un grand nombre de consommateurs comme un vecteur de confiance pour effectuer leurs paiements et retirer leur commande.
 

  • Proposer une qualité de produits et de services supérieure

Disposer d’une implantation physique offre la possibilité aux Pures Player non seulement d’enrichir leur offre de services (retrait en magasin, essai des produits…), mais également d’optimiser les services déjà proposés en ligne, notamment en termes de service client. La proximité entre la marque et le consommateur, qui constitue une des principales carences du commerce à distance en général peut ainsi être retrouvée.
De plus, il n’y a pas que la qualité des services qui peut être mise en avant. Des enquêtes, peu flatteuses pour les Pure Players du prêt à porter ont mis en lumière qu’il existait plusieurs niveaux de qualité pour un même produit. L’exemple type est celui du fameux Polo Lacoste qui était de trois qualités différentes quand il était acheté en magasin physique, en ligne, ou en vente privée…  Ainsi une boutique physique représente une opportunité pour un distributeur à la base Pure Player de « montrer patte blanche » et rassurer les clients sur la qualité des produits qu’il propose.
De manière général, le fait d’avoir une implantation physique a pour effet de renforcer le capital confiance des consommateurs en la marque. Ceux-ci ont la sensation d’avoir une porte à laquelle frapper pour demander conseil ou présenter leur doléance ; cela permet d’éviter la sensation néfaste d’être démuni face à un vendeur en ligne virtuel et intouchable.
 

  • Travailler une atmosphère propre à la marque

La boutique physique doit être perçue comme une opportunité de prolonger et pousser l’expérience client. Celui-ci peut en effet retrouver l’immédiateté du rapport entre le consommateur et le produit, souvent décisif pour le passage à l’acte d’achat.
De plus il est possible de créer une atmosphère particulière à la marque, en travaillant sur le marketing sensoriel : en jouant par exemple sur la lumière, le design, un fond musical… cette ambiance, qui permet de définir l’identité de la marque, est aujourd’hui très importante aux yeux des consommateurs qui peuvent alors s’identifier à elle.
Au-delà de la confiance des clients, on constate que le fait d’entrer dans une boutique et de s’y sentir bien est aussi un facteur de fidélité, et donc de renouvellement des achats.
 
Finalement, on peut retenir que malgré quelques obstacles, les avantages à assortir une activité en ligne d’une succursale physique sont nombreux. On peut même aller plus loin en affirmant que c’est une nécessaire anticipation des attentes des consommateurs de demain, tels que les présente Catherine Barba pour la Fevad :

« Nous en avons la conviction : les consommateurs de demain ne connaî­tront pas cette dichotomie entre l’achat en ligne et l’achat magasin. Ils prendront les bons côtés du e-commerce : la recherche facilitée, le gain de temps, le fait de pouvoir commander 24 heures sur 24, les avis clients… et de l’achat de proximité dont la dimension humaine et physique restera primordiale : le contact avec un vendeur, la possibi­lité de voir les détails d’un produit, l’immédiateté de la possession, la scénarisation de l’offre et du parcours client…
Le commerce de demain permettra naturellement à un acheteur de rechercher un produit sur un support digital, de décider s’il veut l’acheter en magasin ou en ligne, à partir d’un terminal fixe ou portable, de se le faire livrer ou le retirer dans un magasin près de chez lui, bénéficier d’un SAV près de chez lui ou aller le retirer dans un point relais, un point de vente ou chez un particulier. Le e-commerce sera une expérience d’achat totalement intégrée à la vie réelle. »[1]

[1] « 2020 : la fin du e-commerce… ou l’avènement du commerce connecté ? », Catherine Barba, Fevad, 2011.
 
 
AntIMGP9119oine CONAN
Etudiant en M2 Droit de l’Economie Numérique à l’Université de Strasbourg.
Passionné par les nouvelles technologies et les problématiques qu’elles engendrent, notamment celles touchant à la propriété intellectuelle et aux données personnelles. Je porte également un vif intérêt à l’actualité web et vidéoludique.
Curieux de tout, je m’intéresse à l’art sous toutes ses formes et pratique la photographie en amateur.
Voir le profil LinkedIn de Antoine Conan Voir le profil de Antoine Conan

A propos de Antoine Conan