Le streaming vit un succès incontestable et représente l’avenir de la musique avec neuf milliards de titres écoutés sur les six premiers mois de 2015 en France. Mais des questions sur le contenu de ces plateformes se posent, notamment l’exhaustivité. Entre limitation et exclusivité, pourquoi certains artistes ou albums sont-ils absents de ces plateformes ?


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Source photo : DR/metronews

Technique du windowing 
La première façon d’être absent pour un artiste est la technique du windowing qu’on peut traduire par fenêtrage. Cela se définit comme le fait que des artistes de renom ne proposent pas aux plateformes de streaming leurs albums en les rendant uniquement disponibles sur support physique ou en téléchargement. Cela a une durée déterminée qui peut être de plusieurs semaines, mois ou années. L’album sera donc disponible en streaming dans l’avenir, mais pas lors de sa sortie où la demande est à son maximum. Il s’agit d’une technique de marketing utilisée par exemple pour le cinéma où le film uniquement diffusé au cinéma met 3 mois pour être disponible en support DVD ou Bluray. Or concernant le streaming musical, la date entre la sortie de l’album en physique, en téléchargement et en streaming est la plupart du temps similaire.
Adele : « C’est un peu jetable le streaming »
Il s’agit par exemple du dernier album d’Adele « 25 », qui n’est pas disponible sur les plateformes de streaming, alors que ses anciens albums y sont. On serait dans une notion d’exclusivité physique qui pousserait à faire encore plus de ventes (ce qui est le cas d’ailleurs puisque son album signe plusieurs records). Or, ce n’est pas ce que défend Adèle : « Je n’utilise pas le streaming. J’achète ma musique. Je la télécharge et j’achète une copie physique juste pour compenser le fait que quelqu’un ailleurs ne le fasse pas. C’est un peu jetable le streaming. (…) Je sais que le streaming c’est le futur, mais ce n’est pas la seule manière de consommer de la musique. Je ne peux pas prêter allégeance à quelque chose dont je ne sais pas encore ce que j’en pense ». Adele critique en effet le système en lui même et appuie cela via la non-présence de son album. De façon différente, cela a aussi été le cas, avec Beyoncé qui avait un contrat d’exclusivité avec iTunes pour la sortie de son nouvel album qui est désormais disponible en streaming, de même pour Coldplay.
Retrait total du catalogue d’un artiste en streaming
Une autre artiste, Taylor Swift, fait encore plus fort que le windowing. En effet, elle est absente de toutes les plateformes de streaming, ayant décidé de retirer tout son catalogue, sauf une : Apple Music. On est donc dans le cadre d’une artiste qui vend des millions de disques mais dont on ne peut rien écouter en streaming. « Je ne veux pas que mon travail contribue à une expérience qui ne rétribue pas équitablement les auteurs et artistes» , a t-elle précisé. Quand une de ses chansons est “streamée” 1,3 million de fois, Taylor Swift gagne 8.000 dollars. Quand sa chanson est téléchargée 1,3 million de fois sur iTunes, elle gagne 400.000 dollars. Cela démontrerait de cette façon que le streaming désavantage financièrement les artistes par rapport au téléchargement.
Neil Young : « Le streaming est le plus mauvais son de l’histoire »
Hormis la raison économique, d’autres émettent l’argument de qualité du son comme Neil Young qui a retiré ses albums des plateformes de streaming en 2015. « Je n’ai pas besoin que ma musique soit dévaluée par la pire qualité qui existe dans l’histoire de l’audiovisuel . Je ne me sens pas bien à l’idée d’autoriser cela à être vendu à mes fans. C’est mauvais pour ma musique (…). Le streaming est le plus mauvais son de l’histoire » affirme t-il. Avant de préciser plus modérément : « Lorsque la qualité sera là, je réexaminerai les choses. Il ne faut jamais dire jamais.» Certains accords d’exclusivités entre artistes et plateformes naissent. Par exemple, comme dit précédemment, Taylor Swift est disponible seulement sur Apple Music tandis que Prince est seulement sur Tidal. Faut-il donc s’inscrire sur une plateforme payante pour écouter son artiste favori ? Le streaming limite donc des contenus au profit de certaines plateformes exclusives ?
Selon Prince : « Spotify appartient pour partie aux maisons de disques qui détiennent 20% de ses actions. Or ces maisons de disques se rémunèrent grassement avec le streaming et laissent des miettes aux artistes. » Apple aurait déjà conclu des accords d’exclusivités sur du court terme. Il faut se demander si cela va devenir la norme dans le streaming, surtout si le contenu exclusif va être limité aux utilisateurs ou plateformes uniquement premium.
Des artistes français absents : Goldman, Cabrel
Même des artistes français sont totalement absents des plateformes comme Francis Cabrel : « C’est une merveilleuse idée dans laquelle les artistes sont complètement floués. Je préfère attendre que la dignité soit rendue aux créateurs.» précise t-il. C’est aussi le cas de Jean-Jacques Goldman, personnalité préférée des français qui a choisi de ne pas être diffusé en streaming. « Cela reste une exception, qui relève du choix des artistes », estime Guillaume Leblanc, directeur général du SNEP, « Mais quand on regarde l’ensemble du catalogue, il n’y a vraiment pas de problème d’accès à une offre légale » affirme t-il.
Oasis, Led Zeppelin, AC/DC, nouveaux dans le streaming 
D’autres défendent le streaming comme Denis Ladegaillerie, PDG de Believe Digital : « On n’a pas passé assez de temps à leur expliquer à quel point c’était important le streaming aujourd’hui. En France, il a représenté sur le mois dernier les deux tiers du chiffre d’affaires de la musique digitale et plus du quart du marché global de la musique. Or, au plus il y a de monde qui utilise le streaming, au plus il y aura de revenu à se partager.» En effet, certains artistes et groupes l’ont compris puisqu’ils cèdent tous un par un. Oasis, Led Zeppelin, Metallica ou encore AC/DC sont désormais disponibles en streaming. Même Björk qui refusait début 2015 de publier son nouvel album en streaming pour une question de respect et de travail fourni a accepté par la suite de le publier. Encore plus fort, en décembre 2015, ce sont même les ayant-droit des Beatles qui ont accepté la diffusion de tout leur catalogue en streaming.
Il y a donc une tendance à publier son catalogue en streaming hormis quelques exceptions. « Plus aucun artiste n’envisage sa carrière sans le streaming » assure Guillaume Leblanc. Il apparaît donc que l’absence temporaire ou définitive des artistes est un choix pour des artistes de renom qui vendent énormément et qui ont le statut et l’espace médiatique pour pouvoir le faire. Or, les nouveaux artistes ont un besoin indispensable du streaming pour se faire connaître et gagner leur vie, face à une crise du disque rude et une diversité musicale en possible perte de vitesse.

11265217_384886821720850_1224124107_nCharles-Antoine Jaubert – Etudiant en Master 2 Droit de l’économie numérique à l’Université de Strasbourg. Juriste, passionné par le droit des nouvelles technologies et les questions relatives aux données personnelles, propriété intellectuelle, réseaux sociaux, médias et musique en ligne.