Alors qu’il y a quelques décennies le cadre du travail était délimité par le bureau dans l’entreprise et des heures fixes en journée, à l’ère des sociétés hyperconnectées il est aujourd’hui difficile de définir ce qu’est la notion de lieu et temps de travail.

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Le rapport Mettling face au virage numérique
Dans le cadre de la transformation numérique et de la vie au travail, un nouveau rapport a été remis en septembre dernier par Bruno Mettling, directeur général adjoint d’Orange pour les ressources humaines, à la ministre du travail Myriam El Khomri.
Suite aux évolutions des entreprises dans le numérique, ce rapport de 60 pages préconise l’instauration d’un droit à la déconnexion impliquant de tenir à distance le travail en dehors des heures de bureau pour préserver le cadre de vie de ses salariés.
Grâce aux smartphones, ordinateurs portables et tablettes, on peut aujourd’hui envoyer un mail à un client ou un collègue n’importe où et n’importe quand. Depuis 2008, le nombre de smartphones a été multiplié par six et près de 90% des cadres bénéficient d’un ordinateur portable sur leur lieu de travail.
Pour que cette transformation numérique soit réussie il faut ainsi correctement articuler la vie professionnelle et la vie privée. Bien que le numérique soit d’abord une opportunité pour penser différemment l’organisation du travail, il peut aussi être porteur de risques pour la santé des salariés.
Hyperconnectivité et infobésité
Avec cet accès à l’information n’importe où et n’importe quand, il existe un risque de « surcharge informationnelle et communicationelle » à cause du nombre important de sollicitations, on parle ainsi d’ « infobésité ».
Ces sollicitations de toutes parts peuvent donner un sentiment de puissance et l’impression d’être incontournable dans l’entreprise, mais elles entraînent surtout des formes de stress et d’addiction chez le salarié. Ainsi plus d’un tiers des cadres se déconnectent rarement voire jamais et 63% d’entre eux considèrent que cela affecte leur vie privée et est nuisible à leur qualité de vie.
Il peut ainsi en découler une forme de harcèlement, de la part de la hiérarchie et de la part des collègues. Avec l’abolition des limites temporelles du travail, le salarié peut se faire attribuer à tout moment des tâches à distance par ses supérieurs. Ne pas répondre à un mail collectif peut également créer un sentiment d’exclusion du groupe.
L’hyperconnectivité implique ainsi souvent une surcharge de travail par un trop grand nombre d’informations à traiter et provoquer ainsi une fatigue mentale et physique et un stress important.
Le développement des technologies digitales dans l’entreprise peut également avoir des conséquences néfastes sur le sommeil. Après être rentré chez lui, le salarié a encore la possibilité de se connecter au monde du travail. Cela entraîne à nouveau un pic d’activité cérébrale dont l’excitation peut ainsi engendrer des troubles de l’endormissement.
Enfin cette surcharge peut avoir des effets sur la productivité elle-même. L’ouverture et le traitement d’un mail nécessitent une interruption dans le travail, et ces interruptions cumulées sur une journée normale peuvent ainsi se révéler contre productives.
Vers un encadrement législatif de la déconnexion ?
On peut alors se demander si pour guérir ces maux il ne faudrait pas prendre en compte les recommandations du rapport Mettling et légiférer sur la question.
A l’heure actuelle, on peut douter que le gouvernement envisage une mesure stricte comme un texte de loi qui impose de manière automatique et obligatoire la déconnexion. Ainsi des solutions autres que le recours à l’option législative peuvent être envisagées.
On peut imaginer la mise en place d’une charte, l’accès à la formation ou la configuration des outils digitaux pour empêcher la connexion à des heures inadéquates.
Plus qu’un droit à la déconnexion c’est d’abord un devoir de déconnexion qui incombe aussi bien aux salariés qu’à la hiérarchie à qui il revient de former ses employés au bon usage des outils digitaux.
Ainsi il faut privilégier des accords locaux au sein des entreprises, car ce qui est applicable dans une entreprise ne sera pas forcément le cas dans une autre. Il existe déjà des initiatives isolées en Allemagne et en France qui ont tenté de réduire les risques de surmenage et de burn-out. Par exemple, Volkswagen a mis en place un dispositif de mise en veille des serveurs pour les smartphones professionnels de 18h à 7h du matin alors que Price Minister a instauré une demi-journée sans emails par mois pour favoriser la communication orale.
Une question reste cependant en suspens, celle de savoir si l’on pourra un jour rattacher le temps de connexion au temps de travail quotidien.
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Mehdi Taieb,

Etudiant en master 2 Droit de l’économie numérique à l’Université de Strasbourg

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