L’avènement d’Internet lors des années 2000 a amorcé une nouvelle tendance dans le domaine du multimédia et plus principalement de la culture. Peu à peu, on est passé de la prépondérance du support physique à une dématérialisation des ressources toujours plus importante. Cet essor semble inéluctable mais cela marque-t-il pour autant la fin de nos bons vieux livres ou CD ? Si la dématérialisation offre de très nombreux avantages, il est encore trop tôt pour en conclure que le support physique est d’ores et déjà obsolète.

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La dématérialisation, une évolution séduisante…

  Au sens littéral du terme, « dématérialisation » signifie priver une chose de ses attributs physiques. D’un point de vue technologique, cela revient à faire fi des différents supports physiques inhérents à la mise à disposition des contenus en vue de les numériser. De cette manière, un simple périphérique de stockage suffit pour recueillir toutes sortes d’œuvres culturelles et les conserver. Ainsi, sur un même disque dur, on peut retrouver de la musique, des films, des jeux et même des livres numériques pour peu que l’espace de stockage soit suffisant. Alors qu’il faudrait un entrepôt pour stocker des milliers de disques, des centaines de DVD et toute une bibliothèque, la dématérialisation permet de conserver tout cela dans un boîtier.

  En plus de représenter un gain de place certain, l’un des autres gros arguments de la vente dématérialisée est le large choix offert au consommateur. A titre d’exemple, Deezer propose un catalogue de 35 millions de titres ce qui serait purement et simplement impossible pour une boutique physique. L’œuvre étant répliquable quand elle est dématérialisée, il ne peut y avoir de rupture de stock, même pour les œuvres à grand succès.

   Cette possibilité de duplication infinie du contenu dématérialisé est une façon de protéger les œuvres contre les effets du temps. Techniquement, une donnée stockée sur un serveur ou un disque dur ne peut pas s’altérer alors que les supports physiques sont soumis aux lois du temps, au vieillissent et finissent par être inutilisables. Par le biais du numérique, il est possible de préserver le patrimoine culturel de l’humanité mais surtout de permettre à tout un chacun d’y accéder simplement. Il suffit de disposer d’un ordinateur et d’une connexion Internet en vue de pouvoir télécharger ce contenu ou de simplement y accéder par la technique du streaming moyennant paiement.

  Vient alors l’un des autres gros avantages de la dématérialisation : le prix. En effet, lorsque l’on met à la vente un produit numérisé, bon nombre des frais disparaissent, notamment l’aspect logistique. Les profits engendrés par la vente d’un exemplaire dématérialisé sont bien plus importants que pour un exemplaire physique puisque le dématérialisé ne coûte pratiquement rien (absence de support, d’acheminement…). Cela se répercute-t-il pour autant sur les prix ? La réponse est nuancée sur ce point puisqu’elle dépend du secteur concerné. Si le prix est clairement plus avantageux concernant l’industrie musicale et cinématographique, que l’on opte pour le téléchargement ou le streaming, cela n’est pas le cas pour les jeux vidéos où les prix sont plus élevés. Cela ne s’en ressent toutefois pas sur les ventes puisque l’énorme partie du chiffre d’affaire réalisé sur PC dans le domaine vidéo-ludique provient des jeux dématérialisés (90%).

  Si l’avenir tend très nettement à une numérisation de tous les contenus multimédias, il ne faut toutefois pas encore jeter nos bons vieux supports physiques.

… qui se heurte encore aux limites technologiques actuelles…

  Comme cela a déjà été évoqué en amont, une connexion Internet est nécessaire pour accéder au contenu dématérialisé. C’est précisément ce point qui peut s’avérer problématique puisqu’il existe encore d’énormes disparités dans ce domaine en France. Si pas mal de grandes villes sont déjà équipées de la fibre permettant de télécharger très rapidement, certains villages reculés n’ont même pas accès à l’ADSL. Cela ne pose pas réellement de difficultés s’agissant de contenus légers comme une musique, un livre numérique ou une image. En revanche, la dématérialisation peut devenir extrêmement contraignante lorsque l’on a affaire à des contenus lourds comme des films haute-définition ou des jeux nouvelle génération pesant des dizaines de gigaoctets. L’intérêt de l’immatériel est que l’on accède à ce que l’on cherche quasiment instantanément. Si le téléchargement de plusieurs gigas de données dure des jours entiers à cause d’une connexion lente, il est clairement plus avantageux pour le consommateur d’opter pour le support physique qui ne nécessite que l’appareil compatible. Tant que l’Internet très haut débit n’est pas démocratisé, il est impossible pour les acteurs du marché culturel de se passer des supports physiques.

  L’autre côté sombre de la dématérialisation tient au fait qu’énormément de plates-formes de téléchargement en ligne utilisent un système de compte. Celui-ci permet à l’utilisateur de se connecter depuis n’importe où au service et de retélécharger à volonté les produits qu’il a acheté. Cette façon de procéder est très pratique pour le client mais aussi dangereuse. Si la sécurité du compte est compromise et qu’un pirate s’empare du compte, il devient compliquer pour l’utilisateur de le récupérer. Celui-ci doit se lancer dans toute une série de procédures afin de démontrer que le compte est bien sa propriété et qu’il en a été dépossédé de façon frauduleuse. Cela peut avoir de fâcheuses conséquences puisque les diverses plates-formes proposent souvent d’enregistrer les coordonnées bancaires de la personne afin de faciliter les achats ultérieurs. Ces données sont cryptées de sorte à ce qu’elles ne puissent pas être réutilisées pour d’autres sites, cependant, il reste toujours possible au hacker d’acheter sur la plate-forme en question.

… et aux habitudes de consommation :

  Le plus ardu lorsqu’il s’agit de mettre en place un nouveau procédé changeant radicalement les habitudes est de convaincre les plus sceptiques mais aussi de modifier la façon de consommer. Et c’est sans doute cet argument qui permet d’affirmer que le support physique a encore de beaux jours devant lui. En effet, si l’on prend pour exemple le livre, il est peu probable que l’e-book parvienne à rallier à sa cause les plus férus de littérature car la lecture est plus rapide et agréable sur un livre papier, même si celui-ci prend plus de place.

 L’aspect collection est également à ne pas négliger en ce qu’il est toujours gratifiant pour un passionné de lecture d’avoir une bibliothèque remplie de livre à domicile ou une DVD thèque fournie pour un cinéphile. Il est certes bien plus facile de stocker du contenu sur un disque dur, mais la valeur sentimentale des objets physiques est bien plus élevée qu’elle ne l’est pour de simples fichiers numériques.

  Enfin, l’un des aspects importants de la culture est de pouvoir partager celle-ci avec ses proches ou ses amis, autrement dit s’échanger nos films, musiques, jeux ou livres. Si cela est toujours possible avec les produits culturels physiques, ce n’est souvent pas le cas des contenus dématérialisés qui sont liés à un compte et qui ne peuvent pas être partagés à moins de donner le mot de passe de son compte à quelqu’un. Il s’agit sûrement de l’un des pistes sur lesquelles les prestataires de services dématérialisés devraient se pencher dans l’avenir : la possibilité de partager le contenu numérique que l’on possède avec ses proches mais cela pose encore des problèmes techniques et juridiques.

Thomas Schmitt

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