La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) vient donner des précisions sur l’utilisation de mesures techniques de protection. Par un arrêt en date du 23 janvier 2014, la CJUE considère que le contournement du système de protection d’une console pour jeux vidéo peut, dans certaines circonstances, être admis.
L’affaire, originellement portée devant le Tribunal de Milan, reposait sur un contentieux entre Nintendo et PC Box. Nintendo, qui commercialise deux types de systèmes pour jeux vidéo (DS et Wii), installe systématiquement un système de reconnaissance dans ses différentes consoles ainsi qu’un code crypté sur chaque support de jeux vidéo. L’objectif est d’empêcher l’utilisation de toutes copies illégales de jeux vidéo : ce sont les mesures techniques de protection (MTP) empêchant les jeux contrefaisants d’être lancés sur toute console Nintendo. PC Box est un revendeur de consoles Nintendo dans lesquelles sont installés divers logiciels additionnels contournant et désactivant les mesures techniques de protection des consoles.
Nintendo estimait que les appareils de PC Box n’avaient que pour seul but de contourner les MTP de ses jeux. A l’inverse, PC Box avançait que Nintendo empêchait l’utilisation de logiciels indépendants permettant notamment la lecture de films, fichiers vidéo et MP3, les logiciels ne constituant pas en eux-mêmes des copies illégales de jeux vidéo. C’est face à ce contentieux que le Tribunal de Milan a, le 26 juillet 2012, posé deux questions préjudicielles à la CJUE afin de déterminer l’étendue de la protection juridique dont Nintendo peut se prévaloir au titre de la directive sur l’harmonisation du droit d’auteur (Directive DADVSI 2001/29/CE) afin de lutter contre le contournement des mesures techniques mises en place.
La CJUE estime ainsi dans un premier temps, qu’en tant que création intellectuelle complexe propre à leur auteur, les programmes d’ordinateur originaux (jeux vidéo) sont protégés par le droit d’auteur visé par la directive. Ainsi, les MTP mises en place par Nintendo et incorporées dans les supports physiques des jeux vidéo et dans les consoles sont des mesures techniques efficaces au sens de la directive.
Dans un second temps, la Cour considère cependant qu’une telle protection juridique contre les actes non autorisés par le titulaire des droits d’auteur doit nécessairement respecter le principe de proportionnalité. Les MTP ne doivent donc pas interdire les dispositifs qui ont, sur le plan commercial, un but ou une utilisation autre que de faciliter la réalisation de contrefaçons au moyen du contournement de la protection technique.
La CJUE tranche donc de manière pragmatique la question de la portée de la protection juridique contre le contournement des MTP destinées à protéger le droit d’auteur et les droits voisins. Aux juridictions nationales de s’interroger sur le but des dispositifs prévus pour le contournement des MTP ainsi que sur la finalité de leur utilisation plutôt que sur l’utilisation des consoles définie par le titulaire des droits d’auteur.
Source : CJUE, 24 janvier 2014 C-355/12 – Curia Europa
Ludovic POIDEVIN
Étudiant en Droit de l’économie numérique passionné par le Droit de la propriété intellectuelle, la protection des données personnelles et les nouvelles technologies.