L’engouement pour cette technologie et son fort potentiel d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle conduisent à élaborer une réponse juridique adaptée.
Bien que l’impression 3D ne soit pas une invention récente, l’intérêt qu’elle suscite est croissant. En effet, les coûts baissent et la technologie devient accessible aux PME et bientôt aux particuliers. Dans cette perspective, on imagine aisément que chacun pourra dans le futur réaliser une reproduction de l’objet de son choix en disposant d’un simple plan d’impression 3D couplé à une imprimante.Ces plans d’impression auront vocation à être partagés avec le plus grand nombre. Plusieurs start-ups ont fait le choix de s’inscrire dans cette dynamique, dont la plus connue est Shapeways, née aux Pays-Bas en 2007 et basée à New-York. La plateforme permet ainsi aux utilisateurs d’envoyer leurs plans pour faire imprimer un objet. Ils ont également la possibilité de télécharger n’importe quel plan posté sur la plateforme par les autres utilisateurs. Cette économie florissante a donc vocation à se fonder sur le partage et l’open source.Cette innovation, qualifiée par certains de nouvelle « révolution industrielle », vient défier le droit et plus spécifiquement les droits de propriété intellectuelle. Les plus méfiants verront en chaque utilisateur un potentiel contrefacteur, tant le processus de reproduction est aisé. D’un point de vue prospectif, l’entreprise américaine de conseil Gartner prévoit que d’ici 2018, en ce qui concerne les droits de propriété intellectuelle, l’impression 3D entraînera une perte de l’ordre de 100 milliards de dollars par an au niveau mondial. L’enjeu est donc considérable pour les marques, qui ont tout intérêt à s’approprier la technologie. Des firmes comme Lego ou Playmobil, qui semblent avoir perçu la menace, ne parviennent pas pour autant à tourner cette technologie à leur avantage. Gageons qu’elles sauront rapidement en tirer profit.

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Quels enjeux pour les droits de propriété intellectuelle ?Alors qu’une grande majorité des créations 3D des internautes sont partagées sous des licences libres, il ne faut pas omettre qu’il réside dans l’impression 3D un fort potentiel d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle. Tant en matière de droit d’auteur que de droit des brevets ou des dessins et modèles, la contrefaçon sera caractérisée selon que l’utilisateur réalise cette impression dans un cadre privé ou à des fins commerciales. S’agissant du droit des marques, l’objet imprimé sur lequel serait apposé une marque ne sera une contrefaçon que s’il est utilisé « dans le cadre de la vie des affaires ».En somme, plusieurs droits peuvent être enfreints, parfois de manière cumulative. Il convient donc d’envisager les réponses les plus adaptées. Internet facilitant le partage en masse, une lutte contre chacun des contrefacteurs serait vaine et coûteuse. La France en a déjà fait l’expérience… Il faut donc explorer en amont de la chaîne et s’intéresser aux plateformes qui permettent ces échanges.Les contours du statut d’hébergeurCes sites facilitant les échanges entre utilisateurs et hébergeant du contenu peuvent être assimilés à ceux existants dans d’autres domaines. C’est le cas des sites de partage et/ou de téléchargement de films ou de musique notamment.Ce type de plateforme de stockage et de partage peut être qualifié d’hébergeur selon la prestation. Le statut d’hébergeur, créé par une loi du 1er août 2000, a évolué grâce à la jurisprudence pour aboutir à la loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique (LCEN) qui en a dessiné les contours. Il s’agit d’un régime de responsabilité allégée. L’article 6-I-2 de la LCEN indique que ce statut s’applique aux « personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ».Un hébergeur ne pourra voir sa responsabilité engagée que si trois conditions sont réalisées de manière cumulative :

  • S’il a connaissance de pratiques illicites,
  • S’il n’agit pas pour les faire cesser,
  • Alors qu’il dispose des moyens nécessaires pour le faire.

Ainsi, à la différence d’un éditeur, l’hébergeur ne doit pas avoir la maîtrise intellectuelle sur les contenus postés par les destinataires du service. La neutralité et la passivité qui le caractérisent ne lui confèrent qu’une simple maîtrise technique.Quid des plateformes de partage de plans d’impression 3D ?Dans un premier temps, prenons l’exemple du site français Sculpteo qui propose actuellement aux utilisateurs de commander une impression à partir d’une image proposée dans leur catalogue ou en envoyant leur propre plan. Il est également possible de vendre ses productions en ligne via la création d’une boutique.

  • Concernant son activité d’impression d’objets pour des clients, Sculpteo indique dans l’article 1 des conditions générales de vente que la société « se réserve le droit de refuser la commande d’OBJETS contrevenants à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, ainsi qu’un OBJET contrevenant manifestement au droit de propriété intellectuelle d’un tiers ». La maîtrise intellectuelle sur le contenu, s’agissant de ce service, est donc évidente et la qualification d’hébergeur ne saurait lui être attribuée.
  • Concernant le service de mise à disposition d’une boutique, il s’agit de savoir si Sculpteo joue un rôle actif et offre une assistance à ses vendeurs (voir trois arrêts Cass. Com. 3 mai 2012). Cela semble être le cas si l’on observe l’offre de services proposée sur la page d’ouverture de boutique.

Ainsi, la société française ne pourrait pas se voir attribuer le statut d’hébergeur qui lui conférerait une responsabilité allégée, telle qu’explicitée précédemment. Le statut d’éditeur confère donc une responsabilité pour laquelle il est plus difficile de s’exonérer.Dans un second temps, prenons l’exemple du site Thingiverse appartenant au géant de l’impression 3D Makerbot. Cette plateforme permet aux utilisateurs de partager des plans d’impression 3D en open source, notamment sous licence Creative Commons. Mais il est tout à fait possible qu’un utilisateur crée un plan d’impression portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle d’un tiers. Or Thingiverse prévient dans ses conditions générales d’utilisation que l’utilisateur est seul responsable des contenus qu’il poste. Le site prévoit par ailleurs la possibilité pour un ayant-droit de notifier aux administrateurs une violation de ses droits. Au regard du droit français, Thingiverse semble ainsi assurer un rôle d’hébergeur en stockant les plans chargés par les utilisateurs sans pour autant intervenir en amont.En somme, bien que ces créations aient vocation à être diffusées sous des licences libres, les menaces pour les droits de propriété intellectuelle sont bien réelles et doivent être appréhendées au plus tôt. Rechercher la responsabilité des plateformes d’intermédiation semble donc être la piste la plus adaptée pour répondre aux enjeux que représente la propriété intellectuelle. Le droit ne doit plus courir derrière le progrès technique et ne peut pas manquer le virage que représente cette nouvelle révolution industrielle.
 
Adrien PittionAdrien PITTION
Étudiant en Master 2 Gestion et Droit de l’Économie Numérique, curieux et passionné par l’innovation et les questions juridiques qu’elle engendre. J’éprouve un intérêt particulier pour le droit de la propriété intellectuelle appliqué aux nouvelles technologies.
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A propos de Adrien Pittion

Cette publication a un commentaire

  1. moreau jean louis

    je vais créer ma société de prototypage 3D , je travaillerai avec des grands
    comptes, je dois leurs assurer un respect de droit intellectuel de 1er ordre,
    vos conseils , un projet de chartre m’intéresse, MERCI, bien cordialement,
    jean louis moreau , (matériel investi deux machines STATASYS,)

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