Alors que cette technologie progresse en Europe, la France est à la traine. Le projet pourrait même être purement et simplement enterré…

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Le 29 novembre 2011, la France abandonnait définitivement la diffusion télévisée analogique, passant dès lors à une diffusion uniquement numérique. La France comptait encore 324 émetteurs analogiques  en service sur les 2 200 initiaux, tous ont ainsi été éteints définitivement. La France atteignant l’objectif fixé par l’Union Européenne de boucler cette transition avant le 1er janvier 2012[1].
Il était cohérent de penser que la radio suivrait elle aussi cette transition, d’autant plus qu’un arrêté de 2008[2] fixait déjà les bases de la diffusion numérique de ce média, notamment la définition des fréquences, le premier texte sur la question datant de 1986[3].

La radio numérique semble très prometteuse, elle offre une meilleure qualité de son, permet de palier à la saturation des fréquences et d’enrichir l’offre des régions mal couvertes. De plus, la fréquence FM d’une radio serait –enfin- identique dans toute la France[4].
Pourtant, alors que 2013 touche à sa fin, la radio numérique terrestre se fait toujours attendre. Pourquoi ?

 Les grands groupes radiophoniques privés jettent l’éponge

illustration article, credit gettyimagesAlors que d’autres pays européen sont déjà lancés dans la diffusion de la RNT (Radio Numérique Terrestre), la France piétine. La Pologne couvrira 40% de son territoire radiophonique d’ici à la fin de l’année[5] et 7,2 millions d’habitants seront alors en mesure de bénéficier de la RNT dans ce pays de 40 millions d’habitants. Au premier octobre 2014, 16,5 millions de Polonais seront couverts, le calendrier du gouvernement prévoyant une couverture complète des grandes agglomérations pour 2015, et d’étendre le service à l’intégralité du pays d’ici à 2020. La Suisse, le Royaume-Uni ou encore l’Allemagne sont également en train de développer la RNT.

Mais si le passage au numérique a globalement fait le consensus en Pologne, la situation française est plus conflictuelle. En effet, alors que les radios indépendantes et le groupe Radio France sont favorables à la transition, les grands groupes RTL, Lagardère, NRJ, NextRadioTV trainent des pieds. En 2009, le CSA avait choisi des radios en RNT à Nice, Marseille et à Paris, puis a gelé le dossier à la demande de ces groupes privés. Ce moratoire durera 18 mois (de mars 2010 à septembre 2011), le groupe Skyrock allant jusqu’à déclarer que la RNT « ne lui semblait pas [être] une solution d’avenir » [6].  De ce fait, les fréquences n’ont jamais été attribuées, et ce gel n’a pas été transposé juridiquement, créant une situation confuse[7]. Situation d’autant plus compliquée qu’il est nécessaire de réviser les standards et les normes pour être en adéquation avec le reste de l’Union européenne.
La France a longtemps fait de la résistance à la norme DAB+, enfin acceptée par notre pays le 28 août… 2013[8]. Cette norme avait pourtant été validée par tous les autres pays de l’Union Européenne.
Entre temps, certaines radios présélectionnées ont renoncé à leur candidature[9] et de nouveaux candidats ont vu le jour. En avril 2012 le CSA réaffirme sa volonté de développer la RNT et a donc avancé un calendrier visant à « procéder sans tarder à un nouvel appel à candidatures devant permettre de délivrer des fréquences avant la fin 2012 ».
Enfin, Le 15 janvier 2013, le Conseil a procédé à la délivrance des autorisations aux opérateurs sélectionnés[10], cela ayant pour vocation de commencer à développer et à émettre en diffusion numérique.

 La radio numérique déjà dépassée ?

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Logo officiel de la radio numérique terrestre

Les grands groupes (Lagardère, NRJ, NextRadioTV et RTL) estiment que la radio numérique est déjà obsolète avant même son lancement, car la radio sur internet est d’après eux bien plus adaptée aux usages[11], notamment avec l’avènement des smartphones. C’est l’une des raisons pour lesquelles ces groupes ont retirés leurs candidatures de 2009, préférant se développer sur internet. Bien que les radios nationales et indépendantes soient toujours favorables à la RNT, son lancement sans la présence des grands acteurs est un nouveau revers. Un abandon de la RNT en France serait pourtant fortement préjudiciable en terme d’offre, de contenu et de qualité, le développement de cette technologie en Europe nous poussant à suivre le mouvement.
Autre inconvénient majeur, la RNT oblige –comme pour la télévision- les usagers à s’équiper en matériel compatible, les anciens postes n’étant pas adaptés à cette technologie. La France comptabilisant en moyenne 6 postes de radio par foyer[12], on comprend également la réticence des utilisateurs et des radios nationales, lesquelles redoutent une perte d’audience si les Français doivent acquérir de nouveaux postes pour pouvoir continuer à écouter la radio. Si la Suisse a célébré il y a déjà plus d’un an la millionième vente de poste radio numérique[13] (alors que le pays comptabilise 8 millions d’habitants), la France commence à peine à les commercialiser.

 Aussi, la transition française vers la radio numérique s’annonce bien plus difficile que pour la Pologne. Le CSA avait pour ambition de lancer la RNT avant la fin de l’année[14] et de finaliser le passage à cette technologie d’ici à fin 2015[15], il semblerait que le calendrier doive être révisé.

Affaire à suivre.
 

Adrien Laurent

 


[1] http://www.abavala.com/2011/11/30/fin-de-la-television-analogique-bienvenue-la-tnt/

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